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Lanceurs d’alerte : pourquoi la CJUE sanctionne plusieurs États membres ?

Photo de Tima Miroshnichenko - Pexels Lanceurs d’alerte : pourquoi la CJUE sanctionne plusieurs États membres ?
Photo de Tima Miroshnichenko - Pexels

Alice Collin est avocate au Barreau de Bruxelles, en droit public et européen. Après avoir étudié les sciences politique et le droit, elle s'est spécialisée en études européennes au Collège d'Europe à Bruges.

La Cour de justice de l'Union européenne a sanctionné plusieurs États membres, dont l'Allemagne et le Luxembourg, pour avoir tardé à transposer la directive européenne sur la protection des lanceurs d'alerte. Pour commencer, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est cette directive européenne sur les lanceurs d'alerte ?

Adoptée en 2019, cette directive vise à protéger les personnes qui signalent des violations du droit de l'Union dans des domaines comme la fiscalité, la protection des données, ou encore l'environnement. L'objectif est de leur offrir des canaux de signalement sûrs et de les protéger contre d'éventuelles représailles, comme des licenciements ou des déméritations. Tous les États membres devaient transposer ces règles dans leur droit national avant fin 2021.

Justement, pourquoi certains pays, comme l'Allemagne ou le Luxembourg, ont-ils été sanctionnés par la CJUE ?

Parce qu'ils ont pris du retard dans cette transposition. Par exemple, le Luxembourg n'a adopté sa loi que le 16 mai 2023, soit un an et demi après la date limite. L'Allemagne, quant à elle, n'a mis en place sa législation qu'en juillet 2023, et elle n'est toujours pas jugée pleinement conforme aux exigences européennes. C'est pourquoi la CJUE les a condamnés à payer des amendes : 375 000 euros pour le Luxembourg et 34 millions d'euros pour l'Allemagne.

Ces amendes sont-elles courantes ? Comment la CJUE détermine-t-elle le montant ?

Oui, la CJUE peut infliger des amendes aux États membres qui ne respectent pas leurs obligations européennes. Pour fixer les montants, elle prend en compte plusieurs critères, notamment la gravité de la violation, la durée du retard et le poids économique du pays concerné. C'est ainsi que l'Allemagne, étant la plus grande économie de l'UE, a été condamnée à une somme beaucoup plus importante que le Luxembourg.

Et concrètement, quelles sont les conséquences de ces retards sur les lanceurs d'alerte et la société en général ?

Le principal risque, c'est que sans ces protections, les lanceurs d'alerte hésitent à signaler des abus, par peur des représailles. Or, ces personnes jouent un rôle essentiel pour révéler des scandales, comme les "Panama Papers" ou les abus de Facebook sur les données personnelles. Si les protections ne sont pas en place, des fraudes ou des atteintes à l'environnement peuvent passer inaperçues plus longtemps, au détriment de l'intérêt général.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.