Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un trilogue politique ?
Alors le trilogue est une étape informelle mais indispensable du processus législatif européen. On trouvera le trilogue mentionné nulle part dans les traités de l’UE, mais aucune législation européenne est adopté sans passer par ce processus-là. La Commission propose un texte législatif, puis le Conseil et le Parlement se mettent d’accord, chacun de son côté d’un mandat de négociation. Pour trouver un compromis entre les différentes positions, les deux co-législateurs, aidés par la Commission qui agit en tant que facilitateur se retrouvent en trilogue.
Sur quoi porte cette réforme du système d’échange des quotas ?
Le système d’échange de quotas d’émissions couvre environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE provenant des secteurs de l’électricité, de l’industrie lourde et de l’aviation intra-européenne.
Le marché fonctionne selon un système de plafonnement et d’échange. Il y a un plafond absolu d’émissions dans les secteurs couverts, celui-ci s’abaisse chaque année. Les acteur·ices couverts peuvent acheter et vendre des quotas d’émissions sur le marché. Au printemps ils doivent restituer des quotas d’émissions pour couvrir leurs émissions de l’année passée (ils doivent donc en quelque sorte payer pour le droit d’émettre du gaz à effet de serre). Or, une grande partie des quotas sont aujourd’hui distribués à titre gratuit à l’industrie lourde et à l’aviation pour les protéger du risque de fuite de carbone, le risque que les industries se déplacent en dehors de l’UE pour échapper aux législations environnementales. Alors que le système met en quelque sorte un prix sur le carbone, ce prix n’est actuellement pas payé par tous.
La réforme vise donc notamment à progressivement supprimer les quotas gratuits pour l’aviation et de remplacer les quotas gratuits pour les secteurs de l’industrie lourde avec un mécanisme d’ajustement de carbone aux frontières. Elle vise aussi à inclure une partie du transport maritime dans le système et à créer un système d’échange de quotas parallèle pour les secteurs du transport et du bâtiment.
Sur quoi portent les discussions ce lundi 10 octobre?
Alors, c’est la première fois depuis la pause estivale que les politiciens se rencontrent pour discuter du système d’échange de quotas. Cette législation étant une législation clé du paquet « fit for 55 » et déterminante pour l’atteinte de l’objective climatique de l’UE de réduire ses émissions de 55 % en 2030.
C’est un texte législatif qui a suscité énormément d’interventions de la part de l’industrie lourde. Les négociations sont donc très sensibles et les positions assez figées. Les sujets sur lesquels il y a le plus de divergence entre les co-legislateur·ices sont les suivants :
- Premièrement la vitesse et la trajectoire de l’élimination des quotas gratuits pour l’industrie lourde.
- Deuxièmement, la réduction annuelle des émissions sous le plafond et l’ajustement ponctuelle du plafond global d'émissions dite changement de base.
- Et troisièmement le nouveau système d’échange de quotas pour les secteurs du transport et du bâtiment.
Ce lundi 10 octobre, tous les sujets sont sur la table. Les politicien·nes ont opté pour un échange très large sans se pencher sur un ou deux sujets en particulier où on pourrait trouver une convergence entre les positions. Les discussions se réduisent donc pour la majeure partie à la réaffirmation de chaque position sans avancée réelle sur le texte législatif.
Il ne semble pas que ça soit simple de se mettre d’accord, quelle sera la suite de ces négociations pour arriver à un compromis ?
Nous allons continuer à échanger au niveau technique et à essayer d’identifier des sujets sur lesquels un compromis semble possible. Le prochain trilogue politique est prévu pour le 10 novembre. Initialement, la Commission et le Conseil étaient soucieux de terminer les négociations avant la conférence climat des nations unies (COP27) en Egypte mi-novembre, mais en vue des avancées très limitées cela ne semble peu réaliste.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.