Eurominute d'Euan Walker

Visite du pape François en Hongrie – Appel de Jake Sullivan en faveur d'un New Green Deal mondial

AFP Visite du pape François en Hongrie – Appel de Jake Sullivan en faveur d'un New Green Deal mondial
AFP

Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris – PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en histoire et en sciences politiques de Durham University et de la Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

Cette semaine, Euan Walker et Laurence Aubron discutent de la visite du pape François en Hongrie et de l'appel de Jake Sullivan en faveur d'un New Green Deal mondial mené par les États-Unis.

Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, le Pape était en visite en Hongrie...

En effet, le 28 avril, le Pape est arrivé en Hongrie pour une visite de trois jours qui revêt une certaine importance diplomatique compte tenu de la prévalence de la foi catholique dans ce pays.Lors de son premier discours, le Pape a appelé le continent à "retrouver l'âme européenne" face à "l'infantilisme belliqueux" inapproprié en considération de la situation en Ukraine. Ceci est d'autant plus intéressant que Viktor Orban reste le seul dirigeant d'un État membre de l'UE qui refuse d'adopter une position ferme face à l'agression de la Russie. Étant donné de la conviction religieuse de la Hongrie, cet appel à l'action du chef de l'Église catholique pourrait en effet être plus efficace que les pressions exercées par d'autres États membres de l'UE sur Orban.

N'y a-t-il pas cependant un risque que ce message du Pape soit manipulé par Orban pour servir les objectifs de son propre parti ?

C'est là que réside la question - en effet, il est tout à fait probable que les communications du parti Fidesz rejettent la responsabilité de la perte de cette "âme européenne" sur les méfaits des pays d'Europe de l'Ouest. En fin de compte, les ramifications de ce discours peuvent dépendre d'une sorte d’ouïe sélective en Hongrie - alors que le pape a critiqué les actions de la Russie, il a également félicité la position de la Hongrie contre la soi-disant "idéologie du genre" - il reste à voir si le peuple hongrois prend le message du pape dans son intégralité, ou s’il ignore son appel au soutien Ukrainien pour se féliciter de son traditionalisme.

Côté géopolitique, Jake Sullivan a prononcé un discours sur l'importance diplomatique du Green New Deal américain...

Oui : le 28 avril, le Conseiller national à la Sécurité des États-Unis a prononcé un discours sur la stratégie économique américaine, tant au niveau national qu'international. Pour rappel, les États-Unis ont fait l'objet de nombreuses critiques de la part de l'Europe pour leur Inflation Reduction Act qui a fortement subventionné le développement de "technologies vertes" sur le sol américain et a ainsi menacé la compétitivité de l'Europe qui cherche également à affirmer son leadership dans ce domaine.

Quelles sont les grandes lignes du message à retenir de ce discours ?

Ce discours est intéressant d’abord parce qu'il justifie de manière inédite l'intervention de l'État dans le processus économique américain. Sullivan légitime cette nouvelle stratégie au nom de la défense de la classe moyenne et de la lutte contre la crise climatique. Ensuite, ce discours sert de manifeste pour un nouveau consensus de Washington consistant en une hégémonie américaine dans le développement de technologies vertes avec une hiérarchie de partenaires proches. Si l'on suit la logique de M. Sullivan, l'Europe aurait plus à gagner en s'alignant sur le leadership des États-Unis dans le domaine des technologies vertes qu'en cherchant à forger son propre leadership indépendant.

Comment interprétez-vous cette déclaration ?

Ce n’est pas vraiment une menace puisque la faisabilité de cette stratégie n'est pas à l'abri d'une remise en question. En effet, elle s’imbrique dans une stratégie économique qui semble difficile à imaginer. Voyez, l'influence de la Chine ne cesse de croître et un certain nombre de pays cherchent à forger leur propre voie indépendante en la matière. Le Chili, par exemple, a déjà nationalisé une partie de sa production de lithium, essentielle au développement de technologies propres. En ce qui concerne l'Europe elle-même, si cette relégation peut déplaire à certains, il se peut qu'en fin de compte nous la subissions plutôt que de l'accepter consciemment. Tant que le Green Deal Industrial Plan de l’UE continuera à diviser les dirigeants européens et, ce faisant, à ne pas rivaliser de manière adéquate avec la politique de Washington, l'ambition d'un leadership européen dans la refonte du commerce mondial semble difficile à envisager… Chers auditeur·rices, n'hésitez pas à vous abonner à la page LinkedIn "Europe Info Hebdo" pour retrouver ces analyses et bien d'autres sorties quotidiennement - à la semaine prochaine !

Entretien réalisé par Laurence Aubron.