Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Je suis sûr et certain que vous avez très envie de parler de football aujourd’hui ! Il est vrai que la fameuse Super-League est sur toutes les lèvres depuis trois jours.
Au risque de vous décevoir, je me permets de repousser ce sujet ô combien passionnant à une date ultérieure. Notre ami Erwan Quinio y a déjà réagi à chaud dans son dernier édito, et de toute façon, les vagues de protestation contre ce projet ne sont pas près de retomber – montant au passage un front de refus étonnamment uni à travers l’Europe. Quand Emmanuel Macron et Boris Johnson sont entièrement d’accord, il doit s’agir d’un enjeu véritablement supérieur.
Promis, on y reviendra, car cet épisode, loin d’être terminé, confirme bien à quel point le sport et certaines valeurs qu’on lui attribue semblent des composantes fondamentales à ce qu’il faut bien appeler un modèle de société européen.En attendant, je me permets de vous renvoyer au podcast que nous avons consacré à ce sujet même, grâce à nos amis des « Surligneurs », bien connus sur cette antenne, il y a quelques semaines seulement. Je vous mets le lien sur le site.
On en prend bien note. Quel est alors votre sujet d’actualité cette semaine ?
Eh bien, après notre jeu géopolitique un peu déprimant de la semaine dernière, je vous propose un retour au calendrier électoral passionnant de 2021. Dès le premier édito de cette jeune année, je vous avais parlé de « la succession compliquée d’Angela Merkel ». Il se trouve qu’en trois mois seulement, certaines de mes prédictions se sont déjà réalisées. L’avance de la CDU dans les sondages est déjà en train de s’effriter, le parti a eu un mal fou à se positionner sur son candidat, Armin Laschet, et les élections régionales, nous en parlions au mois de mars, confirment la fragilité de ce que beaucoup considéraient, il y six mois seulement, comme une victoire annoncée des Chrétiens-Démocrates.
Et en même temps, on l’a appris en début de semaine, les Verts ont désigné calmement leur propre candidate.
Exactement. Cela vous permet de vous familiariser dès maintenant avec la prononciation de son nom, Annalena Baerbock. Et cette désignation a été un sans-faute, mise en scène dans une harmonie qu’on ne leur connaissait pas et avec un perdant, Robert Habeck, dont le soutien et l’enthousiasme pour sa collègue paraissent franchement sincères, un comble ! C’est la toute première fois que les Verts ont à désigné un candidat pour la chancellerie, et il faut reconnaître qu’ils se sont très bien dépatouillés.Vous aurez, cette semaine et dans les mois qui viennent, tout loisir de faire connaissance avec le profil de Madame Baerbock dont la personnalité suscitera la curiosité de tous les médias. Elle est née en 1980 – la même année que son parti ! – originaire d’Hanovre, ce qu’on entend bien dans son allemand dénué d’accent régional, et mère de deux enfants. On vous rappellera qu’elle est diplômée en droit international, députée au Bundestag depuis 2013, à la tête des Verts depuis 2018. Et comme ses adversaires ne vont pas manquer de relever le plus souvent possible, elle n’a pas d’expérience exécutive sur le plan régional ou national.
Ce manque d’expérience gouvernementale, n’est-ce pas un sacré handicap ?
Bien sûr, c’est une faiblesse dans son CV. Mais comme elle a dit lundi soir, dans sa première interview télévisée de candidate, si la priorité est l’expérience gouvernementale, autant garder la « Grosse Koalition », sachant que celle-ci est devenue un synonyme de stagnation et de préservation du statu quo.
D’ailleurs : la quarantaine, sans grande expérience, mais porteur d’un renouveau positif, connaissance détaillée des grands dossiers, convictions pro-européennes assumées, sortie de l’anonymat total vers une candidature crédible à la plus haute fonction en moins de trois ans – cela ne vous rappelle rien ?
J’ai envie de dire : allons voir. Arrivera-t-elle à déclencher une dynamique de campagne ? Les Chrétiens-Démocrates parviendront-ils à repartir en mode combat ? L’élection de fin septembre sera-t-elle post-COVID ou organisée dans une pandémie toujours pas maîtrisée ? On suivra cela de près.
N’oublions pas non plus que de toute façon, il y aura un gouvernement de coalition. Par conséquent, même si Madame Baerbock finit deuxième, elle héritera d’un portefeuille important, probablement le ministère des affaires étrangères. Et si jamais elle gagne, on notera surtout qu’euradio aura été, en décembre 2018, la première radio d’Europe à ouvertement envisager une chancellerie verte pour l’Allemagne. Pas mal, non ?
Excellent – on aura notre heure de gloire à ce moment-là !
Bastien Réchou - Albrecht Sonntag
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Image par Thomas Ulrich de Pixabay