Entendez-vous la Terre ?

Rentrée scolaire décalée pour la Terre

Photo de Markus Spiske sur Pexels Rentrée scolaire décalée pour la Terre
Photo de Markus Spiske sur Pexels

« Entendez-vous la Terre ? », c’est le nom que porte la chronique réalisée par Fanny Gelin, étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux, qui décode pour vous chaque jeudi l’actualité environnementale de l’Union européenne.

Quels ont été les moments verts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Fanny Gelin. Bonjour et bienvenue !

Bonjour !

Alors Fanny, que nous dit la Terre cette semaine ?

Fanny : La Terre nous parle climat cette semaine. Il faut dire que l’agenda de la rentrée va être chargé en rencontres internationales dans les prochains mois. Rendez-vous à New York le 24 septembre pour l’Assemblée générale des Nations unies sur le climat, puis envol pour Belèm au Brésil pour la COP30 en novembre.

Une rentrée chargée si je comprends bien !

Exactement. La rentrée, c’est à la fois le moment où l’on présente le programme scolaire, quitte à ne pas le terminer dans l’année. Et c’est aussi le moment pour les Etats de présenter leur programme carbone, si possible ambitieux. Mais on dirait qu’Emmanuel Macron a eu envie de décaler la rentrée.

C’est-à-dire décaler la rentrée ?

Eh bien, la France a demandé à ce que le vote sur deux objectifs de réduction nette de 90% des émissions de gaz à effet de l’UE d’ici 2040 par rapport à 1990, et l’objectif intermédiaire de 72,5% de réduction d’ici 2035 soit repoussé. Au lieu de se dérouler durant le Conseil des ministres de l’Environnement le 18 septembre, il aurait lieu au Conseil européen les 23 et 24 octobre. On pourrait penser qu’un petit mois de décalage ne serait pas un drame.

Et pourtant, je sens que vous allez me prouver le contraire.

Vous me connaissez bien ! En réalité, l’objectif pour 2035 doit être présenté par Ursula von der Leyen lors de l’Assemblée des Nations unies le 24 septembre. Le risque d’un report serait qu’elle arrive les mains vides à New York, ce qui enverrait un très mauvais signal sachant que l’UE est considérée comme le leader des mesures climatiques sur la scène internationale. Selon l’eurodéputée écologiste autrichienne Lena Schilling, cela reviendrait à dire au monde « que l’action climatique est optionnelle. »

Et ce n’est pas tout ! Le principal problème de ce report, c’est le changement de l’organe de décision concerné : le vote n’aurait plus lieu entre ministres au Conseil de l’UE mais directement entre chefs d’Etat au Conseil européen.

Mais dans tous les cas, une décision sera prise, quelle importance que ce soit par le Conseil de l’UE ou le Conseil européen ?

C’est-à-dire que point de vue des modalités de vote, on passerait d’un vote à la majorité qualifiée, donc au moins 55% des Etats représentant au moins 65% de la population européenne, à un vote l’unanimité. Ce serait un pari plus que risqué puisque chaque Etat disposerait alors d’un droit de veto sur l’adoption des futurs objectifs climatiques de l’UE. Notamment la Hongrie, la Pologne et l’Italie qui sont loin d’y être favorables.

Mais pourquoi Emmanuel Macron souhaite-t-il reporter ce vote si cela pouvait provoquer de telles difficultés ?

Rien n’est certain sur ses intentions. Néanmoins, cela fait plusieurs années qu’il fait preuve de davantage de réserve sur le Pacte vert en mettant la priorité sur la compétitivité économique et la simplification réglementaire. Sa demande de report pourrait donc être un moyen subtil de faire échouer l’adoption d’objectifs climatiques qui ne l’arrangent pas sans se mouiller. Si la France s’y opposait ouvertement, cela nuirait à sa crédibilité. Mais si un autre Etat s’en charge, la responsabilité lui incombera. Et le président français en sortira blanc comme neige.

Merci Fanny. Je rappelle que vous êtes étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.