Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
C’est à la Philharmonie de Paris que vous nous entraînez cette fois au cœur de l’univers Metal, racontez-nous.
Je ne pensais pas, étant totalement béotienne, prendre autant de plaisir à visiter l’exposition « Metal » du nom de ce genre musical qui fête ses cinquante ans bien tassés. « Diabolus in musica », c’est le sous-titre de l’exposition. C’est un accord précis appelé le triton qui serait capable d’invoquer cet être maléfique, … Diable !
Descendons donc aux enfers.
Il y fait sombre, le noir, c’est la couleur préférée des « metalheads » ou métalleux ou fans du genre, je devrais dire des genres : 80 et des centaines de sous-genres, car le Metal, c’est une véritable galaxie. Autour du Heavy Metal, on trouve le progressive Metal, le doom Metal, le Death, Power, Trash, Black, Hair, Nü Metal ou encore le Hardcore et le symphonic Metal .
Heureusement la scénographie organise en sept chapelles les grands genres du Metal car « Diabolus in musica » oblige, c’est dans une église subversive où nous entrons et où toute l’imagerie convoque des figures maléfiques, des monstres, des crânes, des zombies, du sang des crucifix, des clous, etc. C’est le royaume de l’antéchrist.
Et qu’avez-vous vu donc dans cette église sulfureuse ?
Des projections en forme de vitraux génèrent entre des moments de concerts live, des images dessinées en hommage à certaines stars décédées du Metal comme Chester Bennington (1976 – 2017) chanteur du groupe de Nu Metal Linkin Parc, ou Cliff Burton bassiste de Metallica, décédé à l’âge de 24 ans en 1986, ou encore Per Dead Ohlin, chanteur de Black Metal suédois suicidé. Au centre trône la stèle en vitrail métal et verre, produite par le Hellfest, dédiée à Lemmy Kilmister, musicien britannique, fondateur, bassiste, chanteur, parolier du groupe de Heavy Metal Motörhead, décédé fin 2015.
Et des objets, plus de 500. De nombreuses guitares, mythiques pour les amateurs du genre, comme le prototype bricolé de la série Neptune sortie en 1983, créée par Eddie Van Halen, fondateur du groupe de Hard rock éponyme, ou la Basse Fender de Robert Trujillo, bassiste de Metallica, décorée par son épouse Chloé Trujillo aux peintures psychédéliques d’inspiration mexicaine. Mais aussi des œuvres de Wim Delvoye, artiste belge détournant des symboles et les recollant sur d’autres, comme des crucifix associés à une double hélice d’ADN en métal ou l’horloge coucou habillée de munitions et de chaînes à clous.
Des tenues de scène également comme la combinaison jaune et noire de Ozzy Osbourne, surnommé the Prince of darkness, chanteur de Black Sabbath groupe fondateur. Mais aussi des masques portés par les musiciens, des tee-shirts, etc.
Et aussi la formidable collection de pochettes vinyles somptueuses aux inspirations diverses dont un magnifique album rend compte intitulé « Tout l’art du Metal » pour moins de 10 euros !
Et bien sûr il y a la musique ! Dont un espace dédié aux nombreux groupes français de Metal que le visiteur peut écouter en activant un écran numérique.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette culture underground qui se retrouve au musée ?
« Le Metal, c’est l’irruption après le flower power et contre le punk d’un son totalement neuf puissant et énergique. Mais le Metal, c’est aussi l’avènement d’une esthétique à part, d’un graphisme singulier et étrange » lit-on dans le catalogue. C’est une révolution musicale et artistique qui naît en 1970 à Birmingham en Angleterre, grande région urbaine dont l’économie reposait sur l’industrie du fer. Mais hyperinflation et récession détruisent les emplois. C’est aussi la conjonction d’un espace-temps et d’une scène riche de 500 groupes de rock professionnels se produisant dans les bars grâce à l’argent des bières consommées par les fans. Le Metal est une culture populaire.
Le Heavy Metal se veut anti-hégémonique, c’est-à-dire s’opposant au pouvoir autoritaire politique et militaire des états et aussi de la religion chrétienne qui rappelons-le à l’époque, érigeait les normes sociétales du bien et du mal et enfin anti-nihiliste, le Metal célèbre l’intensité et la puissance de la vie. Même si les dernières années apparaît un Metal plus sombre et désespéré, me semble-t ’il, en écoutant les orgies de sons dissonants surmontés des voix caverneuses à en arracher les cordes vocales des chanteurs et des chanteuses !
Et quels sont les précurseurs et autres groupes de Metal ?
Les précurseurs s’appellent Black Sabbath, Led Zeppelin, Deep Purple qui inventent le hard rock avec plus de violence, une frappe plus lourde, des notes plus graves, des cris plus brutaux, des thèmes plus sombres et des murs d’enceintes !
Et puis vont s’enchaîner les albums des groupes comme Alice Cooper, Aerosmith, Judas Priest, AC/DC ; Kiss, Motörhead, Trust, Saxon, Iron Maiden, Celtic Frost, Death, Gun’sN’Roses jusqu’aux plus récents Lorna Shore, Architects ou White Ward.
Enfin une installation composée de trois grands écrans place le visiteur face à la scène et au centre du « circle pit », tourné au Hellfest. Et là on comprend toute la puissance cathartique du Metal en se retrouvant au milieu des métalleux s’attrapant et se bousculant comme sur un champ de bataille.
Une galaxie à explorer donc en attendant ou après le festival du Hellfest à 30 km de Nantes du 27 au 30 juin.
Metal. Diabolus in musica. À voir jusqu’au 29 septembre à la Cité de la musique, Philharmonie de Paris.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.