Edith Le Cadre est directrice de recherche en agronomie à l'institut agro. Une semaine sur deux sur euradio, elle décryptera les différents sens l'agroécologie et se demandera si cette dernière peut être une solution aux enjeux de notre époque.
Nous allons parler dans la chronique de protection des cultures. Est-ce que vous pouvez définir la protection des cultures ?
Les bioagresseurs peuvent considérablement diminuer les récoltes. J’insiste ici sur le terme perte de récolte, car les bioagresseurs peuvent diminuer la quantité récoltée, mais ils peuvent également diminuer l’aspect visuel, l’état sanitaire des récoltes ou le stockage de denrées agricoles.
La protection des cultures est définie comme la limitation des pertes de récoltes occasionnées par des bioagresseurs des cultures induisant une perte économique.
De quoi les plantes doivent–elles être protégées ?
Les bioagresseurs peuvent être des agents pathogènes comme les virus, des ravageurs comme les insectes ou les adventices qu’on appelle aussi mauvaises herbes. Les plantes peuvent être affectées par plusieurs bioagresseurs en même temps et d’une année à l’autre, les complexes de bioagresseurs changent. L’objectif en protection des cultures est de limiter les populations de bioagresseurs sans chercher à les éradiquer.
En agroécologie, comment est faite cette limitation ?
Les bioagresseurs sont des composantes de l’agroécosystème au même titre que le sol, les plantes ou les agriculteur·ices. Comme les autres composantes d’un agroécosystème, ils sont en interaction. Par conséquent, en agroécologie, la protection des cultures est basée sur les régulations naturelles des bioagresseurs par les autres composantes de l’agroécosystème.
Il est possible de perturber le développement, la reproduction et les comportements de recherche de la ressource des bioagresseurs en introduisant plus de biodiversité. Par exemple, les mélanges variétaux ou les associations de cultures limitent les plantes hôtes et dans certains cas peuvent augmenter l’abondance des ennemis naturels des bioagresseurs en leur permettant de rester dans l’environnement de la parcelle. C’est ce qui est pratiqué dans les mélanges variétaux, ou les associations de cultures ou dans la mise en place d’infrastructures à l’échelle du paysage comme les bandes fleuries. Ces stratégies s’intègrent à d’autres méthodes de lutte appelée le contrôle cultural. Cette méthode consiste à casser les cycles de bioagresseurs par les rotations. Il existe également d’autres méthodes de lutte comme le contrôle physique ou l’utilisation de variétés sélectionnées pour les systèmes agroécologiques.
Mais ces techniques demandent une connaissance fine du milieu, et une grande coordination.
Oui, car ces services de régulation peuvent, doivent se mettre en place dans la parcelle et autour de celle-ci. Il y a plusieurs leviers à combiner pour une protection efficace, mais au final, on revient encore à la nécessaire diversification dans le temps et dans l’espace des cultures.
Est-ce que faisant tout cela une agriculture sans pesticides est possible ?
Beaucoup d’efforts et de progrès ont été faits dans l’utilisation des pesticides, mais ils sont à poursuivre et à encourager, car on a une forme de verrouillage socio-technique autour d’un système dominant basé sur l’utilisation des pesticides. Mais le cap d’une agriculture zéro pesticides est désormais posé, car nécessaire vis à vis de la biodiversité et de l’environnement. Plusieurs pays européens dont la France sont engagés et s’allient dans des projets de recherche ambitieux sans oublier la recherche privée pour proposer des innovations et accompagner les agriculteurs et agricultrices.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.