Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne.
“ Quoi de neuf en Europe ? “, c’est le nom que porte la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe. Les étudiants du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux se sont donnés pour mission de décoder pour vous, chers auditeurs, l’actualité européenne. Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Fédor Dupont-Nivet. Bonjour et Bienvenue !
Bonjour Laurence. Cette semaine, le regard se porte vers la Bulgarie, où nous sommes témoins d’un tollé politique. Ce jeudi 11. décembre, le premier ministre bulgare Rossen Jeliazkov a annoncé sa démission. Elle advient à la suite de manifestations à travers tout le pays, qui avaient éclaté suite à la présentation du Budget pour 2026. Ce Budget prévoit une augmentation pour les salaires des fonctionnaires, qui est financée par une hausse d'impôts et de cotisations. Pour une grande part des manifestants, le problème n’est pas d’augmenter les salaires, mais surtout de mettre plus d’argent dans un appareil d’état qui est perçu comme mafieux et corrompu.
Est-ce que ce sentiment de la population est fondé?
Effectivement, le mécontentement de la population se fonde sur des chiffres. Pour la Bulgarie, l'indicateur de la perception de la corruption (CPI), est en chute récente.
Sur les 180 pays évalués, elle est en 76ème position, et au niveau européen, elle occupe même la dernière place. Avec ces chiffres, on comprend pourquoi la corruption est une thématique omniprésente dans le débat public en Bulgarie. Et pour cause: à la tête du gouvernement démissionnaire, le parti GERB incarne aux yeux de beaucoup de manifestants le symbole d’un système politique mafieux.
Sur la scène politique bulgare, c’est le parti qui est le plus impliqué dans des scandales de corruption.
L’insatisfaction de la population à l’égard de ce parti s’inscrit dans une continuité?
Absolument. Depuis plus d’une décennie, la Bulgarie est enfermée dans un cycle politique où chaque vague de protestation révèle les mêmes mécanismes de corruption, sans jamais parvenir à les démanteler durablement.
Nous pouvons percevoir qu'à chaque vague de mécontentement populaire, les mêmes accusations à l’égard du gouvernement se répètent: faiblesse de l’état de droit, concentration des médias, et absences de réformes judiciaires. Ces faiblesses provoquent des détournements de fonds, dans un système ou le pouvoir politique, économique et judiciaire sont fortement imbriqués.
Parmi les affaires les plus emblématiques, nous avons la démission du gouvernement en 2013, suite à des vagues de manifestations contre la hausse des prix de l’énergie.
En 2020, la fuite de conversations téléphoniques déclenche une nouvelle vague de mécontentement populaire. Ces enregistrements révèlent des responsables du parti GERB évoquant la corruption de manière explicite. Ils alimentent également des soupçons sur les liens du procureur général avec le crime organisé, sous la pression desquels il finit par démissionner.
Mais l’affaire la plus marquante reste celle de Delyan Peevski. Cet oligarque des médias est accusé d’avoir bâti un vaste système d’influence, étendant son contrôle sur les médias et la justice grâce à la corruption, avec la complaisance du parti GERB. L’ampleur de ces pratiques est telle que, malgré son positionnement pro-occidental, les États-Unis imposent en 2021 des sanctions à la Bulgarie. Washington justifie cette décision par une corruption jugée systémique, estimant qu’elle affaiblit la crédibilité démocratique du pays et le rend plus vulnérable aux influences étrangères. Aux yeux des États-Unis, ce dysfonctionnement institutionnel dépasse le cadre national et constitue un risque potentiel pour la stabilité et la sécurité de l’OTAN.
Au-delà de la Bulgarie, cette corruption pose-t-elle un problème pour les autres pays européens?
Tout à fait, car une partie des fonds détournés provient de l’Union européenne. Ces dérives alimentent les discours eurosceptiques qui remettent en cause la solidarité financière entre États membres.
Cette question est d’autant plus sensible que la Bulgarie prévoit d’entrer dans la zone euro en 2026. Ce projet cristallise les tensions : dans les pays les plus riches de l’Union, certains craignent une fragilisation de la monnaie commune, tandis qu’en Bulgarie même, une partie de la population redoute une hausse des prix liée au passage à l’euro.
Cette crainte de l’inflation est-elle justifiée?
Effectivement, lors d’un passage d’une monnaie à une autre, il y a un toujours risque d’inflation modéré, principalement à cause du phénomène “rounding-up”. Cela désigne l’opportunisme des commerçants lors des changements de prix.
Mais l’on croit Christine Lagarde, la présidente de la banque centrale européenne, les contrôles de la part de la commission pour les consommateurs assureront que les abus seront empêchés
Deuxième actualité cette semaine, un trilogue finalisé à Bruxelles sur les NGT – les nouvelles techniques d'édition génomique sont désormais autorisés. Ce sont des semences attendues pour soutenir la résilience agricole face au climat. Mais qu’est-ce que c’est précisément les NGT, et quelle est la différence avec les OGM classiques ?
Les NGT sont une nouvelle façon d’améliorer les plantes agricoles. Concrètement, on intervient sur leur patrimoine génétique, c’est-à-dire sur leurs instructions internes — un peu comme si l’on corrigeait une phrase dans le mode d’emploi naturel de la plante.
La différence avec les OGM classiques est importante : ici, on ne rajoute pas de gène venu d’une autre espèce. On se limite à des modifications à l’intérieur de la plante elle-même, des changements qui pourraient aussi apparaître naturellement, mais beaucoup plus lentement. Cela permet d’avoir des plantes beaucoup plus résistantes à la sécheresse ou aux maladies, sans avoir besoin d’utiliser des engrais de manière excessive.
L’accord exclut aussi les plantes rendues résistantes aux herbicides, comme celles associées au glyphosate. C’est une rupture avec le modèle OGM industriel non ?
Oui, clairement. L’Union européenne interdit désormais la commercialisation des semences conçues pour résister au glyphosate, comme celles très répandues dans l’agriculture industrielle aux États-Unis ou au Brésil.Autrement dit, les graines qui permettent aux plantes de supporter cet herbicide ne pourront pas être utilisées pour produire des cultures en Europe. Cet accord encourage ainsi le développement de plantes mieux adaptées au climat européen, plutôt que de favoriser des cultures dépendantes d’engrais qui appauvrissent les sols et menacent la biodiversité.
Peux- tu nous retracer où en est ce compromis dans l’odyssée législative européenne ?
Un accord politique a été trouvé entre le Parlement européen, les États membres et la Commission. C’est une étape décisive après plusieurs années de débats.
La prochaine étape sera un vote formel du Parlement début 2026, puis une validation par les États. Si le calendrier est respecté, les premières applications concrètes pourraient commencer dans le courant de l’année 2026, avec des contrôles et une mise en œuvre progressive.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.