Elise Torché est étudiante au sein du département d’études politiques et de gouvernance européenne (POL) du Collège d’Europe dans le Master en Affaires Transatlantiques. Originaire de Rennes en France, elle a étudié à l’université de Rennes 1 et est diplômée du European Master in Law and Economics à l’université Erasmus de Rotterdam. Elle a écrit ses deux mémoires sur la mesure de l’impact écologique des produits et la politique fiscale de l’Union Européenne en la matière
Aujourd’hui 1/3 des consommateurs environ exprime une préférence claire pour les produits durables. Existe-t-il, Elise, une méthode fiable pour évaluer l’impact des produits sur l’environnement et permettre de transmettre l’information au consommateur•rice ?
L’Union européenne présente une politique durable ambitieuse notamment depuis le European Green Deal. Dans la quête d’un modèle plus durable les consommateur•rices n’ont pas été oubliés. Si de multiples labels, certifications — l’eco label européen, cosmebio, PEFC— existent, leur signification réelle est parfois obscure.
Un outil d’analyse très performant a été adopté et recommandé par l’Union européenne notamment à travers la Better Regulation Toolbox : l’analyse basée sur le cycle de vie ou LCA.
En quoi consiste l’analyse LCA?
Cet acronyme cache en réalité un processus qui commence à l’extraction de la matière première et s’achève à la gestion des déchets générées par un produit.
Prenez un produit du quotidien comme un yaourt, l’analyse LCA prendra en compte l’usage des produits phytosanitaires utilisés dans le champ de pâture des vaches, ainsi que le méthane émis. L’analyse inclura aussi les émissions du véhicule réfrigéré utilisé pour transporter le lait ainsi que toute consommation de carburant lié à l’acheminement jusqu’au point de vente. L’analyse est si poussée qu’elle contient même les émissions des réfrigérateurs des consommateurs et les émissions du processus de recyclage. En clair, chaque étape de production est décortiquée et analysée.
L’Union européenne a déjà adopté cette méthode dans le cadre de l’empreinte environnementale des produits. L’avantage principal du LCA est que chaque étape se voit attribuer la réelle charge environnementale qu’elle génère sans possibilité de minimiser le calcul en attribuant un coût environnemental à une autre étape de fabrication ou à un sous-traitant, par exemple.
La méthode semble intéressante, mais en quoi permet-elle de mieux détailler l’impact environnemental d’un produit dans le cadre des choix faits par les consommateurs•rices ?
L’analyse s’applique à 16 catégories d’impacts. Le détail de l’impact est donc complet : dommage sur la santé, destruction de la couche d’ozone, écotoxicité aquatique, épuisement des ressources naturelle… En une seule analyse, et une procédure c’est une évaluation complète du produit qui est permise.
C’est pour le consommateur une source concentrée d’information sur le produit. Source concentrée, mais source à comprendre et analyser… Pour des consommateurs•rices parfois pressés ou dont le choix est animé par le prix, cela ne semble pas être un bon pari.
La loi de la simplification et de l’efficacité a naturellement poussé à trouver un LCA plus lisible. Une fois l’analyse conduite, un score est attribué au bien ou service analysé. Ce score est un indicateur unique, qui peut s’accompagner par exemple d’un code couleurs à destination des consommateurs. A l’image d’un Nutriscore environnemental dont le champ d’application est presque illimité. La lisibilité d’un score unique envoie un signal clair au consommateur•rice, c’est une information presque aussi facile à intégrer au processus de décision et à la formation des préférences que le prix.
La proposition est séduisante et semble en effet facile et utile pour les consommateurs, peut-on espérer qu’un tel système soit envisagé par la législation européenne?
On imagine rapidement les enjeux d’un tel score pour certaines industries. C’est aussi un signal puissant pour les entreprises qui ont investi dans des chaines de production plus soutenables. C’est aussi pour cela que la proposition de directive sur les allégations écologiques qui a pour but de remplir la promesse du pacte vert envers les consommateurs: « donner aux consommateurs les moyens de faire des choix éclairés et de jouer un rôle actif dans la transition écologique », reprend l’approche du cycle de vie.
L’article 3 précise, par-exemple, que l’évaluation des allégations doit se faire du point de vue du cycle de vie. Stricto sensu ce n’est pas une obligation d’adopter l’approche LCA mais l’introduction du concept dans le texte reflète son potentiel et la systématisation de l’approche. En somme, pas de révolution LCA à venir, mais une présence de plus en plus marquée dans les systèmes d’évaluation d’impacts environnementaux.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.