Aux portes de l'UE

Le plan européen d’un cessez-le-feu en Ukraine a-t-il échoué lors des négociations en Turquie ?

© Site officiel de la présidence ukrainienne Le plan européen d’un cessez-le-feu en Ukraine a-t-il échoué lors des négociations en Turquie ?
© Site officiel de la présidence ukrainienne

Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.

Le 16 mai dernier, l’Ukraine et la Russie ont tenu à Istanbul, en Turquie, leurs premiers pourparlers directs depuis mars 2022. Des échanges d’un peu plus d’une heure et demie n’ont pas abouti à un accord sur le cessez-le-feu, alors que l’Ukraine s’était dite prête pour une trêve inconditionnelle, comme convenu avec ses alliés, l’Europe et les États-Unis. Peut-on dire que le plan européen du cessez-le-feu en Ukraine a échoué ?

Le désir des Ukrainiens, des Européens et des Américains d’instaurer un cessez-le-feu s’est heurté, une fois de plus, à la volonté de la Russie de poursuivre sa guerre d’agression en Ukraine. Les négociations à Istanbul suscitaient l’espoir que la Russie accepte un cessez-le-feu, sous la pression de sanctions économiques coordonnées entre les États-Unis et l’Europe, et face à la détermination affichée des alliés de l’Ukraine à poursuivre leur soutien militaire.

Je rappelle que ces négociations à Istanbul, entre la Russie et l’Ukraine, ont été proposées par Vladimir Poutine le 10 mai, dans un contexte où les Européens, avec les Ukrainiens, avaient avancé un ultimatum exigeant un cessez-le-feu de 30 jours. Manifestement, cet ultimatum n’a pas abouti au résultat escompté, un cessez-le-feu, mais il a mis en lumière le refus flagrant de la Russie de mettre un terme à cette guerre. Le Président Zelensky a accepté la proposition de Vladimir Poutine et s’est d’ailleurs déplacé en Turquie mais Vladimir Poutine n’était pas au rendez-vous. Plus encore, une délégation technique, sans des personnes capables de prendre des décisions importantes, a été envoyée par les Russes à Istanbul pour les discussions avec les Ukrainiens.

Ces négociations n’ont pas abouti à un cessez-le-feu, mais elles ont tout de même permis un accord sur un échange massif de prisonniers. En Ukraine, comment cette annonce est-elle perçue ?

La seule action concrète et sure qui ressort de ces négociations à Istanbul semble être l’échange des prisonniers, 1000 prisonniers de chaque côté. C’est une décision très importante, alors que jusqu’à ce jour, il y a 8000 prisonniers de guerre et 2 000 civils ukrainiens (confirmés) détenus en Russie. Le retour des militaires et civils ukrainiens est une priorité pour le gouvernement, comme l’a indiqué le ministre de la défense ukrainien Rustem Umerov, en commentant cet échange massif de prisonniers. Ce retour est d’autant plus important alors que les prisonniers de guerre sont souvent détenus dans les conditions inhumaines, subissent des tortures. Les droits des prisonniers de guerre, selon la Convention de Genève, ne sont pas respectés par la Russie. Pour des milliers de familles qui attendent la libération de leurs proches retenus en captivité, l’annonce d’un échange de prisonniers ravive l’espoir et renforce la confiance en l’État ukrainien, perçu comme soucieux de protéger son peuple.

Les délégations ont accepté d’échanger leurs idées sur le cessez-le-feu et ont même parlé de la possibilité d’une rencontre entre le président ukrainien et Vladimir Poutine. Peut-on alors espérer des progrès vers un cessez-le-feu en Ukraine après ces négociations à Istanbul ?

Sans une véritable pression des Etats-Unis sur la Russie en vue d’un cessez-le-feu qui soit également acceptable pour l’Ukraine, toute avancée vers une trêve en Ukraine semble improbable. Les Etats-Unis sont un interlocuteur privilégié de la Russie en tant que grande puissance militaire et économique. A l’inverse, selon Poutine, l’Europe est impuissante et très dépendante des Etats-Unis pour sa capacité militaire et sa sécurité.

Lors de sa récente conversation téléphonique avec le président russe ce lundi, Donald Trump ne semblait pas résolu à adopter une posture de pression ferme en faveur de la paix face à Vladimir Poutine.

À l’issue de cet échange, le président américain a mis en avant l’argument économique, en particulier la perspective de faire des affaires avec les États-Unis, comme principal argument pour convaincre la Russie d’accepter un cessez-le-feu en Ukraine. Cet argument parait très faible face à l’argument idéologique, côté russe, qui vise à détruire l’état ukrainien indépendant, dans sa logique impérialiste.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.