L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Selon le ministre des affaires étrangères espagnol, l'Espagne, le Royaume-Uni et la Commission européenne s'apprêtent à conclure un accord très bientôt sur Gibraltar. Pourquoi cet accord ?
Le ministre espagnol rencontre son homologue britannique aujourd'hui à Bruxelles. Ils seront accompagnés du Commissaire européen aux Relations interinstitutionnelles. L'objectif de cette rencontre est de trouver enfin un accord sur le statut de Gibraltar suite au Brexit. Car oui, le Brexit a été particulièrement difficile à surmonter pour les Gibraltariens et Gibraltariennes.
Et pourquoi ?
Car le Brexit a fortement affecté Gibraltar, et cela sur de nombreux points. Rappelons que Gibraltar est un petit territoire, de la taille d'un grand arrondissement parisien, mais dont une grande partie est occupée par le fameux rocher. Seulement 32'000 personnes y habitent. Donc ce territoire dépend beaucoup de son voisin l'Espagne pour différentes ressources. Les habitants de Gibraltar traversent aussi régulièrement la frontière avec l'Espagne. Ils avaient donc conscience des difficultés qu'allaient poser un Brexit sur leur péninsule. Lors du vote, les habitants de Gibraltar ont rejeté à environ 96 % le Brexit. Après le vote favorable pour le Brexit, un accord de principe avait été trouvé pour permettre la libre circulation des personnes en 2020 dans l'attente d'un traité spécifique. L'idée était d'intégrer Gibraltar à l'espace Schengen, mais cet accord n'a jamais été appliqué. Des mesures temporaires et modestes ont néanmoins été prises pour répondre à des besoins urgents comme quant aux permis de conduire ou pour la couverture santé.
Pourquoi cet accord sur Gibraltar est attendu ?
Cet accord pourrait faciliter énormément la vie des habitants de Gibraltar et des travailleurs transfrontaliers espagnols. Ils pourront traverser la frontière avec moins de difficultés, avoir accès plus aisément aux services et aux biens, cela favorisera le développement économique de la région, etc. Le Brexit coupant les liens entre le Royaume-Uni et l'Espagne a été un casse-tête tant pour les autorités des deux États que pour les habitants, et un accord est donc particulièrement attendu.
Pourquoi la situation de Gibraltar fait-elle l'objet de tensions entre l'Espagne et le Royaume-Uni ?
L'Espagne réclame la souveraineté de Gibraltar depuis plus de 300 ans. C'est un sujet de discorde entre les deux royaumes depuis le 18e siècle et sa prise par la marine anglaise. L'Espagne a d'abord essayé à plusieurs reprises de reconquérir la péninsule par les armes, puis par des mesures diplomatiques et politiques. Toujours aujourd'hui, la péninsule est considérée comme une colonie britannique tant par les autorités espagnoles que l'ONU.
Et plus spécifiquement depuis le Brexit, quels sont les points de désaccord et qui ralentissent le processus de négociation ?
Le désaccord principal porte sur le contrôle des frontières. Avec cet accord, Gibraltar deviendrait une frontière extérieure de l'Union européenne. L'Espagne souhaite que le contrôle des frontières de Gibraltar, notamment à l'aéroport, soit sous sa responsabilité. Mais le Royaume-Uni s'est opposé à cette solution, surtout considérant que l'aéroport est également une base aérienne pour l'armée britannique. L'Union européenne s'inquiète aussi du fait que les personnes venant de Gibraltar pourront avec cet accord se rendre dans l'ensemble de l'espace Schengen depuis l'Espagne et sans contrôle, ou que cela ouvrira la voie à plus d'importations clandestines comme du tabac.
Quelle solution propose l'Espagne pour régler le différend sur Gibraltar ?
L'Espagne propose bien sûr la réunification de Gibraltar avec le royaume, mais une proposition plus réaliste qu'elle a proposé à plusieurs reprises est une souveraineté partagée entre les deux royaumes. Cette solution a été proposée d'ailleurs plus ou moins implicitement par certains responsables de l'Union européenne. C'est difficile de concevoir ce régime dans lequel deux États se partagent la souveraineté d'un territoire. Peut-être que cela peut ressembler à Macau qui était une colonie portugaise dans la région de Canton, et dont la souveraineté a été transférée à la Chine en 1975 mais dont l'administration était toujours portugaise jusqu'en 1999. Autrement dit, ce sont les autorités portugaises qui administraient Macau alors que le droit international reconnaissait son appartenance à la Chine suite à un accord entre les deux États.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.