Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Le futur de nos côtes (2/2)

Photo de Saad Alaiyadhi - Pexels Le futur de nos côtes (2/2)
Photo de Saad Alaiyadhi - Pexels

"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire sur euradio qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.

Sakina, lors d’une précédente chronique, vous nous aviez parlé du rapport du Réseau Action Climat qui détaille en quoi toutes les régions de France sont impactées par le changement climatique. Mais ce rapport souligne aussi un point commun entre les huîtres bretonnes, les bulots normands, les coraux mahorais, les herbiers corses, et les paludiers guérandais !

En effet Laurence, car toutes et tous sont menacés par le changement climatique ! Et c’est ce que nous rappelle le rapport du Réseau Action Climat. Nos littoraux doivent en particulier faire face à l’augmentation du niveau des mers, mais ils sont aussi affectés par le réchauffement de l’eau, les canicules marines, les tempêtes, ou encore l’acidification des océans.

Sakina, comment le changement climatique affecte-il les huîtres bretonnes ?

Et bien lorsque les activités humaines libèrent du carbone dans l’atmosphère, une partie de ce carbone est absorbée et stockée dans les océans. Mais ceci conduit à rendre les océans plus acides car les ions H+ deviennent plus abondants et le pH baisse. Selon les scénarios d’émission de gaz à effet de serre, l’acidification des océans pourrait augmenter de 30% à 200% d’ici la fin du siècle. Ceci crée une menace directe pour tous les organismes qui ont des structures calcaires et en particulier ceux qui vivent fixés, comme les coraux, les moules, ou les huitres. Plus l’eau est acide, et plus les larves de ces organismes ont du mal à de développer, sont déformées, et ont des taux de mortalité plus élevés. Quant aux adultes, ils ont plus de mal à lutter contre la prédation ou les maladies. Les huitres ont ainsi dû mal à croitre correctement et leurs coquilles deviennent plus fragiles.

Mais en plus de l’acidification des océans, les huitres sont aussi sensibles aux épisodes de canicules marines, qui sont de plus en plus fréquents et forts. Des expérimentations sont en cours pour adapter l’ostréiculture bretonne, comme par exemple à travers la coculture avec des algues, afin de limiter l’impact de l’acidification.

Et qu’en est-il des bulots normands ?

Et bien, eux, ils sont surtout menacés par les canicules marines. En 2022, dans la baie de Granville en Normandie, les fortes températures observées en été ont conduit à une récolte de bulots 4 fois moins importante que l’année précédente. Et on sait que ces épisodes de canicule marine vont être de plus en plus fréquents, intenses, et longs.

Et les coraux de Mayotte ?

C’est aussi face à ce type de menaces que doivent faire face les coraux mahorais. En plus de la hausse des températures, de l’acidification des océans, et de la hausse du niveau des mers, les coraux sont aussi impactés et fragilisés par la pollution côtière. Heureusement, les coraux sont encore en relativement bon état dans les zones peu anthropisées, comme les zones peu fréquentées de la Polynésie française, mais les coraux de Mayotte, ainsi que ceux de La Réunion et des Caraïbes sont menacés. Ainsi, en Martinique et en Guadeloupe, les récifs sont très dégradés. D’ailleurs, 70% à 80% d’entre eux sont morts ces trente dernières années. En France métropolitaine, les coraux froids, comme le corail rouge de Méditerranée, sont également touchés. Depuis 2003, on estime ainsi que la haute des températures a causé la mort de 70% des coraux rouges de la réserve naturelle de Scandola, en Corse.

Sakina, en Corse, les herbiers sont également touchés.

En effet, les herbiers marins, comme les herbiers de posidonie, subissent eux aussi des épisodes de mortalité massive lors des canicules marines. Ils sont également menacés par la hausse du niveau de la mer, qui réduit la lumière disponible pour leur croissance.

Toutes ces menaces qui pèsent sur les écosystèmes marins doivent nous pousser à agir pour les protéger, mais aussi à réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, d’une part à l’échelle individuelle, mais surtout à l’échelle de politique publique d’envergure et ambitieuse.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.