Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).
Bonjour Tiphaine, au menu champignon, aujourd’hui ?
C’est ça champignon, enfin mycorhize, c’est-à-dire la symbiose, la relation à bénéfices réciproques entre un champignon et une plante. La plante apporte des sucres au champignon, le champignon apporte une exploration décuplée du sol via son réseau de filaments avec un apport à la plante d’éléments nutritifs minéraux clés tels que le phosphore.
Cette relation s’effectue donc au niveau des racines ?
Oui au niveau des racines. Les filaments très fins, de 2 à 10 micromètres de diamètre que l’on appelle hyphes, forment un réseau, le mycélium.
Mais alors qu’est ce qu’on voit et que l’on ramasse, ou pas d’ailleurs !
En fait le mycélium, c’est la partie végétative du champignon, comme les feuilles pour un pommier, par exemple. Il est généralement souterrain. Le champignon, celui que l’on ramasse ou qu’on achète au marché est un fruit que certaines espèces forment lors de leur reproduction, comme les pommes pour le pommier. C’est une fructification du mycélium qui va produire des spores ensuite disséminées par le vent. Mais toutes les espèces ne fructifient pas. Plein d’espèces restent discrètes sur des morceaux de bois morts, sous la litière de feuille ou dans le sol. Revenons à l’association racine/mycélium.
Oui les hyphes, les filaments fins, que font-ils ?
Certains de ces hypes vont coloniser des racines vivantes. Cette association est plus ou moins profonde dans les tissus racinaires. On distingue les endomycorhizes des ectomycorhizes. Les hyphes étant jusqu’à l’intérieur des cellules de la racines pour les endo, ou restant en périphérie des cellules pour les ecto. Les endomycorhizes sont plus fréquentes que les ectomycorhizes qui sont globalement en association surtout avec des arbres et ce sont aussi elles qui forment les champignons comestibles que l’on connait.
Ces associations sont-elles fréquentes ?
Très fréquente. On dit que 80% des espèces de plantes sont mycorhizées. Claude Plassard, chercheuse à l’INRAe de Montpellier qui m’a aidée à écrire cette chronique me disait que seules quelques familles de plantes ne sont pas mycorhizées. Ce sont les Brassicacées (la famille des choux, Colza, moutarde, …) ou les Chenopodiacées (les betteraves, …) plus 3 autres familles plus anecdotiques. Pour l’instant on serait à 50 000 espèces de champignons pour plus de 250 000 espèces de plantes hôtes connues. 80% de ces associations correspondent à des endomycorhizes. Sous une prairie par exemple on peut compter jusqu’à 100 m d’hyphes mis bout à bout dans 1 g de sol. Un même mycélium peut coloniser plusieurs plantes.
C’est donc un processus central dans les sols et pour les plantes.
Invisible la plupart du temps mais oui central. Une influence permanente entre plante et mycélium. Défolier une prairie réduirait la colonisation mycorhrizienne du fait du ralentissement de la photosynthèse et donc des flux de carbone, de sucres, au niveau des herbes de la prairie défoliée. Moins de sucre pour le mycélium, sa croissance est réduite. A l’inverse des expériences montrent que la survie de plantules isolées artificiellement de tout mycélium était réduite par rapport à des plantules où la colonisation était possible. Comme Claude m’expliquait sans mycorhize, nos productions agricoles et nos forêts ne seraient pas aussi belles, et pourtant la connaissance du fonctionnement de ces associations reste partielle.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.