Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Vous nous avez déjà parlé de la flambée des prix de l’énergie il a y quelques semaines. Qu’est ce qui s’est passé depuis au niveau européen pour trouver une solution ?
Oui alors à Bruxelles tout le monde est toujours à la recherche d’une solution miracle qui conviendrait à tous. Après plusieurs réunions des ministres à l’énergie, la Commission a soumis une nouvelle proposition aux pays européens le 18 octobre. Ce qu’il faut retenir à l’issue de cette réunion, sont plutôt les mesures qui n’y figuraient pas que celles qui y figuraient. Alors que plusieurs pays avaient avancé leur propre proposition pour un corridor de prix dynamique, la Commission s’est réservé le droit de proposer un mécanisme de contrôle des prix dans le futur sans aller jusqu’au bout cette fois ci.
Un tel mécanisme est, selon la Commission, une solution de dernier ressort. Elle n’a pas non plus retenue un plafonnement du prix de gaz servant à fixer le prix de l’électricité, un mécanisme réclamé par plusieurs pays et déjà mis en place en Espagne et au Portugal depuis plusieurs mois. Selon la Commission un tel mécanisme représentera des défis importants au niveau européen. Et surtout coutera très cher sans pour autant apporter une solution structurelle au problème. Ce seront des subventions fossiles massives car les états devront alors payer la différence entre le prix du marché et le prix plafond. Cela rendra donc le gaz artificiellement moins cher et donc l’électricité aussi, et pourrait alors contribuer à une hausse de la demande de gaz, la dernière chose qu’il nous faut en ce moment.
La Commission n’a pas non plus ordonné des économies en gaz obligatoire, comme beaucoup l’attendaient. Car la réduction de la demande reste le meilleur moyen de réduire les prix à l’importation. Par contre, elle a proposé de fortifier la plateforme pour l’achat de gaz commun. L’achat commun devrait rester volontaire sauf pour une partie du gaz nécessaire pour re-remplir les stockages à partir du printemps. En utilisant la force de son marché commun, et en éliminant la concurrence de prix entre ses entreprises d’importation de gaz l’UE espère obtenir des meilleurs prix à l’importation. La Commission a aussi proposé d’introduire un mécanisme pour réduire la volatilité dans les marchés intrajournaliers. À mon avis c’est une mesure utile qui contribue à la lutte contre la spéculation dans ce marché mais qui n’affecte qu’une petite partie des échanges gazières.
Et qu’est-ce que les pays européens en disent ?
Les chef·fes d’états et de gouvernement se sont réunis en en fin de semaine dernière pour donner une première évaluation de ces nouvelles propositions et pour donner des lignes directrices pour les négociations qui suivent. Le Conseil européen appelle les ministres de l’énergie et la Commission à prendre des nouvelles mesures d’urgence. Celles-ci ne devraient pas se limiter aux mesures proposés par la Commission mais aussi porter sur un corridor de prix dynamique et un plafonnement du prix de gaz à la production d’électricité. Ainsi qu’une accélération et la simplification des procédures d’octroi de permis afin de stimuler les déploiement des énergies renouvelables.
On peut donc constater un certain mécontentement de la part des chefs d’états et de gouvernement, que la Commission n’ait pas suivie la proposition faite par quelques états européens d’introduire des plafonnement des prix du gaz (tant à l’achat que pour la production de l’électricité). Ce sont notamment l’Allemagne et les Pays Bas qui s’opposent toujours à ce genre de mesure, mais ils font désormais face à une majorité dans le conseil qui veut voir un plafonnement des prix.
Alors d’après vous est-ce qu’un plafonnement des prix du gaz pourrait être une solution pour faire baisser les prix pour les consommateur·rices rapidement ?
Comme l’a dit le vice-président de la Commission Frans Timmermans, il n’y a pas de baguette magique qui pourrais faire du gaz cher, du gaz pas cher. Nous sommes dans cette situation dévastatrice pour nos citoyennes et nos citoyens et pour notre économie, parce que nous nous sommes rendus très vulnérables avec notre dépendance au gaz importé de la Russie. À mon avis, il faut à tout prix aider celles et ceux qui sont vraiment menacés par le froid dans les mois à venir mais de façon la plus ciblée possible et plutôt comme une compensation sociale. Nous ne devrions pas subventionner les entreprises gazières, nous devrions plutôt utiliser cette argent là pour investir dans des énergies propres et locales, et des économies d’énergies. Dit autrement, investir dans des technologies et des améliorations de nos bâtiments et nos processus de productions qui nous aident aussi dans le long terme à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, à la place de subventionner ceux / celles qui ont contribué à cette situation fâcheuse.
Chronique réalisée par Laurence Aubron.