Cette semaine, vous avez des doutes sur la capacité des gouvernants, notamment européens, à prendre les bonnes décisions technologiques…
Commençons par l’évidence : aucune activité humaine n‘est neutre pour notre environnement, toutes engendrent, sous de multiples formes, de la pollution. Il faut donc se féliciter qu’aujourd’hui, il y ait consensus, entre les gouvernements des 195 États que compte la planète, pour inciter les industriels, comme les particuliers, à réduire leur empreinte sur la qualité du sol, de l’air, et de l’eau, qui constituent notre habitat et la condition de la survie du vivant.
Tout le monde peut être d’accord avec cela, mais on vous sent malgré tout un rien inquiet…
Oui, car comme toujours, ce ne sont pas les principes qui sont en cause, c’est leur mise en œuvre, laquelle dépend de décisions politiques, prises généralement en fonction de priorités simples et à court terme, sans bien explorer la gamme complète des options et possibilités techniques, pourtant à disposition.
Un exemple ?
Prenons, si vous voulez, le cas des véhicules routiers en 1914 : le marché était partagé entre la motorisation électrique et le moteur à explosion. La première était techniquement simple, alors que la seconde était complexe, peu fiable, et était tributaire de l’approvisionnement en carburant cher à extraire et à raffiner.
Or, l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 allait inonder l’Europe de camions à essence construits Outre-Atlantique, et qui allaient rester sur place après la fin des hostilités, reconvertis à des utilisations civiles ; parallèlement, Britanniques et Américains s’étaient trouvé un intérêt stratégique pour le pétrole en Iran et en Arabie séoudite et poussaient à la dépendance des immenses réserves de ces régions. Enfin, troisième facteur du succès du moteur à explosion, la construction à la chaîne maîtrisée par Henry FORD allait assurer l’essor de sa Model T, produite à 15 millions d’exemplaires tout au long des années 1920, de sorte qu’à l’aube de la décennie suivante, pratiquement plus personne ne proposait de voitures électriques. Pourtant, la première automobile à franchir les 100 kilomètres-heure était électrique – et c’était en 1899. On rappellera que cet exploit est dû au Belge Camille JENATZY, qui avait construit lui-même son engin en forme de cigare et l’avait baptisé La Jamais-Contente.
Mais au-delà de l’intérêt historique, quelle importance pour nous, plus de cent ans après ?
Retournons-nous un instant sur les trente dernières années : les instances officielles, notamment en Europe, ont découvert que les moteurs à essence éjectaient dans l’atmosphère du dioxyde de carbone, du protoxyde d’azote, et du méthane – toutes choses qui mettent en péril la couche d’ozone qui entoure notre planète. Une seule solution : le moteur diésel. Mais quinze ans après, horreur ! les mêmes officiels s’aperçoivent que celui-ci génère des nano-particules destructrices pour nos voies respiratoires.
Que faire ? Réponse : ressusciter la voiture électrique, là où on l’avait abandonnée en 1930.
Et le message officiel, remanié une troisième fois, c’est : On ne s’en sortira que grâce à la voiture électrique. Or, sans trop s’en apercevoir, on est en train de reproduire toutes les erreurs d’appréciation qui ont marqué l’histoire de l’automobile.
Pourquoi ? La voiture électrique, c’est bien, non ?
Certainement, mais tout miser sur la voiture électrique et uniquement sur elle, s’enfermer dans ce choix, c’est manquer de clairvoyance politique. Ainsi, cédant à l’air du temps, l’Union européenne avait-elle décrété l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035. D’autres techniques sont pourtant envisageables : la pile à hydrogène ou les carburants de synthèse, par exemple. Ces deux systèmes n’émettent aucun polluant, et leur exploitation à grande échelle ne pose pas davantage de problèmes industriels que celle des véhicules électriques.
Une précision : les carburants de synthèse ont été mis au point par deux chimistes allemands en 1921 (pour ceux que cela peut intéresser, il s’agit du principe de synthèse FISCHER-TROPSCH) ; la pile à hydrogène, elle, est montée en série dans des voitures japonaises depuis dix ans – mais le principe en est connu depuis 1807.
Que de temps perdu.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.