La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Des élections présidentielles anticipées se sont tenues en Azerbaïdjan cette semaine. C'est une victoire sans surprise pour le président déjà au pouvoir.
Tout à fait, les Azerbaidjanais se sont rendus aux urnes ce mercredi pour élire leur président. C'était prévisible, Ilham Aliyev, le président depuis plus de 20 ans du pays, a remporté largement le scrutin pour un cinquième mandat de sept ans avec plus de 90% des voix.
Dans quel contexte ont eu lieu ces élections ?
Nous en parlions dans un épisode de 'L'Europe et le Monde' il y a quelques mois si vous vous en souvenez, l'Azerbaïdjan a mené une offensive militaire éclaire dans la région du Haut-Karabakh. Cette région qui est majoritairement peuplée d'arméniens mais faisant officiellement partie du territoire azéri est disputée depuis longtemps. Le territoire avait déclaré son indépendance qui n'avait pas été reconnue par la communauté internationale. Cette dernière offensive militaire a été un succès pour le président Aliyev qui a bénéficié d'un gain important de popularité en conséquence.
Donc la tenue d'élections anticipées a été une stratégie d'Aliyev pour remporter le scrutin ?
Il est indéniable que la tenue de ces élections 14 mois en avance peut s'expliquer par la victoire azéri au Haut-Karabakh, ce qui a renforcé le pouvoir du président. La tenue d'élections anticipées qui ont été annoncées très récemment met aussi en difficulté les partis d'opposition qui n'ont que peu de temps pour se préparer et qui doivent rivaliser avec un candidat au sommet de sa popularité.
Pourtant le Président Aliyev n'a pas besoin d'adopter cette stratégie pour conserver le pouvoir ?
Oui, c'est vrai que Aliyev n'est pas réellement concurrencé. Les partis d'opposition ont d'ailleurs boycotté le scrutin qui est selon eux une mascarade. L'Azerbaïdjan n'est pas une grande démocratie; l'opposition politique est sous une pression gouvernementale constante, et les médias sont censurés. Les arrestations de journalistes ou d'opposants politiques sont fréquentes. Les violations des droits de l'homme sont nombreuses, et la corruption très répandue. De nombreuses très grosses entreprises sont d'ailleurs la propriété du Président Aliyev ou de ses proches. Donc Aliyev bénéficie déjà d'un très gros avantage dans un paysage politique qu'il domine et qui limite ainsi toute opposition.
Quelle relation l'Union européenne entretient avec l'Azerbaïdjan ?
C'est une relation assez ambiguë, surtout ces derniers mois. L'Union européenne cherche à entretenir de bonnes relations avec l'Azerbaïdjan. L'Azerbaïdjan est un gros exportateur de gaz et de pétrole, et l'Europe dépend de ces ressources, surtout depuis la guerre en Ukraine et la fin de l'approvisionnement russe. Un accord a d'ailleurs été signé en 2022 pour doubler d'ici à 2027 ces importations, et la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a qualifié l'Azerbaïdjan de "partenaire crucial". Mais en même temps, l'Azerbaïdjan entretient de bonnes relations avec la Russie de Poutine, et ses attaques contre la souveraineté arménienne mettent en danger la bonne relation qu'a le pays avec l'Union. Par exemple, le Président Aliyev a récemment accusé la France de mettre de l'huile sur le feu dans le Caucase en menant une politique anti-azéri pour évoquer le fort soutien de la France pour l'Arménie. En outre, la France et l'Allemagne essaient d'organiser des négociations de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, mais Ilham Aliyev les a boycottées.
L'Union européenne a-t-elle observé les élections en Azerbaïdjan comme elle a l'habitude de faire ?
Non, pas cette fois. C'est encore une illustration de la dégradation des relations entre Bruxelles et Bakou. Le Parlement européen n'a pas pu envoyer des délégués observer le scrutin. Ils n'ont pas été invités, ou ils ont refusé de s'y rendre selon la version. Certains médias azerbaïdjanais accusent l'Union d'interférer dans les affaires du pays et d'avoir un biais anti-Azerbaïdjan. Ils étendent ce point de vue à certaines organisations comme la Cour européenne des droits de l'homme qui n'a aussi pas pu envoyer ses observateurs. Le gouvernement azéri va même plus loin et menace de se retirer de cette cour.