L'agroécologie, notre rapport à la nature

Interdépendances entre écosystèmes : les méta-écosystèmes

Photo de Ivan Bandura sur Unsplash Interdépendances entre écosystèmes : les méta-écosystèmes
Photo de Ivan Bandura sur Unsplash

Mouvement social ou politique, discipline scientifique... l'agroécologie est décidément un terme que tout le monde connait, rejette ou revendique. Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes-Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens de ce mot.

Souvent quand est évoqué l’agroécologie, les solutions locales sont mises en avant, mais faut-il opposer solutions locales et approches globales lorsqu’on parle d’agroécologie ? Edith, vous proposez d’en discuter aujourd’hui sur Euradio !

Bonjour Laurence.

Une fois n’est pas coutume, je propose de donner la réponse à votre question immédiatement, car cette question est bien au cœur de beaucoup de discussions sur l’agroécologie.

La réponse est non.

Ecologiquement, cela n’a pas de sens de séparer local et global car les écosystèmes sont liés les uns aux autres par des flux d’énergie, de matière mais aussi d’organismes.

Selon les écosystèmes, les flux peuvent être majoritairement de la matière comme les éléments nutritifs ou bien des organismes qui se dispersent.

Pour conceptualiser ces liens entre différents écosystèmes, les écologues utilisent le terme de méta-écosystème.

Quelles sont les implications en matière d’agroécologie ?

Si je prends l’exemple des flux de nutriments qui sont une ressource, si un écosystème ne consomme pas tous ses nutriments, alors ils peuvent être transférés à un écosystème récepteur comme dans un jeu de domino.

Les conséquences sur l’écosystème peuvent être différentes en fonction des organismes présents.

Ce phénomène est bien connu dans le cas des marées vertes, où l’apport d’azote et de phosphore favorise la prolifération d’algues.

Par conséquent, en terme d’agroécologie, ce n’est pas seulement à l’échelle locale comme la parcelle agricole qu’il faut réfléchir et agir mais également envisager toutes les interactions avec les écosystèmes avec lesquelles la parcelle peut être connectée, ce qui est loin d’être simple.

Est-ce que ce sont nécessairement des écosystèmes placés dans un paysage qui sont concernés ?

Non car les écosystèmes peuvent être connectés au travers d’organismes qui peuvent avoir des capacités de dispersion importantes.

Un exemple assez célèbre est celui du changement d’usage des terres dans l’état du Mississipi aux USA.

La mise en place de l’agriculture a permis à des oies migratrices de disposer de plus de ressources et de proliférer. Ces oies lors de leur migration d’hiver ont perturbé des écosystèmes lointains, des toundras d’arctique à des milliers de km de l’état du Mississipi.

C’est pour cela qu’il faut toujours avoir en tête à la fois le local et le global en matière de gestion des agroécosystèmes, mais également en termes de flux d’élément à l’échelle planétaire.

Est ce que nous pouvons faire un lien avec la COP 30 sur le changement climatique qui aura lieu à Belem en novembre 2025 prochaine ?

Oui, car le changement climatique met sous pression tous les écosystèmes. Le fonctionnement des écosystèmes fournit un ensemble de services à l’espèce humaines, et nous en sommes extrêmement dépendants non seulement pour notre survie mais également notre qualité de vie.

Or, ces services naissent des interactions physiques, chimiques et biologiques complexes qui relient les organismes à leur environnement, mais également comme nous l’avons vu aujourd’hui des liens entre les écosystèmes entre eux.

Les phénomènes climatiques extrêmes comme les tempêtes ou ouragans, vague de chaleurs ou encore pluies intenses sont une source de perturbation. Ces phénomènes peuvent synchroniser ou désynchroniser des écosystèmes entre eux, ce qui peut mener à fragiliser les services rendus. Résoudre une crise par exemple alimentaire, sans s’attaquer en même temps à la crise climatique est voué à l’échec.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.