L'agroécologie, notre rapport à la nature

COP 15, agroécologie et semences

COP 15, agroécologie et semences

Edith Le Cadre est directrice de recherche à l'institut agro. Une semaine sur deux sur euradio, elle décryptera les différents sens l'agroécologie et se demandera si cette dernière peut être une solution aux enjeux de notre époque.

Dans notre dernière chronique, nous avions expliqué comment la biodiversité apportée par les agriculteur·ices c’est à dire planifiée, pouvait permettre l’établissement d’une autre biodiversité qui ensembles permettent le fonctionnement des écosystèmes. Sera t’il question d’agroécologie au cours de la COP 15 qui se tient en ce moment à Montréal ?

La convention a pour objectif de favoriser la diversité au sein des espèces c’est la diversité génétiques, inter espèces ou spécifiques, et des écosystèmes

Mais également une utilisation durable de cette diversité et des avantages découlant de cette diversité.

Donc l’agriculture et l’agroécologie ne devraient pas être ignorées dans cette COP 15 mais reste à voir si ce sera le cas car la dernière COP sur le climat avait été assez décevante pour prendre en compte l’agriculture comme un acteur du changement.

En effet, nous avons parlé des conséquences de la spécialisation des productions et des conséquences de l’utilisation des engrais et des pesticides

Oui c’est pour cela, que l’agroécologie devrait être discutée comme une des voies possibles de lutter contre l’érosion de la biodiversité.

Est-ce que l’érosion de la biodiversité peut compromettre le développement de l’agroécologie

Oui, il est essentiel de préserver cette diversité pour les écosystèmes naturels comme pour les systèmes cultivés, et cela passe par conserver la biodiversité des semences paysannes et continuer l’amélioration des variétés, car les cultures ou les plantes sont toujours le point d’entrée des productions agricoles.

L’amélioration des variétés, c’est à dire les organismes génétiquement modifiés ?

L’amélioration des variétés ne doit pas renvoyer systématiquement aux OGM. Depuis les débuts de l’agriculture, les premier·es agriculteur·ices ont sélectionné·e, croisé·e des variétés pour obtenir celle qui leur étaient les plus favorables.

Les méthodes et outils ont changé notamment grâce à l’essor de la génétique, mais en Europe il est pour le momentinterdit d’inscrire au catalogue des variétés commercialisables des plantes génétiquement modifiées.

Lors de la première chronique, nous avons parlé des variétés élites, celles à fort potentiel de rendement à condition d’être protégées des ravageurs et d’être soutenues par les fertilisants.

L’enjeu de l’amélioration des plantes non OGM, je le rappelle, est de créer de nouvelles variétés permettant les mélanges inter spécifiques comme les cultures associées ou les mélanges variétaux. Les bénéfices sont connus et parfois avec des rendement supérieurs aux cultures cultivées en pures c’est à dire une seule espèce/variété.

Mais actuellement les variétés actuelles n’ont pas les qualités requises pour permettre systémiquement ce gain de rendement Il faut donc favoriser l’aptitude au mélange et cela repose sur des critères spécifiques d’architecture et de physiologie des plantes cultivées.

Un autre enjeu de l’amélioration des plantes est permettre aux variétés de mieux interagir avec leur environnement biotique pour se défendre et se nourrir avec plus d’autonomie.

Peux-tu nous en dire plus ?

Oui, car c’est un sujet passionnant et qui se rapport au titre de la chronique.

Les plantes hébergent quantité de micro-organismes autour de leurs racines, feuilles, et tiges mais aussi leurs semences qui complètent leurs gènes par les leurs, conférant des avantages très importants en terme de santé ou de nutrition.

Il faut désormais considérer les plantes comme un super organisme un holobionte qui rassemble à la fois l’individu plante mais également tout ce cortège de micro organismes qui interagissent ensemble de manière symbiotique ou non d’ailleurs.

Sans développer, car je pressens que cela peut faire l’objet d’une chronique, quels liens faire entre amélioration des plantes et holobionte ?

Le lien est à faire au niveau de ce processus de sélection et d’amélioration des plantes.

Au cours de ces processus, les plantes cultivées dans les systèmes spécialisés ont perdu certains critères notamment celui de pouvoir recruter et retenir des organismes bénéfiques, par exemple au voisinage des racines.

Les biologistes des plantes au sens large, mais aussi les écologistes doivent travailler de concert pour retrouver et comprendre ces interactions afin de proposer de nouvelles variétés performantes c’est à dire productives et sobres en utilisation de ressources grâce à ces interactions.

Je comprends l’enjeu mais combien de temps faudra t’il pour créer ces nouvelles variétés ?

Au minimum une dizaine d’année si on connaît les processus en question, il est donc urgent de commencer dès à présent.

Mais aurons nous le temps d’attendre… Vous aviez évoqué les semences paysannes ?

Elles font partie de l’équation, comme une source de diversité notamment génétique pour retrouver les critères de coopération dont nous avons parlé, mais également car en les préservant dans leur environnement naturel et donc soumis à l’évolution naturelle, on peut espérer voir apparaître de de nouvelles propriétés dont nous pourrions avoir besoin dans le futur.

C’est un point très important, les politiques publiques devraient accompagner les agriculteur·rices dans la gestion, l’accès et la conservation de leurs semences.

Mais les variétés anciennes inscrites au catalogue et issus de la recherche publique ou privée sont également à préserver, et il existe d’ailleurs des banques de graines sécurisées pour cela.

On a l’impression de faire le grand écart entre la recherche pointue et des approches plus participatives sur cette question des semences

Oui, mais en matière d’agroécologie, il ne sert à rien d’opposer mais bien de co-construire et d’identifier toutes les pistes possibles pour transformer notre agriculture en gardant en tête les principes de l’agroécologie produire durable mais de manière juste et éthique pour cela il faut avoir en perspective le temps long et pas celui du court terme qui n’est qu’une solution sans avenir.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.