Plongée dans les océans - Sakina Ayata

L'impact du changement climatique sur la vie marine - Plongée dans les océans

L'impact du changement climatique sur la vie marine - Plongée dans les océans

Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans". La semaine passée, Sakina nous parlé de l'impact du changement climatique sur les océans. Aujourd'hui, elle observe quelles sont les conséquences sur la vie marine.

En effet. On a vu que les principales conséquences du changement climatique sur les océans étaient : une augmentation de la température des océans, une élévation du niveau des mers, et une acidification des océans. Et j'ai aussi mentionné que le changement climatique pouvait avoir d'autres conséquences, comme des modifications de la salinité ou de la circulation océanique. Et tout ceci impacte directement la vie marine. 

Et donc quelle est la principale conséquence du changement climatique sur la vie marine ?

Et bien le changement climatique a des répercussions, à la fois directes  et indirectes, sur l'abondance et distribution des organismes marins. Et ces conséquences sont déjà observables. Un exemple classique  concerne les communautés de zooplancton en Atlantique Nord.

Le zooplancton, ce sont ces petits animaux qui sont transportés par les  courants, c'est bien ça ?

Oui, rappelez-vous du personnage appelé Plancton dans le dessin animé  Bob l'Eponge : c'est un petit crustacé zooplanctonique appelé copépode,  je vous les ai déjà présentés. Et bien en Atlantique Nord, on a observé qu'en réponse au réchauffement des eaux, les espèces de copépodes habituellement observées ont été remplacées par d'autres espèces, qui  sont mieux adaptées à des températures un peu plus chaudes.

Donc au final, des espèces sont remplacées par d'autres, mais est-ce grave ?

Et bien oui, car l'ancienne espèces était mangée par les très jeunes  morues, alors que la nouvelle espèce ne l'est pas, ceci impact donc directement la croissance et la survie des poissons, et donc la pêche ! De manière générale, les changements de température de l'eau ont des conséquences sur la croissance des organismes. Et certaines espèces n'aiment pas quand ça se réchauffe. Alors, soit elles arrivent à se reproduire un peu plus tôt dans l'année, quand il ne fait pas encore trop chaud, soit elles doivent migrer vers les pôles pour retrouver des températures qui leur conviennent. Mais pour les espèces moins sensibles à la température, elles peuvent quand même être embêtées si leur nourriture est plus sensible, comme ça a été le cas pour les jeunes morues. Il peut aussi y avoir des conséquences indirectes si ce sont les prédateurs qui sont affectés, de manière positive ou négative, par la  hausse des températures. 

Et puis pour les espèces contraintes de migrer vers les pôles, il arrivera aussi un moment où elles ne pourront pas aller plus loin et elles  risquent alors de disparaitre. Et puis, en se déplaçant vers les pôles, la saisonnalité change et les espèces ne sont pas sûres de trouver à  manger, et puis à un moment, si la température se réchauffe trop, ce  sont les espèces polaires qui risquent de disparaître. On sait déjà que l'ours polaire est confronté à la disparition de son milieu de vie avec la fonte de la banquise. Les changements de température ont donc un impact énorme sur les écosystèmes marins.

Donc si je résume, même si un seul élément de l'écosystème est  impacté, ça peut avoir des conséquences sur tout l'écosystème ? 

Oui, c'est bien ça. Un autre exemple est celui des récifs coralliens. Les  coraux sont des animaux, qui vivent en colonies et forment donc des  récifs. Ces animaux vivent en symbiose avec de microalgues, c'est-à dire qu'il y a des cellules d'algues qui vivent dans les cellules des coraux. C'est du donnant-donnant : les microalgues sont protégées dans  un environnement favorable à leur croissance, et en échange elles réalisent la photosynthèse et alimentent le corail en sucres et en vitamines. Mais lorsque la température augmente, alors le corail est stressé, et les microalgues quittent le corail. Elles peuvent y revenir, mais si elles partent trop longtemps, alors le corail devient blanc, sa  croissance est très ralentie et il peut mourir. On parle de blanchiment du corail.

Et ça pose problème que le corail blanchisse ?

Oui, puisque le blanchiment peut conduire à la mort du corail. Et ce  phénomène a pris beaucoup d'ampleur ces dernières années. Pour vous donner une idée, on estime que depuis la fin des années 90, c'est 98%  de la Grande Barrière de Corail, en Australie, qui a été touchée par des épisodes de blanchiment. Or les récifs de coraux abritent 30% de la  biodiversité marine. Si ils sont touchés, c'est tout l'écosystème corallien qui est impacté, et ceci se répercute aussi sur les populations humaines, à travers l'impact sur la pêche ou le tourisme. Et puis les récifs de  coraux constituent aussi une protection naturelle contre l'érosion. Là  encore, si le corail est touché, l'érosion va augmenter. En réalité, le  corail est triplement menacé : d'une part par la hausse des température  qui conduit au blanchiment, d'autre part par la hausse du niveau des mers (parce si la mer montre, les microalgues du corail n'auront plus  assez de lumière), mais aussi à cause de l'acidification.

En effet, vous nous aviez parlé de l'acidification des océans la semaine  passée. À cause du changement climatique, les océans deviennent plus  acides, c'est ça ?

Oui ! Et quand l'eau devient acide, le calcaire se dissout. Or les coraux ont un squelette calcaire. C'est vraiment la triple peine ! Tous les  organismes marins classifiants sont touchés par l'acidification, en particulier ceux qui ont une coquille, comme les huitres ou les moules. 

Mais n'oublions pas qu'en plus de la hausse des températures, du niveau des mers, et de l'acidification, les écosystèmes marins sont aussi soumis à de fortes pressions dues aux activités humaines, comme la pollution par exemple. Ces écosystèmes sont donc soumis à des pressions multiples ! D'ailleurs, lors d'une prochaine chronique, je vous parlerai de la pollution liée au plastique.

Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet

Photo : NOAA from Unsplash

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