L'Europe et le monde

L'Europe sanctionne l'Iran : diplomatie ou impuissance ?

L'Europe sanctionne l'Iran : diplomatie ou impuissance ?

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

L'Union européenne vient de rétablir ses sanctions contre l'Iran. Pourquoi ?

Le 29 septembre, à l’exemple de l’ONU, l’Union européenne a remis en place des sanctions lourdes contre l’Iran. Elle considère que Téhéran ne respecte plus l’accord nucléaire signé en 2015, le fameux Plan d’action global conjoint. Ce retour en arrière a été déclenché par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, après l’échec d’une prolongation à l’ONU.

Ces sanctions couvrent quoi exactement ?

Elles touchent les voyages, les avoirs financiers et le commerce. Plus d’importation de pétrole, de gaz ou de produits pétrochimiques iraniens. Interdiction de livrer des équipements sensibles pour l’énergie et les métaux précieux. C’est un retour aux mesures d’avant 2015.

Pourquoi l’Iran n’a-t-il pas accepté de compromis ?

Parce que c’est le Guide de la Révolution, le conservateur Ali Khamenei qui détient le pouvoir. Il défend l’autosuffisance et refuse la logique de concessions des modérés. Pour lui, il vaut mieux rester ferme sur la sécurité et l’idéologie que chercher un compromis économique. Ils n’ont pas grand-chose à perdre, l’économie y étant déjà en crise.

On parle beaucoup du Traité de non-prolifération nucléaire. C’est quoi exactement ?

C’est un accord international entré en vigueur en 1970. Pour faire simple, le but était d’empêcher la diffusion des armes nucléaires. Hormis les cinq puissances nucléaires préexistantes, aucun autre pays ne devait se le procurer, pour éviter toute risque de guerre nucléaire. La quasi-totalité des pays du monde ont adhéré à ce traité, dont l’Iran.

Et comment l’Iran se situe par rapport à ce traité ?

L’Iran reste officiellement membre du traité et n’a pas d’arme nucléaire. Cependant elle enrichie son taux d’uranium à des niveaux bien supérieurs prévu par les accords internationaux. Mais après l’entrée en vigueur de ce traité de non-prolifération, quatre États – l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël – ont obtenu l’arme nucléaire. Et ils échappent pourtant aux sanctions globales. Ne pas tolérer l’Iran tout en fermant les yeux sur ces pays rend la politique occidentale légèrement hypocrite. L’Iran dit vouloir sa sécurité. Les autres l’ont déjà et restent impunis.

Quels enjeux cela représente-t-il pour l’Union européenne ?

L’Europe a été au cœur des négociations de 2015 et veut empêcher l’Iran d’avoir l’arme nucléaire. Il y a avant tout l’enjeu sécuritaire : la guerre Iran-Israël de juin 2025 a déstabilisé tout le Moyen-Orient. Énergétiquement parlant, l’UE s’est coupée d’un producteur majeur alors qu’elle cherche à diversifier ses approvisionnements depuis la guerre en Ukraine. Enfin la crédibilité : montrer qu’elle défend les droits humains et la non-prolifération.

L’Europe a-t-elle encore des leviers économiques pour peser sur l’Iran ?

Très peu. Le commerce bilatéral est très limité – 4,5 milliards d’euros en 2024, à peine 0,1 % du commerce extérieur de l’UE. Les grandes entreprises européennes sont parties. Ce sont surtout la Chine et quelques voisins qui absorbent le brut iranien. Et c’est justement cette absence de relations économiques et diplomatiques solides qui réduit le poids réel de l’Europe dans la région.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.