Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Depuis l’altercation entre le Président Donald Trump et le Président Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale la semaine dernière, les États-Unis semblent avoir accentué leur pression sur le pays pour que les conditions de paix soient acceptées. Lundi, les médias américains ont rapporté que le président Trump avait mis en pause toute aide militaire à l’Ukraine.
La suspension de toute aide militaire américaine, y compris le matériel déjà en route, a été confirmée par l’un des hauts responsables américains du ministère de la Défense des États-Unis. Cette interruption sera maintenue jusqu’à ce que « les dirigeants ukrainiens fassent preuve d’un engagement de bonne foi en faveur de la paix ». Autrement dit, Donald Trump renforce la pression mise sur l’Ukraine, dont l’armée combat chaque jour les forces russes depuis maintenant trois ans, sans garantie de sécurité fiable de la part des États-Unis, et sans que la Russie ne soit jugée pour les crimes de guerre commis sur le territoire ukrainien.
L’accord sur les minerais que les américains considèrent comme principale garantie de sécurité pour l’Ukraine n’est pas suffisant et ne constitue pas une garantie contre une nouvelle invasion russe.
Pourquoi l’accord sur les minerais n’est pas une garantie de sécurité suffisante pour l’Ukraine ?
Cet accord se base sur la supposition que les industries américaines, une fois installées en Ukraine pour exploiter les minerais, vont tout faire pour protéger leurs intérêts contre une nouvelle invasion russe. Seulement, rien ne nous dit que ces mêmes industries ne passeront pas d’accords avec la Russie pour préserver leurs intérêts en cas d’invasion.
L’intérêt économique des États-Unis n’a pas d’éthique, surtout dans un contexte où l’administration Trump cherche à normaliser les relations avec la Russie, notamment sur le plan commercial.
Le refus d’appeler Poutine un agresseur, le vote avec la Russie à l’ONU contre la résolution qui condamne l’agression russe, et le travail fait pour réhabiliter Poutine sur la scène internationale en dit large sur les intentions américaines.
Mais Trump, n’a-t-il pas renouvelé les sanctions contre la Russie il y a quelques jours ? Si on parle de normalisation des relations avec la Russie, cela devrait passer par le régime de sanctions assouplies.
Si Trump a effectivement prolongé les sanctions en vigueur contre la Russie, il a aussi chargé le département d’État et le Trésor de préparer une liste de sanctions qui pourraient être assouplies dans le cadre de négociations sur le plan économique et financier.
En février, les délégations des États-Unis et de la Russie se sont entretenues à Riyad en Arabie saoudite pour parler de la guerre en Ukraine, mais aussi d’une reprise de la coopération économique avec les russes. Plus encore, le FT rapporte que certains investisseurs américains ont déjà élaboré le cadre d’un accord post sanctions avec le géant russe du gaz et du pétrole Gazprom.
L’intérêt des États-Unis derrière le fait de faire retourner les russes aux affaires va au-delà de leurs relations bilatérales et touche directement l’Europe et sa sécurité énergétique. Cela se voit par les récentes tentatives des américains de réanimer le projet Nord Stream 2 qui nivèlerait tout effort que l’Union européenne a fait pour réduire sa dépendance au gaz russe, dont les revenus sont la source majeure du financement de la guerre en Russie.
La semaine dernière, l’envoyé spécial de Donald Trump, Richard Grenell, a tenu des pourparlers en Suisse sur une éventuelle participation des entreprises américaines dans l’ réapprovisionnement de gaz en Allemagne, et ce à travers le projet Nord Stream 2.
Trump est donc en train de dicter sa vision des relations internationales et d’imposer ses conditions à l’Europe. L’Europe va-t-elle alors plier, ou bien trouver la force de s’imposer comme acteur majeur face aux États-Unis et autres puissances mondiales ?
Un entretien réalisé par Laurent Pététain.