L’artiste européen de cette semaine est Trupa Trupa, un groupe de rock et de post-punk originaire de la Pologne, qui mêle poésie et psychédélisme. Le quatuor a sorti 5 albums, que nous aurons l’occasion de découvrir un à un au cours de la semaine, en 5 chapitres.
Chapitre 1 : Si bémol, La
On commence tout de suite par découvrir leur album le plus récent, le 5ème donc, B FLAT A, sorti le 11 février dernier. Trupa Trupa est un groupe originaire de Gdańsk, une ville portuaire polonaise, proche de la mer Baltique, plus connue pour ses chantiers navals que sa scène musicale. Mais c’était avant que Trupa Trupa ne se forme en 2009.
Les membres du groupe, amis dans la vie, ont des personnalités marquées et bien différentes : on y trouve d’abord un poète, chanteur et guitariste : Grzegorz Kwiatkowski, un peintre à l’orgue et au clavier, Tomek Pawluczuk, d’un photographe de presse à la basse, Wojtek Juchniewicz, et d’un designer à la batterie Rafal Wojczal.
Avec leur 5ème album B Flat A, “Si bémol La” Trupa Trupa font honneur à leur marque de fabrique : ils confrontent le “mal” et explorent les vices de la nature humaine. Les paroles de leurs titres sont pleines de métaphores plus sombres les unes que les autres, pour mettre en lumière - entre autres- que la haine et les génocides ne font pas seulement partie de l'histoire lointaine de l’Europe, mais sont une réalité encore bien présente.
L’univers déjà bien dark du groupe c’est encore assombri pendant l’enregistrement de B Flat A, à cause de l’atmosphère pesante de la vie pendant le confinement. On l’entend très bien dans la furieuse track Uselessness.
Chapitre 2 : Un groupe polyphonique
Ce deuxième chapitre sera consacré aux sources d’inspiration diverses de Trupa Trupa. Et c’est au son de leur 4ème album, Of The Sun, salué par la critique un peu partout dans le monde à sa sortie en 2019. On écoute le groove psychédélique entraînant du morceau introductif de l’album : Dream About
A sa sortie en 2019, le single Dream About est le premier morceau que Trupa Trupa signe sur un label international, américain qui plus est : le mythique Sub Pop Records.
Tous les albums de Trupa Trupa, vous le verrez au cours de la semaine, sont marqués par une certaine absurdité et beaucoup d’humour dans les paroles des chansons, écrites par le poète et chanteur du groupe Gregorz Kwiatkowski. Ce sont notamment les origines polonaises des membres de Trupa Trupa qui inspirent leurs réflexions ironiques sur le monde, la Pologne étant un pays anciennement communiste, et le lieu du plus gros génocide de l’histoire… En interview, Gregorz affirme que ce sont leurs traumas qui leur permettent de créer un art unique. Il croit profondément au pouvoir thérapeutique de la création.
Leur source d’inspiration provient aussi de l’infinie diversité des personnalités respectives des membres de Trupa Trupa, qui compte, je le rappelle, un peintre, un designer, un poète, un reporter photo, et parmi eux, Rafal Wajczal construit même ses propres instruments de musique. Le terme de “groupe polyphonique” revient énormément dans la bouche des quatre rockeurs de Trupa Trupa en interview, pour désigner aussi bien leur musique, aux nombreuses voix, que leur processus créatif, qui inclus tous les membres de façon démocratique dans la prise de décision.
Chapitre 3 : L’absurdité macabre
Nous retrouvons le quatuor de rock et de post punk polonais Trupa Trupa. Aujourd’hui, nous partons à la découverte de leur album Jolly New Songs, sorti en 2017. Un album à la fois de rock psychédélique, de folk et de funk groovy, sur lequel on peut autant danser que tripper… On écoute tout de suite le morceau Coffin.
Mené par le poète et chanteur Grzegorz Kwiatkowski, Trupa Trupa tisse des rythmes énergiques portés par les riffs de guitare, les lignes de basse et les percussions, le tout saupoudré de paroles absurdes, dans Jolly New Songs. Coffin est une chanson d’amour morbide, qui prend la forme d’une balade pop. Gzegorz chante joyeusement qu’il est allongé dans un cercueil aux côtés de sa dulcinée, avant que le morceau ne prenne une toute autre tournure… bien plus brutale. Rien qu’un nom de groupe comme Trupa Trupa, qui se traduit par Cadavre Cadavre, laisse présager un goût pour les thèmes sombres et quelque peu macabres. Le génocide est le sujet principal de la poésie de Grzegorz Kwiatkowski. Par exemple, l’album Jolly New Songs, inclus la chanson Never Forget, qui dénonce les agissements des nazis en Pologne, sujet qui touche personnellement le chanteur/poète, dont le grand-père a été prisonnier des camps de concentration.
Chapitre 4 : Maux de tête
On poursuit notre escapade proche de la mer Baltique, à Gdansk en Pologne, guidé par Trupa Trupa, et leur album Headache sorti en 2015, sur les label Blue Tapes et X-Ray Records. Ça s'appelle Headache et ça pose bien les bases du mal de crâne avec ses sons dissonants et la voix nasillarde qui nous accueille dès le 1er morceau Snow.
C’est grâce à Headache, que Trupa Trupa a gagné en visibilité. L’un des plus éminents critiques musicaux à cette période à permis le succès du groupe en écrivant dans le Los Angeles Times que “l’un des meilleurs groupes de rock se trouve actuellement à Gdańsk en Pologne”, désignant Trupa Trupa bien sûr. Puis, au cours d’un voyage en Pologne, Stéphane Grégoire, le manageur du label français Ici, d’ailleurs, rencontre Trupa Trupa. Le groupe lui offre un exemplaire de l’album Headache, qu’il écoute dès son retour. Bluffé, épaté même, il fera écouter l’album à tous ses amis et à des professionnels de la musique, qui seront unanimes : il s’agit là de l’un des meilleurs albums de rock du moment. Car les quatre rockeurs de Trupa Trupa font ce qu’il y a de mieux en matière de rock : des compositions implacables et spontanées, des rythmes énergiques, dans un style psychédélique qui intéresse aussi parce qu'il explore les aspects les plus sombres de la condition humaine.
Chapitre 5 : Le son sacré
Notre découverte du groupe polonais de rock et de post punk Trupa Trupa touche à sa fin. Nous terminons notre périple déchronologique au fil de leurs albums à l’écoute de ++, sorti en 2013.
Cet album a été entièrement enregistré dans l’espace acoustique de la Nouvelle Synagogue de Gdańsk, la seule de la ville qui n’ai pas été détruite pendant la seconde guerre mondiale. Un lieu assez approprié pour un album qui fait de la mort et de l’existence humaine sa première préoccupation (comme la majorité des albums de Trupa Trupa).
++ est un album basé sur les meilleures traditions du rock psychédélique. L’idée d’utiliser la synagogue comme lieu d’enregistrement est doublement significative : l’enregistrement du son dans les conditions “naturelles” d’une grande salle de prière donne un son spatial, profond, agrémenté de réverbérations, et il s’intègre parfaitement à l’ambiance funéraire qu’instaure Trupa Trupa. On écoute le dernier morceau de l’album ++ , Exist, dont voici la version live :
Rendez-vous la semaine prochaine pour vous présenter un·e nouvel·le artiste européen·ne émergent·e…
Suzanne Gerles