Edith Le Cadre est directrice de recherche en agronomie à l'institut agro. Une semaine sur deux sur euradio, elle décrypte les différents sens l'agroécologie et se demande si cette dernière peut être une solution aux enjeux de notre époque.
Dans cette nouvelle chronique, nous allons parler du rôle des animaux en agroécologie.
Oui, mais cela peut paraître étonnant d’en parler de prime abord, car les systèmes d’élevage sont plutôt mal perçus et souvent associés à une connotation de pollution et de souffrance animale. Il ne faut pas nier que ces problèmes existent en effet, mais le problème ne vient pas tellement des animaux en eux-mêmes ou de leur vocation alimentaire, mais plutôt de la façon dont les systèmes d’élevages sont intégrés dans les agroécosystèmes et dans les systèmes alimentaires. En agroécologie, l’intégration des systèmes d’élevage avec les systèmes de culture comporte de nombreux avantages.
Nous avons évoqué dans la précédente chronique, l’ajout de matières organiques au sol pour compenser les éléments exportés par les cultures, mais aussi pour maintenir la structure du sol ?
Tout à fait, c’est un bon exemple. Dans l’exemple que vous avez présenté, les effluents d’élevage sont utilisés à la fois comme engrais organiques pour faire pousser les plantes et comme amendements, c’est-à-dire utilisés pour améliorer les propriétés des sols. Ils ont donc un rôle écologique de régulation des cycles biogéochimiques. Par exemple, les prairies utilisées comme pâturages ont un pouvoir de stockage du carbone très important dans les sols.
Quels peuvent être les autres rôles de la présence des animaux pour développer l’agroécologie ?
La présence des animaux permet la production de nourriture riche en protéines à partir de matière organique végétale ou d’autres sources non-utilisables par l’Homme. Par conséquent, on gagne sur deux tableaux : le recyclage et la production de denrées alimentaires. La présence des animaux sur une exploitation est donc également une source de revenu diversifié pour les producteurs et productrices. Si je quitte l’échelle de l’exploitation agricole, les animaux contribuent à l’entretien des paysages, des forêts ou des zones difficiles d’accès. Pour donner un exemple, certain·es viticulteur·rices font pâturer leurs vignes pour limiter l’enherbement de l’interrang et les éleveur·euses trouvent alors un espace de patûre pour leurs animaux. Ce sont autant d’exemples d’interactions entre exploitants et de développement économique d’une région par les activités associées à l’élevage.
On voit bien depuis le début de la chronique qu’on parle à la fois d’effets bénéfiques et négatifs de la présence des animaux, mais est-il possible de lister des principes d’intégration des animaux pour l’agroécologie ?
Tout d’abord, le développement des pratiques améliorant la santé des animaux en réduisant les maladies et leur occurrence afin d’éviter le recours aux produits pharmaceutiques comme les antibiotiques est indispensable. Je vais donner deux exemples. Le premier est l’observation des facultés des animaux malades à choisir les plantes pouvant les soigner ou alléger leurs symptômes. Le deuxième est de réfléchir à l’ordre d’entrée dans les pâtures de différents types d’animaux pour limiter le parasitisme devant être soigné.
Mais la santé des animaux et leur bien-être doit tenir compte des conditions climatiques ou des environnements difficiles lors de la composition et la gestion des cheptels et les périodes de reproductions. Enfin, l’amélioration desbâtiments d’élevage, le bon raisonnement de l’alimentation des animaux en choisissant les bons génotypes de plantes facilitant leur digestion sont également des exemples de pratiques agroécologiques en élevage.
Existe-t-il d’autres axes possibles de travail pour reconnecter finalement les systèmes de cultures et d’élevage, car c’est tout l’enjeu, me semble-t-il ?
Vous avez raison, notre chronique ne serait pas complète si je n’avais pas évoqué l’importance de réduire et de diversifier les rations alimentaires des animaux. Par exemple, le soja et le maïs, sont très utilisés pour les animaux, alors leur production est très exigeante en eau et en nutriments. Il est nécessaire de disposer de ressources végétales pour les animaux qui n’entrent pas en compétition avec les usages alimentaires humains. Enfin, comme pour les plantes, sélectionner des races efficientes pour transformer leur alimentation végétale est à encourager. Finalement, cela revient toujours à la même idée diversifier pour continuer à produire mais durablement et sans doute de se poser une question : de quels élevages avons réellement besoin ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron.