Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Le saumon - Plongée dans les océans #9

Le saumon - Plongée dans les océans #9

Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".

Sakina, vous nous aviez parlé d'huître la semaine passée. Cette semaine  il va être question de saumon, alors ? 

Oui, de saumon ! Mais en réalité, on appelle saumon plusieurs espèces  différentes, qui appartiennent à la grande famille des salmonidés, qui  inclus les saumons, mais aussi les truites ou les ombles. Chez les  saumons on distingue le saumon atlantique, Salmo salar, qui appartient  au genre Salmo, de leurs cousins les saumons du Pacifique, qui  rassemblent plusieurs espèces du genre Oncorhynchus. Si vous achetez  un plat préparé au saumon, vous pourrez vérifier s'il s'agit de saumon atlantique ou de saumon pacifique. 

Ils font tous partis de la famille des salmonidés, c'est ça ? 

Oui, en effet. Et tous ces poissons sont des poissons migrateurs, dits  "anadromes" : ils naissent dans les rivières, rejoignent la mer une fois  adultes, mais retournent dans les rivières pour y pondre. Ils sont donc  capables de s'adapter à la vie en eau douce puis à la vie dans l'eau salée,  et vice-versa. 

Et c'est sportif de remonter les rivières pour aller y pondre j'imagine ? 

Oui, c'est très physique ! Il faut remonter le courant et parcours parfois  près de 1000 km pour rejoindre le lieu de ponte. Les saumons sont ainsi  capables de faire des sauts de 2 à 3 mètres pour remonter la rivière.  Pour leur permettre de passer les barrages construits par l'homme, on  construit des échelles à saumon. 

Des échelles ? 

Oui, mais il s'agit en fait de séries de petits bassins des quels les  saumons peuvent sauter pour rejoindre les bassins situés en amont. D'ailleurs, les saumons retournent pondre là où ils sont nés. 

Et comment font-ils pour se repérer ?

On pense qu'ils sont capables de s'orienter grâce au champ magnétique  terrestre, mais aussi de suivre l'odeur qui va les guider vers leur rivière  de naissance. Mais c'est un périple de longue haleine, qui devient de  plus en plus dur pour les saumons, car ils doivent aussi faire face à la  pollution des rivières. D'ailleurs on estime que la plupart des espèces de  saumon sont en déclin. 

Combien de temps vit un saumon sauvage ? 

On pense que dans la nature les saumons peuvent vivre 1 à 6 ans dans  l'eau douce, le temps d'attendre l'âge adulte, puis 1 à 4 ans en mer. Au  total, la durée de vit pourrait donc être de 10 ans, mais la plupart ne  vivent que 4 à 6 ans. A l'âge adulte, les saumons peuvent attendre 40 à  70 cm, mais on a déjà observés des saumons de près d'un mètre  cinquante ! Et les plus gros peuvent atteindre 46 kg. 

Que mangent les saumons ? 

Les saumons sont carnivores. Les jeunes qui vivent en eau douce se  nourrissent d'insectes, de mollusques, de crustacées, et de petits  poissons qui peuplent les rivières. Quant aux adultes qui vivent en mer,  ils se nourrissent de crustacés, de calamars, et de poissons. 

Vous disiez que les populations de saumons sont en déclin, mais est-ce  aussi lié à la pêche ? 

Oui en partie. Les saumons sont exploités pour leur chaire, que l'on  consomme crue, en sushi ou en carpaccio par exemple, ou bien cuite.  On consomme également les œufs de saumon, ces petites boules  translucides et rosées de 5 mm de diamètre. Mais à vrai dire, le déclin des saumons sauvages est dû à de multiples facteurs : la pollution des  rivières, les barrages et la destruction des habitats, la surpêche.  

Mais le saumon est aussi élevé dans des fermes d'aquaculture, non ?

Oui, tout-à-fait. On élève des saumons depuis les années en Norvège et  en Ecosse. Au départ, le but était d'élever des jeunes puis de les  relâcher. Maintenant on les élève jusqu'à l'âge adulte pout les manger.  Après la crevette, c'est le saumon qui est le deuxième produit de la mer  obtenu par aquaculture. Pour vous donner une idée, plus de 90% du  saumon de l’Atlantique que l'on consomme est produit par l’élevage et  c'est quasiment l'inverse pour le saumon du Pacifique qui est surtout  pêché.

L'élevage de saumon permet donc de préserver les populations  naturelles j'imagine ?

Oui, en partie, mais ce n'est pas si simple. Certes, si on cultive les  saumons, alors on en a moins besoin d'en pêcher. Mais comme les  saumons sont carnivores, et bien il faut les nourrir, souvent à base de  farine de poissons, et donc ces poissons qui vont servir à nourrir les  saumons doivent être pêchés eux aussi, et très souvent par la pêche  industrielle qui peut faire des ravages dans les écosystèmes marins. 

Et comme tout élevage dès qu'il devient intensif, l'élevage du saumon  peut aussi poser problèmes. En particulier, il génère alors de la  pollution organique : les crottes de saumon apportent des nutriments en  très grands nombres et contribuent au problème de l'eutrophisation.  Dans ces élevages parfois très denses, il y a également des problèmes  de parasites, qu'on appelle les poux des saumons, et qui sont en fait des  copépodes parasites. Et contre ces parasites, on lutte parfois à coup de  pesticides. Tout cela peut générer beaucoup de pollutions dans les  fjords où sont élevés les saumons...

Mais il y a maintenant une filière d'aquaculture biologique qui se  développe, non ? 

Oui, c'est vrai, et elle permet de diminuer l'impact des élevages de  saumons sur l'environnement. Il existe aussi une autre piste : il s'agit de  ce que l'on appelle l'aquaculture multi-trophique intégrée. Ce type  d'aquaculture prône une production marine durable. Le principe est  simple : on élève des moules et on cultive des macroalgues brunes sous  les bassins de culture des saumons, et ainsi ces moules et ces grandes  algues vont bénéficier les rejets organiques des poissons, qui vont donc  être recyclé pour générer de la nouvelle biomasse.

Mais la salmoniculture peut aussi être vertueuse. A Chanteuges dans  l'allier se trouve le "Conservatoire du Saumon Sauvage", qui développe  de la salmoniculture pour recoloniser l’ensemble du bassin de l'Allier et  des environs, et ainsi assurer la conservation de ce poisson, et en  particulier de cette souche endémique. Le Conservatoire du Saumon  Sauvage peut ainsi produire plus de 2 millions d'oeufs et 200 000  jeunes saumons prêts à rejoindre la mer, afin d'assurer le repeuplement de ces cours d'eau, donc rien n'est perdu ! 

Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet

Photo : zoosnow via Pixabay

Tous les épisodes de "Plongée dans les océans" sont à retrouver ici