Fréquence Europe

Congés payés et arrêt maladie : quand le droit français se met en concordance avec le droit européen

Photo de Julian Hochgesang sur Unsplash Congés payés et arrêt maladie : quand le droit français se met en concordance avec le droit européen
Photo de Julian Hochgesang sur Unsplash

Toutes les deux semaines sur euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.

Dans votre chronique, vous nous parlez aujourd’hui de congés payés, de congés maladie, d’Europe et de Cour de cassation !

Oui, imaginez, vous partez en vacances le sourire aux lèvres… et vous finissez sous la couette, un thermomètre à la main. Comme beaucoup de salariés vous vous demande s’il est possible de récupérer ces jours de vacances envolés, une fois de retour au bureau. Jusqu’ici, en droit français, c’était perdu : tomber malade pendant les vacances ne changeait rien, vos jours de congés étaient considérés comme consommés.
La seule exception consistait à être en arrêt de travail avant ses congés et que le salarié soit toujours en arrêt au moment de son départ en congés. 

Mais le 10 septembre demain, la Cour de cassation a réalisé un revirement de sa jurisprudence, elle a décidé de faire évoluer sa position. Désormais si un salarié tombe malade pendant ses congés payés, il a le droit de reporter ces jours de congés qu’il n’a pas pu prendre.


Et qu’est-ce qui a poussé la Cour de cassation à changer d’avis ?

Ce changement, il vient… de l’Union européenne et il vient de loin puisque tout part d’une directive européenne de 2003 sur le temps de travail. Elle garantit un droit minimum de quatre semaines de congés payés par an à chaque salarié de l’Union européenne.

Afin de clarifier certains points, en 2012, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt très clair précisant qu’un arrêt maladie ne peut pas priver un salarié de son droit aux congés car les congés servent à se reposer et à disposer d’une période de détente et de loisirs, alors que l’arrêt maladie sert à se soigner, deux finalités complètement différentes. Donc, selon le droit de l’UE, les jours de congés non pris à cause d’une maladie doivent être reportés.

Mais alors, pourquoi la France ne l’appliquait pas jusque-là ?

Parce que le Code du travail français ne prévoyait rien dans ce cas et les juges français considéraient que les congés dans ce cas étaient perdus.
Mais récemment, en juin de cette année, la Commission européenne a lancé une procédure d’infraction contre la France et l’a mis en demeure d’appliquer correctement cette directive européenne de 2003.
Autrement dit : « Vous ne respectez pas le droit européen, corrigez votre droit national sinon vous encourez des sanctions financières ». La France doit transposer la directive dans le droit français au nom du principe de la primauté du droit de l’UE sur le droit français.

Et puisque le législateur français n’avait pas modifié le droit du travail pour se mettre en conformité au droit européen, la Cour de cassation a choisi d’anticiper et de faire un revirement de sa jurisprudence et donc de s’aligner sa sur celle de la CJUE.

Donc, aujourd’hui, que doit faire un salarié s’il tombe malade pendant ses vacances ?

C’est assez simple, il devra consulter un médecin pour obtenir un arrêt de travail et comme d’habitude le transmettre à son employeur sous 48 heures.
Ses congés seront alors suspendus et il pourra reprendre plus tard les jours qu’il n’a pas pu utiliser.

Et maintenant tout est donc clair ?

Pas tout à fait. Cette décision de la Cour de cassation devrait s’appliquer, mais une loi française de transposition est attendue pour se mettre en conformité avec le droit européen et pour mettre noir sur blanc cette règle dans le Code du travail. Elle devra certainement également préciser d’autres points techniques, comme par exemple le délai dans lequel ces jours devront être repris.

En résumé, cette affaire montre comment le droit européen même en matière de droit du travail peut s’imposer en France (et ailleurs d’ailleurs). Et surtout, cela montre une chose très simple mais souvent oubliée. Contrairement à une idée tenace, l’Europe sociale existe… et cette décision en est la preuve concrète.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.