Lors de chaque session plénière au Parlement européen à Strasbourg, Romain L’Hostis suit les débats des 705 députés européens des 27 pays de l’Union. Le 24 avril 2024, il reçoit Claude Gruffat, eurodéputé français membre du groupe Les Verts au Parlement européen, à
propos du vote final en session plénière des nouvelles règles européennes en matière de gouvernance économique.
Contexte
Les règles fiscales européennes ou Pacte de stabilité et de croissance (PSC) avaient été créées en 1997 et fixaient certains critères aux Etats-membres de l'UE : maintenir un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique à un niveau inférieur ou égal à 60% du montant du PIB. L'objectif initial de ces critères : éviter le surendettement, améliorer les finances publiques des Etats-membres, et coordonner leurs politiques budgétaire alors que la monnaie unique et la zone euro étaient en plein développement.
Ces critères sont restés en place depuis lors, mais en 2020 face à la pandémie de coronavirus et à la guerre en Ukraine, l'Union européenne a décidé de suspendre ce Pacte de stabilité et de croissance, jusqu'à aujourd'hui. Concrètement, les Etats-membres ont pu pendant ces dernières années s'endetter et augmenter leur déficit sans crainte d'entrer en contradiction avec leurs engagements européens. Ainsi au 3e trimestre 2023, 14 Etats européens dépassaient ce seuil de 3% de déficit public.
Mais toute parenthèse a ses limites, et après 4 ans d'interruption, les critères budgétaires européens doivent normalement être rétablis. En avril 2023, la Commission européenne a ainsi proposé une révision du Pacte, sous la forme de 3 textes législatifs. La révision du Pacte devra normalement prendre effet le 1er janvier 2025.
On ne comprend pas cette volonté de revenir à un système de cadrage budgétaire qui ne fonctionne pas, puisque de nombreux Etats-membres n'arrivent pas à s'y tenir, et se font rappeler à l'ordre régulièrement. Claude Gruffat, député européen français membre du groupe Les Verts.
Ce qui a été voté
Mardi 23 avril 2024, les 705 eurodéputés réunis pour la dernière session plénière avant les élections européennes de juin prochain se sont donc prononcés lors d'un vote final sur ces trois textes de refonte des règles fiscales de l'UE (le 1er a été adopté à 367 voix pour, 161 contre ; le second : 368 pour, 166 contre ; le troisième a reçu 359 voix pour, 166 contre).
Selon le communiqué final du Parlement européen, les nouvelles règles seront "plus claires, plus favorables aux investissements, mieux adaptées à chaque situation et plus flexibles".
D'un côté, il sera en effet plus compliqué pour la Commission européenne de déclencher une procédure contre un Etat-membre qui aurait un déficit excessif à cause d'investissements importants.
D'un autre côté, le retour des contraintes budgétaires est acté : si la dette d'un Etat-membre est supérieure à 90% du PIB, celui-ci devra la réduire en moyenne de 1% par an, et de 0,5% par an si cette dette représente entre 60% et 90% du PIB. En ce qui concerne le déficit public, si celui-ci excède les 3%, l'Etat-membre concerné devra le réduire jusqu'à atteindre 1,5% de déficit.
Ce nouveau Pacte est-il réalisable ?
C'est toute la question. De la bouche même du co-rapporteur qui a défendu ce texte auprès du Parlement européen, l'eurodéputé allemand du Parti populaire européen (PPE) Markus Ferber : "Les nouvelles règles ne pourront devenir un succès que si elles sont correctement mises en oeuvre par la Commission".
Du côté des eurodéputés qui se sont opposés à l'adoption de ces textes lors du vote, Claude Gruffat ne croit pas qu'il sera possible de le faire respecter.
On fixe des règles inapplicables dans une grande partie des pays de l'Union. On ne va quand même pas refaire à d'autres pays de l'Union ce qu'on a fait à la Grèce il y a une dizaine d'années ? Après, on se plaindra d'une explosion de l'europhobie partout. Claude Gruffat, député européen français membre du groupe Les Verts.
Après ce vote final du Parlement européen le 23 avril, le Conseil de l'UE qui réunit les Etats-membres doit encore formellement approuver ces textes, avant l'entrée en vigueur de ce nouveau Pacte de stabilité et de croissance prévue normalement pour le 1er janvier 2025.
Un entretien réalisé par Romain L'Hostis.