Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Aujourd’hui vous allez nous parler de la réforme du marché de l’électricité européen, quels sont les développements à Bruxelles ?
Après de nombreuses mesures d’intervention d’urgence adoptées au niveau européen en 2022, la Commission européenne a annoncé une réforme à long terme du marché de l’électricité. Attendue depuis l’automne de l’année dernière, la Commission a finalement lancé une consultation publique sur la réforme du marché de l’électricité la semaine dernière. Les parties intéressées et le public en général ont jusqu’au 13 février pour y répondre. Si vous voulez y participer vous pouvez vous rendre sur le site web «Have your Say». La Commission compte présenter ensuite une proposition législative en mars. La présidence tournante du Conseil européen, détenue pour les 5 prochains mois par la Suède a confirmé qu’elle traitera ce dossier en urgence. Nous pouvons donc nous attendre à une entente entre les États Membres sur le dossier avant l’été. Ladite Approche Générale du Conseil formera alors la position du conseil lors des discussions avec le Parlement en trilogue. Le Parlement quant à lui, a aussi promis de traiter le dossier rapidement. Ici encore, on peut s’attendre à un accord entre les partis politiques au sein du parlement avant l’été. Dans ce cas, on pourra s’attendre à une réforme adoptée encore en 2023, qui pourrait déjà rentrer en vigueur en 2024.
Et dans quelle direction va cette réforme ?
Alors, de nombreux états membres comme la France ou encore l’Espagne revendiquent un marché plus règlementé et plus prévisible pour les consommateurs et consommatrices. L’Espagne demande notamment le départ dudit principe de l’ordre de priorité. Pour rappel, ce principe assure que l’énergie la moins chère à la production (l’énergie renouvelable) soit utilisé en premier, avant de se tourner vers des technologies plus coûteuses. En effet, l’Espagne voudrait que les producteur·rices des énergies renouvelables aient des contrats fixes de vente, soit sous la forme d'accords d'achat d'électricité à long terme, soit sous la forme des contrats de différence.
Dans sa consultation publique, la Commission pose des questions ouvertes sur l’utilisation accrue des contrats à longue durée dans le marché. Elle ne propose pas pour autant un départ complet du principe de l’ordre de priorité. Au contraire, elle met l’accent sur l’utilité de maintenir les marchés spots dans lequel les énergies avec le moindre coût de production continueront à être appelés en premier et à faire des profits plus importants que les unités de production fossiles plus coûteuses.
Qu’en est-il des énergies renouvelables, est-ce que la réforme envisagée pourrait agir comme accélérateur ?
C’est un des points clé de cette réforme. Il s’agit de trouver une solution qui évitera des prix exorbitants pour les consommateurs et les consommatrices. Cela ne sera possible à long terme, que si l’on se défait des énergies fossiles importées (et notamment du gaz) qui ont été la cause de la hausse des prix. Cela ne serait possible qu’avec un déploiement massif et rapide des énergies renouvelables qui produisent de l’électricité à moindre coût. Or, le système existant est très favorable aux énergies renouvelables. En effet, le principe de l’ordre de priorité assure que les énergies renouvelables peuvent toujours vendre toute l’électricité qu’elles produisent. Le secteur des énergies renouvelables s’est montré plutôt réservé à l’idée de changer la logique du marché et de se voir imposer des contrats de longue durée. Il faut donc veiller à ne pas remplacer un système qui incite les investissements dans les renouvelables avec un système défavorable à celles-ci. Une idée très attractive de la Commission qui figure dans la consultation publique, est de mettre en place une garantie d’accès aux réseaux pour les énergies renouvelables en mer. Une telle garantie sera la bienvenue non seulement pour les énergies renouvelables en mer, mais pour toutes les énergies renouvelables.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.