"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.
Sakina, cette semaine vous allez nous parler du baromètre Starfish, qui est une initiative lancée à l’occasion de la Journée mondiale de l’Océan, le 8 juin 2025, lors de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan, l’UNOC, qui s’est déroulée à Nice. C’est quoi, ce baromètre ?
Le Baromètre Starfish fourni des informations chiffrées sur l’état de santé des océans. Il sera mis à jour chaque année et son ambition est d’apporter aux décideurs politiques des données fiables pour guider leurs choix et suivre les progrès accomplis chaque année pour protéger les océans. Le baromètre 2025 a été présenté aux chefs d’État et de gouvernement lors d’une session de l’UNOC dédiée aux recommandations par les scientifiques.
Sakina, le baromètre Starfish sur l’état de santé des océans est organisé autour de 5 thèmes. Quels sont-ils ?
Il y a : les pressions humaines, l’état de l’océan, les impacts sociétaux, les opportunités pour les sociétés humaines, et les efforts de protection accomplis.
Pour chacun de ces thèmes, il existe plusieurs messages clés qui sont ensuite présentés dans plus de détails pour le grand public et les décideurs.
Ainsi, dans les pressions humaines, on retrouve comme principales informations pour 2025 que les émissions de CO₂ fossile continuent d’augmenter, avec une augmentation de 2,7 % dans le transport maritime, que la pêche non durable atteint 37,7% de la pêche totale, et que 75% des grands navires de pêche opèrent sans surveillance. Il est également rappelé que les pressions humaines et climatiques ne cessent de croître et menacent les habitats marins à l’échelle mondiale, et que la pollution plastique augmente, tandis qu’il n’existe toujours pas de système mondial de suivi et d’évaluation de cette pollution. En effet, les négociations menées fin 2024 à Busan, en Corée du Sud, ont pour le moment échouées.
Quelles sont conséquences de ces pressions humaines sur l’état de santé des écosystèmes ?
Eh bien, on le sait maintenant, et j’en ai déjà parlé plusieurs fois lors de cette chronique : la mer monte et son niveau a en moyenne augmenté de 23 cm depuis 1901, et les températures de l’océans sont les plus élevées jamais enregistrées. On assiste également à une acidification de l’eau de mer et à une diminution de l’oxygène contenue dans les océans. Enfin, la biodiversité marine est menacée, avec au moins 1 677 espèces menacées d’extinction, dont un tiers des requins et plus d’un quart des cétacés. Enfin, le 4e épisode majeur de blanchissement des coraux jamais enregistré a frappé l’océan avec près de la moitié des espèces de coraux menacées d’extinction et une dégradation accélérée des récifs.
Et selon le baromètre Starfish, quels en sont les principaux impacts sociétaux en 2025 ?
Ils sont énormes ! Et c’est vrai que l’on ne le souligne pas assez. Par exemple, les coûts mondiaux liés aux tempêtes tropicales et aux inondations atteignent 102 milliards de dollars. Les primes d’assurance maritime ont augmenté de presque 6 %, en lien avec l’expansion du commerce mondial et les menaces croissantes. Et la pollution plastique marine engendre 250 milliards de dollars de coûts sanitaires et touche 1 200 espèces. Ceci dit, un océan sain est aussi une opportunité pour l’humanité.
Que dit le baromètre à ce sujet ?
Il rappelle que la production mondiale d’aliments marins d’origine animale a atteint un record de 115 millions de tonnes. En particulier, l’aquaculture marine a presque quadruplé depuis les années 1990 et représente désormais 31 % de cette production. Les ventes de produits pharmaceutiques issus des océans ont aussi augmenté de 7,5 %, malgré des inégalités persistantes. Enfin, l’économie bleue, estimée à 2 600 milliards de dollars, génère 134 millions d’emplois, mais avec un coût environnemental fort ; et la pêche artisanale représente 88 % des emplois marins et génère quant à elle près de 52 milliards de dollars par an.
Sakina, le cinquième et dernier élément du baromètre Starfish concerne les efforts de protection. On en est où ?
Ça avance, mais peut mieux faire ! Les aires marines protégées couvrent 8,34 % de l’Océan, ce qui est encore loin de l’objectif des 30 %. La gouvernance océanique multilatérale progresse, avec le seuil des 60 ratifications du Traité sur la Haute Mer atteint en septembre 2025, il va donc pourvoir entrer en vigueur. Enfin, le baromètre souligne que l’éducation à l’océan progresse partout dans le monde, avec une forte hausse des activités éducatives. On peut donc garder espoir !
Un entretien réalisé par Laurent Pététin.