Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Jacques Delors (2024-2025), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.
Adrian BARBAROȘ est actuellement en master au Collège d'Europe à
Bruges, où il se spécialise dans les études politiques et de gouvernance
européennes. Son parcours académique est guidé par une véritable
passion pour l’avenir de l’Union européenne et ses politiques. Avant de
rejoindre le Collège d’Europe, Adrian a effectué un stage à la
Commission européenne, où il a travaillé sur des projets des jeunes et
de l’éducation. Il aspire à une Union européenne compétitive, innovante,
durable et capable de répondre aux besoins de ses citoyens.
Le programme Erasmus+ de l'Union européenne célèbre cette année son 37e anniversaire, avec plus de 16 millions de participants ayant pris part à des mobilités d'apprentissage depuis sa création. Rien qu'en 2023, plus d'un million de personnes ont participé à une mobilité internationale, un chiffre qui continue d'augmenter chaque année. Comment ces statistiques reflètent-elles l'impact d'Erasmus+ sur l'identité européenne ?
16 millions, c'est un chiffre impressionnant. On pourrait remplir environ 160 stades de la taille du Camp Nou de Barcelone avec tous ceux qui ont participé à un Erasmus+. Ce qui est plus impressionnant, c'est l'allocation budgétaire du programme, pour la période 2021-2027, il dispose d'un budget de 26 milliards, soit presque le double par rapport à la période 2014-2020. Cependant, Erasmus+ est bien plus que ce chiffre élevé. Erasmus+, c'est avant tout les histoires de vie transformées de ceux qui ont participé au programme, comment ils ont découvert l'Europe en étudiant, appris une nouvelle langue, vécu une nouvelle culture, et, sans aucun doute, contribué à l'intégration européenne.
Les chercheurs se sont interrogés sur la manière dont le programme Erasmus+ contribue exactement à l'identité européenne. Leurs conclusions mettent en avant plusieurs points. Tout d'abord, les participants à ce programme vivent une expérience d'immersion totale, car ils sont en contact direct avec la culture, la langue, la cuisine et les traditions d'un autre pays européen. Cela leur permet de vivre comme les locaux, ce qui est très différent d'une simple visite touristique d'une semaine. Ensuite, pour la plupart des participants à la mobilité dans l'enseignement supérieur, leur Erasmus+ constitue leur première expérience de vie à l'étranger, ce qui, dans de nombreux cas, incite à continuer à étudier ou travailler à l'étranger. Enfin, les recherches montrent qu'après avoir terminé leur programme, les participants estiment avoir davantage de points communs avec d'autres Européens et tendent à s'identifier davantage en tant qu'Européens.
Nous avons jusqu'à présent parlé de la mobilité des étudiants dans l'enseignement supérieur. Le programme est-il uniquement destiné aux étudiants universitaires ?
Le programme Erasmus+ a considérablement évolué depuis sa création en 1987. Conçu à l'origine comme une simple initiative d'échange d'étudiants, il a élargi sa portée pour toucher un public bien plus large. Aujourd'hui, Erasmus+ englobe bien plus que les projets de mobilité dans l'enseignement supérieur, et ses participants ne se limitent pas aux jeunes. Que vous soyez enseignant en école primaire, membre d'une organisation de jeunesse, d'un club sportif, ou professeur d'université, il existe des opportunités de participer au programme. Même les citoyens de pays hors de l'UE peuvent y prendre part. En pratique, le programme est structuré autour de trois actions clés, chacune se concentrant sur des groupes cibles différents. Ces actions incluent diverses organisations et individus issus des domaines de l'éducation, de la jeunesse et du sport. Cette approche large, visant à créer des synergies entre les secteurs, reflète l'engagement de l'UE à promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie pour tous ses citoyens.
Tu as parlé des évolutions du programme au fil des ans, mais comment penses-tu qu’il se développera à l'avenir ?
Le programme Erasmus+, selon moi, continuera à se développer dans les années à venir. C'est l'une des initiatives les plus connues de l'UE, reconnue tant par les hommes et femmes politiques que par les citoyens. Ses résultats sont concrets, et l'expérience globale des participants a été extrêmement positive. Tout d’abord, les organisations étudiantes ont souligné la nécessité de rendre le programme plus inclusif, pour qu'il puisse toucher des participants issus de milieux divers. Je crois aussi que le nombre de participants augmentera et que le programme s’étendra à d’autres groupes professionnels. Pourquoi ne pas imaginer un Erasmus+ pour les infirmiers, les médecins ou les fonctionnaires ?
En sus de ces possibilités, il y a aussi la perspective enthousiasmante d'un diplôme européen. Grâce à la coopération encouragée par Erasmus+ dans l'enseignement supérieur, la Commission européenne a annoncé des plans pour établir un diplôme européen. Ce dernier permettra à l’avenir d’étudier dans diverses universités à travers l’Europe et sera automatiquement reconnu dans toute l’Union européenne. Ce développement renforcerait encore la mobilité académique et c’est également un objectif important vers la construction d’un espace européen de l’éducation. D’ici 2025, la Commission européenne vise à faire de cet espace éducatif européen une réalité pour tous les apprenants de l’UE.
Cependant, alors que les discussions sur le budget 2025 doivent démarrer la semaine prochaine à Strasbourg, le Conseil a proposé une réduction de 295 millions d'euros pour le programme Erasmus+. Il reste à voir si la proposition sera adoptée, car elle se heurte déjà à l'opposition des députés européens.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.