On commémorait il y a quelques jours le centenaire de la signature de l’Entente cordiale, cette déclaration perpétuelle d’amitié entre les nations britannique et française. Mais entre Français et Britanniques, auparavant, les relations étaient plutôt tumultueuses, QD
Les relations entre la France (qui n’était pas encore la France) et l’Angleterre (qui n’était encore qu’une notion géographique) commencent mal : le 14 octobre de l’an 1066, le Duc de Normandie, Guillaume-le-Conquérant, défait les troupes d’Harold II, Roi des Angles et des Saxons, à proximité de la ville de Hastings (qui n’existait pas encore). C’est le début de la conquête normande, qui s’étendra sur la majeure partie de l’Angleterre d’aujourd’hui, aux dépens des fiefs saxons. C’est ce qui – notamment – vaut à l’actuel souverain britannique, Charles III, de compter parmi ses titres celui de Duc de Normandie.
Mais en dépit de cette origine un peu française avant l’heure, les Anglais allaient affronter régulièrement les Français sur les champs de bataille, non ?
Effectivement, c’étaient, au fil des siècles, les meilleurs ennemis d’Europe. Longtemps, le roi d’Angleterre régnait d’ailleurs sur une grande partie de la France actuelle : à des époques différentes, il était chez lui en Aquitaine et en Gascogne, et BORDEAUX et CALAIS étaient villes anglaises.
Au XIVe et au XVe siècles, les PLANTAGENÊTS, dynastie anglaise, et les VALOIS, dynastie française, se sont livrés la Guerre de Cent Ans (qui aura en fait duré 116 ans).
Deux siècles après ce conflit, BOSSUET invente l’expression la Perfide Albion, sans imaginer le succès qu’elle connaîtra jusqu’à nos jours.
Cet affrontement prendra tout-de-même fin ?
Il culmine sous le Premier Empire, Napoléon Ier étant la bête noire (expression anglaise) des Britanniques.
Mais le XIXe siècle marque un tournant durable dans les relations entre PARIS et LONDRES. Napoléon III fit beaucoup pour rapprocher les deux pays – sans se douter qu’à la chute du Second Empire à l’issue de la guerre de 1870, perdue contre les Prussiens, sa famille, sa cour, et lui-même iraient s’exiler dans le sud-est de l’Angleterre, à CHISLEHURST. La tombe du dernier Empereur des Français se trouve d’ailleurs toujours Outre-Manche. Son héritier direct, le Prince impérial, trouva la mort, sous l’uniforme britannique, en Afrique du Sud au cours de la Guerre des Boers.
Tout cela crée des liens durables.
qui aboutirent en particulier à l’Entente cordiale
…l’Entente cordiale, née dans la suite de la camaraderie d’armes entre Britanniques et Français au cours de la Grande guerre de 1914-1918, renouvelée en 1940-1945, et à nouveau (mais avec moins de succès) lors de l’intervention de SUEZ en 1956.
Depuis lors, Français et les Britanniques ont tiré des leçons différentes de cette crise de SUEZ
Vous avez raison. Cet échec commun aura poussé les Britanniques dans les bras des Américains et, au contraire, incité les Français à hâter l’avènement de la Communauté économique européenne, ancêtre de notre Union européenne actuelle.
Mais, pour les Britanniques, les Français restent les étrangers les plus proches et qu’ils pensent connaître le mieux – et réciproquement.
Je dis ‘qu’ils pensent connaître le mieux’, parce que, des deux côtés d’un modeste bras de mer que les uns nomment le Pas-de-Calais et les autres le Détroit de Douvres, on vit sur des représentations de l’autre pays anachroniques, dépassées, caricaturales, voire franchement fausses.
Y contribue certainement le fait que le français soit toujours la première langue étrangère enseignée dans les écoles britanniques et que l’anglais soit dans la même situation en France ; or, le niveau assez médiocre de cet enseignement rend la communication directe improbable et charrieuse de malentendus.
Il y a tout-de-même des aspects convergents, non ?...
Absolument, mais pas nécessairement ceux qu’on aurait souhaités. La France et le Royaume-Uni ont en commun une vie politique déchirée, désolante, à la dérive ; un système de santé publique en déclin, faute d’investissement ; un envahissement du politiquement correct venu d’Outre-Atlantique avec son wokisme et sa consécration du droit à l’indignation permanente.
Bref, deux sociétés parallèles, également malades, où se répandent la haine ordinaire et la violence du quotidien, la contestation de toute autorité et l’incapacité de concevoir l’avenir de nos vieux pays – pourtant encore riches de mille atouts – dans un monde que la raison paraît avoir abandonné.
Mais tout n’est pas perdu.
Que voulez-vous dire ?...
Simplement que l’échec patent du Brexit conduit confusément les citoyens britanniques à rechercher par tous les moyens des passerelles avec l’Union européenne, afin d’effacer les aspects les plus négatifs de leur départ. Mais ces citoyens ne sont pas vraiment aidés par leurs responsables politiques, prisonniers de leurs prises de position tonitruantes et encore dans toutes les mémoires, qui garantissaient un Brexit générateur de prospérité et de liberté.
Ainsi, contre l’avis répété des associations des universités britanniques et de leurs fédérations d’étudiants, le gouvernement de Sa Majesté vient-il d’exclure la réintégration du pays dans le système européen Erasmus d’échanges d’étudiants. Les raisons invoquées : le peu de rentabilité, en raison des faibles connaissances linguistiques des jeunes Britanniques. Officiel.
Mais l’on s’achemine, d’ici la fin de l’année vers des élections législatives, perdues d’avance par le Parti conservateur, à bout de souffle, d’identité, et d’idées. On ne sait pas quelle ligne tiendra le gouvernement travailliste qui lui succèdera, dont les dirigeants, dans l’actuelle période pré-électorale, se montrent très discrets à cet égard.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que la guerre en Europe depuis deux ans et les incertitudes liées à la présidentielle américaine entraînent un rapprochement politique et militaire durable entre la France et le Royaume-Uni, seuls pays de l’Union européenne dotés de l’arme de dissuasion nucléaire et appelés de ce fait à un rôle directeur conjoint dans toute politique de sécurité et de défense de notre continent.
Alors, oui, levons un verre à la santé de l’Entente cordiale, car Je t’aime, moi non plus (…) sont des mots qui vont très bien ensemble.