Assassinat de Samuel Paty, alors que l'émotion est encore bien présente, partout en France des voix s'élèvent pour appeler à une réaction plus vigoureuse du gouvernement face aux attaques islamistes ; en Hongrie, la nomination de Zsolt Varda à la présidence de la Cour Suprême, fait craindre une mainmise du premier ministre Viktor Orban sur le système judiciaire; et enfin emploi, le Parlement européen met fin aux stages non rémunérés.
L’assassinat du professeur Samuel Paty, vendredi dernier. Cet enseignant été décapité à Conflans-Sainte-Honorine par un jeune réfugié né à Moscou d’origine tchétchène et radicalisé. Le professeur a payé de sa vie le fait d’avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours d’éducation civique sur la liberté d’expression. Ce week-end, des dizaines de milliers de Français se sont rassemblés, à Paris mais aussi dans de nombreuses villes de province, pour rendre hommage au professeur assassiné et pour défendre le monde enseignant. Cet événement dramatique va nécessairement avoir un impact sur les actions du gouvernement ?
Ce drame a en effet créé un émoi considérable en France car il vise notamment un symbole: l’Ecole. Au-delà du recueillement et des manifestations de ce week-end, de plus en plus en plus de voix, à droite mais pas seulement, ont appelé à une réaction plus vigoureuse face aux attaques de l’islamisme dans un concept de laïcité qui montre des signes de faiblesse.
De fait, la réaction du ministère de l’Intérieur ne s’est pas faite attendre. Une grande vague d’arrestations et de perquisitions s’est déroulée ce weekend. 80 enquêtes sont en cours, visant notamment ceux qui se sont réjouis sur les réseaux de cet assassinat. Le ministre Gérald Darmanin, a également déclaré vouloir dissoudre immédiatement deux associations musulmanes qui feraient montre une trop grande connivence avec l’islamisme radical.
Néanmoins, une déclaration du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin a causé des remous. Il a déclaré avoir lancé des opérations à l’encontre de personnes, je cite, « qui n’ont pas forcément un lien avec l’enquête mais à qui nous avons manifestement envie de faire passer un message: pas de répit pour les ennemis de la République ». Cette sortie qui témoigne de la détermination du gouvernement à résoudre la question de l’islam radical a été critiquée par certaines organisations telles que la ligue des droits de l’homme car elle constituerait une tentative d’intimidation arbitraire, et une violation des principes de l’Etat de droit.
Cet événement tragique met aussi le rôle des réseaux sociaux sur le devant de la scène.
Tout à fait, Samuel Paty a fait l’objet d’une véritable cabale numérique dans les jours précédents son assassinat. Son nom et son adresse ont été publiées sur de nombreux réseaux. Il est très difficile et long de supprimer de tels messages. Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la citoyenneté auprès du ministre de l'Intérieur, prévoit de rencontrer les représentants des principaux réseaux sociaux en France.
Et du côté européen, quelles ont été les réactions ?
Et bien, lundi, le président du parlement européen, l’italien David Sassoli, a imposé une minute de silence à l’ouverture de la séance. Plusieurs eurodéputés ont affirmé leur solidarité, notamment Dacian Ciolos et Sophie In ‘t Veld, du parti libéral européen, Renew dont fait partie la République en Marche. Dacian Ciolos a souligné la fragilité des valeurs européennes qui doivent être constamment défendues.
Tournons-nous maintenant vers la Hongrie où la nomination du nouveau président de la Cour Suprême prête le flanc à la critique. Zsolt Varda, candidat du premier ministre Viktor Orban a obtenu le soutien de 2/3 des membres du parlement hongrois, malgré les vives protestations de nombreux magistrats. Il s’agit là d’une initiative de plus de Viktor Orban pour assurer sa mainmise sur le système judiciaire ?
Oui, d’ailleurs le Conseil national de la magistrature a refusé de soutenir cette nomination, qui craint pour l’indépendance du système judiciaire en Hongrie. Son porte-parole a dénoncé l’absence totale d’expérience judiciaire de Zsolt Varda, le candidat du parti au pouvoir. Varda, qui est nommé pour 9 ans, vient des sphères proches du premier ministre Viktor Orban.
L’opposition parlementaire s’est opposée au vote. Le député de gauche, Sebian-Petrovski a critiqué le fait de nommer un ancien adjoint au procureur général, président de la Cour Suprême comme atteinte à la séparation des pouvoirs.
La Hongrie fait l’objet depuis plusieurs années de fortes critiques de l’Union européenne pour les réformes controversées du pouvoir qui mettent à mal l’Etat de droit et les principes démocratiques ?
Tout à fait, depuis son accession au pouvoir, le premier ministre Viktor Orban, s’est attelé à museler la justice, et à asseoir son contrôle sur les médias. En 2018, le gouvernement hongrois a réussi à expulser l’Université d’Europe Centrale, une institution académique financée en partie par le milliardaire d’origine hongroise Georges Soros. Celui-ci est devenu un véritable bouc émissaire pour les autorités hongroises qui l’accusent d’utiliser son argent pour promouvoir l’idéologie libérale dans le pays.
Dans le sillage de la pandémie, Viktor Orban s’est fait octroyé des pouvoirs étendus, notamment la faculté de légiférer par décret, et ce, sans qu’une date limite soit prévue. Depuis plusieurs années, l’Union européenne peine à trouver un moyen de sanctionner la Hongrie. C’est une question épineuse dans la mesure où le Fidesz, le parti de Viktor Orban est membre du parti populaire européen, le parti de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. De plus, Viktor Orban et son parti ont accédé au pouvoir de manière démocratique.
Terminons par évoquer une récente résolution du Parlement européen, appelant à la fin des stages non rémunérés. Chaque année, des milliers de jeunes diplômés européens entament leur carrière par un ou plusieurs stages. Bien souvent, ceux-ci ne sont pas payés, permettant aux employeurs de jouir d’une main d’œuvre gratuite. Le Parlement a donc voté un texte qui appelle à réguler ce domaine pour mettre fin à la précarité des jeunes travailleurs.
Le parlement a voté la résolution à 574 voix pour, 77 contre, et 43 abstentions. En effet, la situation est connue depuis de nombreuses années et c’est seulement sous la pression d’organisations représentatives de jeunes travailleurs que la thématique a été formalisée dans un texte légal. La résolution n’a pas de valeur contraignante mais constitue néanmoins un signal fort.
La résolution du parlement arrive à point nommé car les Etats membres doivent adopter la « garantie pour la jeunesse », un plan de la Commission pour booster l’emploi chez les jeunes. En août 2020, le taux de chômage chez les jeunes en Europe était de 17,6%. Les eurodéputés ont notamment déploré le fait que les Etats membres aient diminué de 5% les ressources du Fond Social Européen. Celui-ci a justement pour objectif de soutenir l’emploi chez les jeunes.
Victor D’Anethan – Thomas Kox
Photo: Samuel Paty / Capture d'écran Twitter