Union européenne, la Bulgarie met son veto à la demande d'adhésion de la Macédoine du Nord; digital, le Parlement annonce de nouvelles régulations pour les géants du numérique; et enfin grande première pour l'Eglise, le pape François soutient officiellement le droit à l'union civile pour les couples homosexuels.
Dirigeons-nous, pour cette nouvelle édition, vers les Balkans, et plus particulièrement la Macédoine du Nord. Le pays désire démarrer la procédure officielle d’intégration de l’Union européenne. Mais un Etat-membre se met en travers du chemin. La Bulgarie a déclaré qu’elle mettrait son veto si les désaccords linguistiques et historiques n’étaient pas résolus entre les deux pays. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il en retourne exactement ?
L’adhésion de la Macédoine du Nord semble être un véritable chemin de croix. De multiples obstacles se sont dressés devant le pays depuis plusieurs années. Cette fois-ci, c’est la Bulgarie qui menace de s’y opposer, en refusant d’approuver le document final qui permettra au Conseil de l’Union européenne de lancer le départ officiel des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord.
Quels sont les points de friction entre ces deux pays qui partagent une histoire fortement imbriquée ?
Tout d’abord, la Bulgarie considère depuis des années qu’une partie de la population macédonienne est en fait composée de Bulgares « macédonisés » par la politique de l’ex-Yougoslavie. Les autorités bulgares dénoncent la création à l’époque d’une identité et langue macédoniennes artificielles. La Bulgarie se sent menacée par toute construction historique qui légitime une identité macédonienne séparée de l’identité bulgare. Ajoutez à cela le souvenir en Macédoine du Nord de l’occupation fasciste bulgare durant la 2e guerre mondiale, et vous avez une dispute historique prête à durer pendant des décennies.
Les deux pays ont signé un accord en 2017 dans le but de résoudre ces différends, notamment par la création d’une commission d’historiens. Malheureusement, les discussions sont à l’arrêt, officiellement en raison de la pandémie, mais les désaccords restent nombreux. Plus récemment, les autorités bulgares ont envoyé des documents aux différentes capitales européennes pour y exprimer leur position. La Bulgarie menace aujourd’hui de bloquer l’adhésion de la Macédoine du Nord tant que ces disputes ne sont pas résolues.
Vous avez mentionné les différents obstacles qui se dressent entre la Macédoine du Nord et l’adhésion à l’Union européenne. La Bulgarie n’est pas le seul pays qui bloque tout rapprochement, n’est-ce pas ?
Tout à fait, la Grèce s’est également opposé à l’adhésion de la Macédoine du Nord, cette fois-ci dans l’OTAN. Jusqu’il y a peu, la Macédoine du Nord s’appelait encore Macédoine, comme la région septentrionale de la Grèce. Athènes reproche depuis longtemps aux autorités macédoniennes d’usurper des pans de l’histoire grecque, notamment l’héritage historique d’Alexandre le Grand, originaire de la région grecque. Ces débats historiques ont donné lieu finalement à l’accord de Prespa qui a entériné le changement de nom de la Macédoine du Nord, entré en vigueur en 2019.
La Macédoine du Nord pensait avoir réglé ses problèmes. C’était sans compter le président Macron. En novembre 2019, il a surpris les Etats-membres de l’UE en s’opposant à l’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie, affirmant qu’il fallait revoir le mécanisme d’élargissement. Aujourd’hui, c’est donc au tour de la Bulgarie de s’y opposer.
Intéressons-nous à la régulation européenne en matière digitale. A travers plusieurs résolutions, le parlement européen a défini mardi sa position concernant la législation des services en ligne et la régulation des pratiques des géants du numérique comme Google, ou Amazon. Que contiennent ces résolutions et qu’ont-elles pour ambition de réguler ?
Et bien, même si les résolutions du parlement ne sont pas juridiquement contraignantes, elles annoncent la couleur en vue des débats législatifs entre les différentes institutions européennes.
Les eurodéputés se sont accordés sur différents points notamment la nécessité d’adopter des règles plus strictes en matière de contrefaçons vendues en ligne ou l’importance d’une définition claire de contenu illégal ou offensant. Surtout, les eurodéputés ont soutenu la proposition de l’allemand Tiemo Wölken visant à limiter, voire bannir complètement, la publicité ciblée sur internet. La publicité ciblée consiste en l’enregistrement de l’activité en ligne des internautes pour leur proposer ensuite des contenus sur mesure. Par exemple, si vous allez voir le site d’un marchant de lunettes, vous allez inévitablement voir sur Facebook ou d’autres plateformes, des publicités pour lunettes. C’est une pratique qui suscite beaucoup d’interrogations et de méfiance dans la mesure où cela contribue à une forme de surveillance du comportement des internautes.
La Commission présentera son projet de régulation début décembre, le Digital Service Act.
Terminons en évoquant la récente déclaration du pape François. Mercredi, il est devenu le premier pape à soutenir officiellement l’union civile pour personnes de même sexe. Il s’agit là d’une véritable révolution pour l’Eglise ?
En effet, c’est dans un documentaire sur sa vie, appelé « Francesco », que le pape François a affirmé soutenir l’adoption de lois consacrant l’union civile des personnes de même sexe. Il s’agit d’offrir une protection légale accrue à la communauté LGBT. Il a déclaré, dans le documentaire, que les personnes homosexuelles ont le droit de vivre en famille et sont des enfants de Dieu.
Cela fait longtemps que le pape François soutient l’union civile pour personnes de même sexe, déjà alors qu’il était encore archevêque de Buenos Aires. Néanmoins, il défend surtout une union civile, et s’est toujours opposé au mariage religieux pour les personnes de même sexe. C’est la première fois qu’il s’exprime sur le sujet en tant que pape, et comme vous l’avez dit, qu’un pape tient cette position.
L’ouverture du pape François par rapport aux questions de société est connue. Il a régulièrement appelé l’Eglise à accueillir la communauté LGBT, arguant notamment que ce sont les actes sur terre qui comptent et non l’orientation sexuelle des personnes.
Tout à fait, pourtant sa prise de position ne constitue qu’une déclaration informelle et non un changement officiel de la doctrine catholique, qui conçoit toujours les relations homosexuelles comme déviantes. Si le pape François a toujours prêché l’accueil total envers tous les croyants, homosexuels et hétérosexuels, il garde une certaine perplexité quant à l’adoption ou à l’équivalence du mariage.
Victor D’Anethan – Thomas Kox
crédit photo: Barcelos_fotos