L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Où en est l’Europe dans ce grand plan de paix entre les États-Unis, la Russie et l’Ukraine ?
L’Europe revient dans la partie. Elle a été complètement prise de court par le premier plan américano-russe. Un texte en 28 points, très favorable à Moscou… et surtout, un texte où l’Europe n’avait quasiment aucun rôle. Ça a créé un vrai choc à Bruxelles. L’enjeu n’est même plus l’Ukraine, mais la souveraineté européenne.
Certains de ce ces points portaient sur les sanctions et les avoirs gelés.
Exactement. L’UE a imposé 19 trains de sanctions. C’est elle qui assume le coût économique le plus lourd face à la Russie, imposant à elle seule la majorité des sanctions occidentales. Et dans le premier plan, il était question de lever ces sanctions très vite, presque automatiquement… alors que c’est aux Européens, souverains, de décider quand et comment ils devraient les faire lever.
Pareille pour les avoirs russes gelés. L’Europe détient 210 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe. Ces fonds sont européens, donc c’est à l’Europe seule de décider comment les utiliser. Les Américains voulaient les utiliser en partie pour la reconstruction de l’Ukraine, mais aussi pour leurs propres investissements. Bruxelles a dit que ces actifs devront uniquement financer l’Ukraine.
Et un autre point sensible, c’est l’adhésion de l’Ukraine à l’UE.
Absolument. Et pour les Européens ce n’est pas négociable avec Moscou ou Washington. C’est l’UE qui décide. Or le plan de Trump en parlait. Son point 11 dispose « L’Ukraine est éligible à l’adhésion à l’Union européenne et bénéficiera d’un accès préférentiel à court terme au marché européen pendant que cette question est à l’étude ». On parle du marché européen comme un lot de consolation, l’adhésion était un bonus économique. Ursula von der Leyen l’a répété : l’Ukraine doit décider de son propre destin et elle a souverainement choisie l’Europe.
Chaque pas vers l’adhésion devra passer par l’unanimité des 27, avec des critères stricts. Aucun autre acteur, ni Moscou ni Washington, ne peut s’y substituer. Ça relève fondamentalement de la souveraineté européenne.
Et qu’en est-il de l’OTAN ?
Le plan initial proposait que l’Ukraine ne rejoigne jamais l’OTAN et que l’alliance accepte cette interdiction. Pour l’Europe, c’était comme offrir un droit de veto permanent à Moscou. Depuis les discussions de Genève entre ukrainiens, américains et européens, ce point a été retiré. Dans la nouvelle version du plan on est passé de 28 à 19 points. Les propositions les plus problématiques ont disparu : plus de retour de la Russie dans le G8, plus d’interdiction définitive de l’OTAN pour l’Ukraine, plus de réduction imposée de l’armée ukrainienne. C’est l’effet du retour des Européens dans la négociation.
Est-ce que ça suffit à rassurer Kiev ?
En partie. Les Ukrainiens ont accueilli ce nouveau texte avec soulagement. Mais ils restent prudents. Et l’Europe aussi. Chez les 27, il y a toujours des divisions qui affaiblissent la voix européenne. Certains, comme l’Italie, n’aiment pas que le trio France-Allemagne-Royaume-Uni mène les discussions.
Et pendant ce temps, la Russie continue de bombarder…
Oui. Les frappes continuent, les avancées terrestres aussi. Le Kremlin parle de « processus sérieux », mais refuse toute concession majeure. Dmitri Peskov rappelle qu’ils n’abandonneront aucun point clé. Or la paix en Ukraine ne peut pas être un marché entre la Russie et les États-Unis. Aujourd’hui l’Europe est bien la seule garante crédible des intérêts ukrainiens dans les négociations.
Un entretien réalisa par Laurence Aubron.