Les sols, merveilles invisibles

La Mission « Sol » de l’Union Européenne

Photo de Matthew Smith sur Unsplash La Mission « Sol » de l’Union Européenne
Photo de Matthew Smith sur Unsplash

Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).           

Aujourd’hui nous parlons de la Mission « Sol » de l’Union Européenne.

Exactement, car l’Union Européenne se dote de missions. Et l’une d’entre elle se focalise sur les Sols. C’est assez extraordinaire car dans la politique européenne de soutien de la recherche et de l’innovation sur les grands enjeux globaux, il n’y a que 5 missions pour 2030 : Cancer, Adaptation au changement climatique, les villes climatiquement neutres, la restauration des eaux et des océans, et les Sols. « A Soil Deal for Europe ».

L’enjeu de la dégradation de nos sols est donc enfin pris au sérieux.

Oui il faut dire qu’avec 60 à 70 % des sols européens dégradés il était temps ! L’Union Européenne ayant recensé 390 000 sites avec des sols contaminés, ¼ des sols européens concernés par l’érosion avec en moyenne 3 tonnes de pertes de sol annuelles ha-1, des régions du sud de l’Europe menacées de désertification et des problèmes d’eutrophisation de l’environnement liés à des sols agricoles surfertilisés, elle a décidé d’agir pour inverser ces tendances.

Ces chiffres de dégradations des sols sont impressionnants.

Et sans doute très imprécis ! Car la mesure et la prédiction de l’évolution de la gestion de la qualité des sols sont des difficultés majeures. Déjà il faut définir les indicateurs que l’on va mesurer, puis les méthodes de mesure qui doivent être les mêmes dans toute l’Europe et enfin déterminer qui s’y colle !

Même s’il y a de l’artificialisation des sols, il en reste encore beaucoup à mesurer.

C’est ça ! Mine de rien, ce suivi de la qualité des sols s’organise. 19 indicateurs ont été choisis pour suivre : érosion, pollution, stocks de carbone, biodiversité des sols. Il existe une directive cadre de surveillance des sols, on en a déjà parlé, un Centre européen de données sur les sols (Ressources European Soil Data Center, ESDAC), et un Observatoire européen des sols (EUSO) avec la définition de règles d’observation, comme la densité des points et la fréquence des mesures pour le suivi. On ne part pas de rien sur les méthodes car plusieurs pays, dont la France, mesurent déjà la qualité de leurs sols.

Tous ces pays mesurent, analysent les sols de la même façon ?

Pas vraiment, et ce travail d’harmonisation nécessaire est difficile. Parce que qui dit harmonisation dit forcément besoin d’adapter ses propres méthodes aux nouvelles. Tout changement est difficile et peut mettre en péril des séries temporelles.

Alors ?

Alors on empile les méthodes ; on cherche des moyens d’extrapoler les résultats et surtout on s’attaque aux régions où il y a peu de données.

Mais qui est le « on » ?

La recherche, les bureaux d’études, les laboratoires d’analyses, les agriculteurs, les forestiers, les collectivités. Vu l’ampleur de la tâche, de l’élaboration du plan d’échantillonnage, aux prélèvements jusqu’à la production et l’analyse des données en passant par le financement de toutes ces étapes, cela fait beaucoup de personnes, de compétences et d’argent à engager dans la connaissance et la protection de nos sols.

Vous y travaillez ?

Bien sûr. Des financements européens spécifiques, comme le programme PRIMA qui signifie Partenariat pour la Recherche et l’Innovation des Régions Méditerranéennes, financent mes recherches. En partenariat avec une dizaine de pays du pourtour méditerranéen, du Nord comme du Sud avec la Turquie, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, nous étudions les spécificités des sols méditerranéens souvent calcaires, parfois salés, et mal connus avec peu d’inventaires harmonisés dans ces régions où l’adaptation des systèmes agricoles au changement climatique est particulièrement prégnante. A Soil for Deal for Europe, et même un peu plus loin !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.