Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Vous vouliez nous faire part de quelques évidences purement pratiques avant les élections européennes, Quentin Dickinson…
Il y a, en particulier en France, cette notion – à dire vrai, un peu floue – du vote utile. En gros, cela signifie que l’on choisit de voter, non pour le candidat avec lequel on se sent le plus d’affinités, mais pour un autre candidat, uniquement pour barrer la route à un troisième candidat que l’on exècre.
En fait, le vote utile, cela se discute ; mais ce qui est avéré, c’est que le seul vote inutile, c’est l’abstention.
Et, à quelques heures d’un scrutin à l’issue que l’on pressent contradictoire, il ne peut être mauvais de prendre un peu de distance par rapport à l’artificielle effervescence de cette fin de campagne.
Alors, par où commence-t-on ?...
…on commence par souligner que se faire élire est une spécialité, mais que siéger en est une autre. Et qu’il est heureux pour les candidats que le droit en matière électorale ne connaît pas le délit de publicité mensongère.
Pour la bonne compréhension des enjeux de ces élections, il faut constater que la culture et le fonctionnement du Parlement européen sont à l’exact opposé de la culture et du fonctionnement d’un parlement national dans un pays de l’UE. Autant ces derniers vivent dans l’affrontement entre majorité et opposition, autant à STRASBOURG et à BRUXELLES, l’action politique et son prolongement législatif ne sont possibles qu’au prix d’un consensus autour de chaque ligne de chaque texte proposé.
La majorité, au Parlement européen, est donc perpétuellement en mouvement.
Ce qui signifie que toute ébauche de travail législatif, toute motion, toute déclaration commune suppose un patient travail préalable, en commission parlementaire spécialisée, débouchant sur l’adoption du texte, suivi du même exercice, cette fois-ci en séance plénière, pour aboutir au vote définitif.
Et emporter la conviction des uns et des autres implique que l’on dialogue dans le détail avec des eurodéputés qui sont d’autres pays et d’autres familles politiques.
Autant dire que les élus des listes en présence, qui vous promettent de remettre en cause jusqu’aux fondements des institutions européennes, n’ont strictement aucune chance de parvenir à leurs fins. La force des structures de l’Union européenne, c’est d’avoir la consistance d’un immense édredon, qui ne redoute pas vraiment les coups de pied, quel que soit l’âne, ni les petits poings rageurs.
Il faut en être conscient – et aller voter.
Mais ce n’est sans doute pas la seule raison d’éviter le choix de ces listes qui, dans la plupart des pays de l’UE, se situent aux extrêmes, pourtant opposés, de l’échiquier politique…
Vous avez raison. Une fois élus – et quel qu’en soit le nombre – les eurodéputes de ces partis eurosceptiques, voire franchement anti-européens, ne se signaleront au Parlement européen que par leurs vociférations et leurs déclarations intempestives dans les couloirs – sans oublier leur propension à l’absentéisme.
Mais ce qui pourrait paraître simplement ridicule est néanmoins grave.
Pourquoi dites-vous cela ?...
Prenons le cas de la France. Notre pays dispose de quatre-vingt-un sièges, sur les sept cent vingt que compte le Parlement européen. Or, les sondages accordent actuellement plus de 40 % du contingent français aux partis national-populistes.
Leurs élus n’auront aucune influence sur les décisions du Parlement européen – et les véritables intérêts de la France seront bien moins défendus qu’auparavant.
Il faut en être conscient – et voter utile.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron