Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens du mot "Agroécologie".
Aujourd’hui Edith vous souhaiteriez nous parler d’évaluation des services écosystémiques, c’est à dire des services rendus par l’agroécologie à l’espèce humaine
En effet Laurence, il m’a semblé important d’aborder ce point car les systèmes agricoles rendent 3 familles de servicesLes services dit d’approvisionnement, de régulation et des services culturaux. Derrière ces 3 grandes familles de services, se cache une grande variété de services.
Un exemple Edith ?
Oui, pour les services d’approvisionnement, la fourniture de denrées alimentaires ou d’énergie sont compris.
C’est donc assez vaste !
Oui bien sûr. On ne répétera jamais assez combien sont nous sommes redevables à la nature et combien notre existence est dépendante de la nature. Pour les systèmes agricoles, le service d’approvisionnement est celui qui est cherché à être exacerbé mais il ne doit pas se faire au détriment des autres services. C’est le but de l’agroécologie de préserver les autres services, quitte à diminuer les rendements.
C’est bien ce qui fait peur d’ailleurs, cette baisse de rendement car elle fait craindre une pénurie de denrées alimentaires
Oui mais à tort. Je saisis l’occasion que vous me donnez Laurence de rappeler que l’agroécologie combinée avec un changement de consommation peut tout à fait supporter une baisse de rendement, avec des bénéfices de diminution des coûts cachés liés à l’utilisation des pesticides ou à l’utilisation d’énergies fossiles.
On voit donc bien pourquoi il faut évaluer les services écosystémiques, mais comment, concrètement, sont évalués ces services ?
Très poétiquement, l’évaluation est souvent représentée sous la forme d’une marguerite, pour laquelle chacun des pétales représente un service écosystémique.
Pour chacun de ces services, une note est calculée. Cette note donnera la taille du pétale. Derrière cette apparent simplicité, la note rassemble très souvent l’information de différents indicateurs qui sont donc aggrégés par des formules de calcul. Certains indicateurs ont des coefficients qui pèsent plus ou moins lourds dans le calcul de la note finale donc du pétale.
Donc nos auditeurs et auditrices peuvent se représenter une marguerite dont les pétales sont de taille différente selon l’évaluation ?
Exactement ! Mais sous cette apparente simplicité se cache beaucoup de travail car il faut choisir les indicateurs, et choisir les pondérations entre indicateurs.
Il faut aussi faire les mesures ou les calculer à partir de modèles. C’est un travail colossal et qui rassemble en amont différents types d’expertises disciplinaires.
Existe-t-il une particularité à l’évaluation des services écosystémiques en agroécologie ?
La réflexion sur l'agroécologie constitue une rupture importante par rapport aux concepts agronomiques "traditionnels" de l'après-révolution verte à plusieurs égards.
En effet, la biodiversité introduite dans les systèmes de culture agroécologique "complexifie" l'analyse, la gestion et l'évaluation des agroécosystèmes. En raison de cette complexité, l'unité de gestion ne peut pas être définie au niveau de la parcelle de terrain comme c'est le cas dans le cadre du "système de culture" traditionnels, souvent monoculturaux.
Les agroécosystèmes diversifiés sont plus complexes et possèdent donc davantage de services écosystémiques que les systèmes monoculturaux largement répandus, qui reposent essentiellement sur le seul service de la production.
Le travail d’évaluation est alors plus ardu en agroécologie car les processus écologiques qui donnent les fonctions et les services évalués se déroulent à différentes échelles spatiales et temporelles.
Il faut donc ré-inventer les modalités de leurs évaluations afin de pouvoir mieux les gérer et parfois les optimiser.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.