Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
L’Europe fait face à une flambée des prix de l’électricité jamais vu depuis des décennies comment en est-on arrivé là ?
La flambée des prix de l’électricité est directement liée à la hausse des prix du gaz. Depuis près d’un an, les importations de gaz russe ont drastiquement chuté. La Russie instrumentalise la dépendance de l’Europe à ses énergie fossiles. Elle a déséquilibré l’offre et la demande.
Dans le système européen basé sur un ordre de priorité, le combustible le plus cher nécessaire pour satisfaire la demande, détermine le prix du gros de l’électricité. D’abord, viennent les technologies les moins chères, les énergies renouvelables, puis le nucléaire, puis commence les énergies fossiles. Aujourd’hui le prix de la production de l’électricité dans les centrales gazières est la plus chère et détermine donc le prix du gros de l’électricité. Toutes les autres technologies sont les technologies dites inframarginales.
Ce vendredi les ministres de l’énergie européen·nes se sont réunis pour trouver des solutions, quelles décisions ont écoulé de cette rencontre ?
Ce vendredi, les ministres ont discuté un règlement d’urgence proposé par la Commission européenne le 14 septembre. Ils se sont mis d’accord sur trois mesures :
- Premièrement une obligation deréduire la consommation d'électricité d'au moins 5 % pendant certaines heures de pointe. Et un objectif (non-contraignant) de réduire la demande globale d’électricité de 10 % d’ici mars 2023. Il est clair que le meilleur moyen de faire baisser les prix est la réduction de la demande. En baissant la consommation en heure de pointe, on peut éviter que le gaz soit utilisé pour la production d'électricité. Le prix de l'électricité pourrait donc être déterminé par une technologie moins chère. En plus l’efficacité énergétique continuera à créer des bénéfices après cette crise et contribue à la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.
- Deuxièmement un plafond temporaire de recettes pour les producteur·ices d'électricité «inframarginaux»
- Troisièmement une contribution de solidarité temporaire sur les bénéfices excédentaires générés par des activités dans les secteurs fossiles (pétrole, gaz, charbon et raffinage).
Ces deux mesures sont justes, elles redistribuent des bénéfices que les producteur·rices d’énergie ont réalisé largement, en excédents des recettes attendues. C’est une première en Europe de taxer des bénéfices excédentaires et peut-être une ouverture vers un système fiscal plus équilibré.
Ces mesures vont-elles faire baisser les prix de l’électricité pour les citoyennes et les citoyens ?
Si les états utilisent bien leurs recettes additionnelles, la charge pour les citoyennes et les citoyens pourrait être allégé. Il reste à espérer que les états vont effectivement acheminer l’argent perçu vers les consommatrices et consommateurs les plus vulnérables.
Ces mesures n’ont pas d’impacte directe sur le prix de l’électricité ou du gaz.
L’esprit d’une limite de prix globale, hante les débats bruxellois depuis des semaines. Ce mercredi 15 états membres, dont la France et l’Espagne, ont réclamé une limite sur les prix de gros du gaz. Or, d’autres états membres comme l’Allemagne et les Pays-Bas restent fermement opposé à une telle limite. La Commission européenne quant à elle ne fait que multiplier ses mises en garde contre une telle mesure.
Une limite stricte sur les prix des gaz pourrait-elle être la solution à cette crise ?
L’Europe est complètement dépendante des importations gazières. Soyons claire, nous sommes dans cette crise à cause de cette dépendance toxique aux importations des énergies fossiles, et non seulement du gaz mais aussi du pétrole. Comme la Russie a réussit à perpétrer un déséquilibre entre l’offre et la demande internationale, nous sommes obligés de payer des prix exorbitants pour attirer du gaz sur notre marché. Si nous mettons aujourd’hui un prix limite sur le gaz à l’importation, nous risquons de ne plus attirer assez de gaz et de faire face à une rupture d’approvisionnement.
Si les livreur·euses décident de ne plus vouloir nous vendre du gaz les états devraient alors payer la différence entre le prix limite et le prix marché. Ceci serait très cher et une subvention des énergies fossiles fausserai le marché. Une telle mesure irait complètement à l’encontre de nos efforts de lutte contre le changement climatique.
Quelle est donc la solution ?
Aujourd’hui l’énergie renouvelable est la moins chère à la production. Pour faire baisser le prix de gros, il faudrait donc rapidement et drastiquement augmenter la production d’électricité à partir des énergies renouvelables. Si la majeure partie de la demande en électricité est satisfaite par l’énergie renouvelable, le gaz ne pourrait plus affecter le prix de l’électricité.
Réduire la demande en énergie, est bien évidemment encore mieux, si nous consommons moins l’offre et la demande pourrait être rééquilibré. L’énergie la moins chère et la plus propre reste l’énergie que nous ne consommons pas.
Subventionner la consommation du gaz, chercher des nouveaux exportateurs gaziers pour satisfaire notre demande, ou encore construire des nouvelles infrastructures gazières ne va pas résoudre le problème de manière durable. Nous devons nous défaire de cette dépendance fossile et massivement investir dans le déploiement des énergies renouvelables locales.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.