Entendez-vous la Terre ?

Un décret décevant pour l'interdiction des PFAS

Photo de Nataliya Vaitkevich sur Pexels Un décret décevant pour l'interdiction des PFAS
Photo de Nataliya Vaitkevich sur Pexels

« Entendez-vous la Terre ? », c’est le nom que porte la chronique réalisée par Fanny Gelin, étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux, qui décode pour vous chaque jeudi l’actualité environnementale de l’Union européenne.

Quels ont été les moments verts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec vous Fanny. Bonjour et bienvenue ! Alors, dites-moi : que nous dit la Terre cette semaine ?

La Terre nous parle PFAS cette semaine. De leur nom savant substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, les PFAS sont plus connues sous le nom de polluants éternels. Ces composés de synthèse ont défrayé la chronique en France depuis l’année dernière avec l’adoption d’une proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry visant à les interdire.

Des polluants éternels, qu’est-ce que ça signifie exactement ? 

Cela signifie deux choses. Primo, ces molécules ont une relative stabilité chimique qui ralentit leur dégradation. Les PFAS se bioaccumulent donc à la fois dans l’environnement et dans l’ensemble des organismes vivants de la planète. Leur seconde caractéristique est leur forte toxicité qui n’est pas sans conséquence sur la santé des écosystèmes et la santé humaine en causant des cancers notamment. Car le problème, c’est que les PFAS, il y en a partout.

Partout, c’est-à-dire ?

C’est que ce sont des produits très utiles ! A la fois antiadhésifs, antitaches, imperméabilisants, résistants aux flammes et à la chaleur. Ils ont donc rapidement envahi les rayons des emballages alimentaires, textiles, ustensiles de cuisine, mousses anti-incendie et cosmétiques. Et dans le même temps, nos produits alimentaires, tels que le poisson, les fruits et les œufs, ainsi que l’eau du robinet. A ce sujet, les scandales sanitaires se multiplient des Ardennes à la Meuse et plusieurs milliers de Français ont interdiction de consommer leur eau courante. Et pourtant, malgré cette contamination massive, l’action gouvernementale demeure insuffisante.

La loi adoptée ne vient-elle pas justement répondre à cette problématique ?

C’était effectivement son ambition mais elle s’est déjà vue amputer d’une partie de son champ d’application avant son adoption suite aux pressions de certains industriels produisant des ustensiles de cuisine et revêtements de poêles antiadhésives. Néanmoins, un réel progrès avait été obtenu avec d’autres interdictions liées aux textiles et cosmétiques notamment, ainsi qu’avec l’obligation de contrôler les eaux potables. Mais le plus important retour en arrière est survenu lors de la parution du premier décret d’application de la loi le 8 septembre.

Je vous laisse nous en dire plus, que dit ce décret ?

Ce décret précise les modalités de mise en œuvre de l’objectif intermédiaire de réduction de 70% de rejets de PFAS dans l’eau par les industriels. Or, cette baisse est calculée par rapport à 2023, année où la grande majorité des industriels concernés n’avaient pas mesuré leurs rejets de PFAS. Ce qui fausse complètement les données. Et puis, il est important de préciser que ce texte a été publié sans modification trois jours seulement après la fin de la consultation publique obligatoire. Pile quelques jours avant la chute du gouvernement de François Bayrou.

Le gouvernement français montre un réel manque de volonté politique si je comprends bien. N’y a-t-il pas d’autre solution ?

Eh bien, deux solutions sont possibles : la voie du droit ou l’échelle européenne. L’association Générations futures étudie de possibles voies de recours en justice contre ce décret. Quant au niveau européen, une restriction de l’usage de l’ensemble de la famille des PFAS avait été proposée en 2023 et est toujours en cours d’étude. Si cette mesure est adoptée, elle protégera plus globalement les citoyens européens. A bon entendeur.

Merci Fanny. Je rappelle que vous êtes étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux.

Un entretien réalisé par Laurent Pététin. 

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