Quoi de neuf en Europe ?

Quoi de neuf en Europe ? - Fanny Gelin

Image par Vilius Kukanauskas de Pixabay Quoi de neuf en Europe ? - Fanny Gelin
Image par Vilius Kukanauskas de Pixabay

« Quoi de neuf en Europe ? », c’est le nom que porte la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe. Les étudiants du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux se sont donnés pour mission de décoder pour vous, chers auditeurs, l’actualité européenne. Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Fanny Gelin. Bonjour et bienvenue !

Alors Fanny, dites-moi : quoi de neuf en Europe ?

Ce dimanche, plus de six millions d'Autrichiens ont été appelés aux urnes à l'occasion des élections législatives. Ces cinq dernières années ont été marquées par une coalition insolite entre écologistes et conservateurs à la tête du Parlement autrichien. Mais les élections de ce dimanche remettent profondément en cause cette répartition. Avec près de 29,1% des suffrages, le FPÖ le fameux Parti de la Liberté, arrive en tête. Fondé par d'anciens nazis en 1955, ce parti est classé comme d'extrême-droite populiste. Ce scrutin est donc une première pour ce pays alpin où l'extrême-droite n'avait jusqu'alors jamais remporté un scrutin national.

Mais alors, comment expliquer cette victoire historique de l'extrême-droite en Autriche ?

Principalement par les préoccupations des citoyens. Dans une sphère médiatique noyée par les discours alarmistes et alarmants, la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, les craintes liées au pouvoir d'achat et la rhétorique anti-immigration, les Autrichiens craignent pour leur sécurité.

Si je comprends bien, cette tendance n'est pas nouvelle ?

En effet, on assiste aujourd'hui à un virage vers les extrêmes qui n'a rien d'endémique à l'Autriche. La droitisation des politiques publiques a été documentée à l'échelle française dans le nouvel ouvrage du sociologue Vincent Tiberj, La droitisation française : mythe et réalités. Et de nombreux pays européens font face au même phénomène. Les récentes élections régionales allemandes à Thuringe, dans la Saxe et le Brandebourg, montrent une montée similaire de l'extrême-droite, alors même que les partis de gauche s'effondrent dans les sondages. En Italie, la parti Fratelli d'Italia de Giorgia Melloni est même sorti de l'opposition pour devenir un parti de gouvernement. En somme, cette tendance est loin d'être isolée.

Pour en revenir à l'Autriche, quelles seront les implications de cette nouvelle composition du Parlement pour les citoyens ?

Même si le chef du FPÖ, Herbert Kickl, sort vainqueur de ce scrutin, constituer une coalition de gouvernement ne sera pas aisé : ses positions sont si extrêmes qu'aucun parti ne souhaite gouverner à ses côtés. Pour vous donner une idée du personnage, il est notamment connu pour sa reprise du concept de "remigration" qui consisterait à déchoir de leur nationalité tous les Autrichiens d'origine étrangère, en vue de les expulser. Un projet qui semble plus qu'improbable tant que le pays fera partie de l'espace Schengen et de l'Union européenne, qui garantit la libre circulation de ses citoyens. On peut toutefois s'attendre à une hausse de l'imposition et à une intensification des mesures anti-immigration, voire xénophobes, avec le FPÖ au pouvoir. En effet, ce parti, profondément eurosceptique, souhaiterait cesser d'accorder l'asile aux migrants et s'oppose aux sanctions de l'Union européenne contre Moscou au nom de la neutralité autrichienne.

Et pourquoi la formation d'une coalition semble-t-elle si incertaine ?

Reste à savoir si le ÖVP, le Parti populaire autrichien, représentant de la droite chrétienne conservatrice, accepterait de virer vers l'extrême-droite en formant une telle coalition. Arrivé deuxième avec 26,3% des suffrages, après une remontada impressionnante dans les sondages, il pèse dans la nouvelle composition parlementaire. Or, Karl Nehammer, figure de proue du ÖVP, a annoncé qu'il ne rejoindrait aucun gouvernement dont Herbert Kickl fasse partie. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il rejette catégoriquement toute proposition de coalition. D'autant que la ligne politique de son parti s'aligne sur plusieurs points avec celle du FPÖ.

Affaire à suivre. Nous reviendrons sur les résultats des tractations qui ne manqueront pas de commencer dans les prochaines semaines.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.