Découvrez Odd Beholder, le projet musical de l’artiste suissesse Daniela Weinmann, basée à Zurich.
Chapitre 1 : Accept Nature
Odd Beholder aka Daniela Weinmann, a deux EP et deux albums à son actif depuis ses débuts en 2016. Elle décrit son univers musical comme “dark pop” : son parti pris est d’aborder des vérités déplaisantes concernant notre société.
C’est en septembre 2021 qu’elle a sorti son deuxième album, Sunny Bay, réalisé avec le musicien berlinois Douglas Greed. C'est donc l’occasion pour nous de se pencher sur sa musique. Sans plus attendre, on écoute le deuxième titre de Sunny Bay, Accept Nature :
Sunny Bay, à l’instar du 1er album d’Odd Beholder, All Reality Is Virtual, qui avait pour thème la digitalisation de notre société, est un album dans lequel Daniela Weinmann jette un regard désabusé sur la nature. Dans une ambiance musicale mélangeant électronica et art pop, les textes d’Odd Beholder invitent à la réflexion sur les changements de notre environnement.
Sur sa page Bandcamp, pour décrire le morceau Accept Nature, Odd Beholder dit qu’il évoque l’anxiété générée par des objectifs de travail et de productivité irréalistes, et souvent dénués de sens. Le protagoniste du morceau est dans une lutte entre le fait de devenir un membre fonctionnel de la main d'œuvre (qui implique qu'il doit s'intégrer à un environnement de travail fait pour un robot sans émotions) et le fait, justement, de rester fidèle à ses émotions. Une mission presque impossible, et destructrice sur le long terme, comme le dénonce Odd Beholder.
Chapitre 2 : All Reality Is Virtual
Nous remontons le temps en 2018, et écoutons le 1er album d’Odd Beholder : All reality Is Virtual, et son morceau éponyme.
All reality Is Virtual, comme son nom l’indique, est un album dans lequel Odd Beholder parle de la digitalisation du monde, et de l’aliénation qui en découle. Tout en electronica et en pop, Daniela Weinmann dénonce aussi bien la collection de nos data que les maux étranges de notre temps : la solitude, et le marketing de soi obsessionnel à travers les réseaux sociaux.
C’est une certaine déception vis à vis de l’évolution d’internet qui a inspiré Odd Beholder à créer All reality Is virtual. D’abord, elle a constaté recevoir une certaine pression de la part de son label, comme tout autre artiste, à poster quotidiennement du contenu intéressant sur les réseaux sociaux, pour maintenir une image publique pertinente, tout en la gardant “pseudo privée". Une autre pensée l’insupporte : savoir que nos données sont vendues à l’industrie du marketing, et que nous leur offrons littéralement du contenu gratuit, qu’ils peuvent utiliser à leur guise.
Chapitre 3 : Cinématiques musicales
Nous commençons à le comprendre, en découvrant Odd Beholder cette semaine, l’artiste a à cœur de partager ses réflexions sur le monde qui l’entoure en musique. Entres autres, l’environnement, la digitalisation du monde, l’aliénation des êtres humains dans le travail… sont ses sujets de prédilection dans ses albums.
Odd Beholder détient l’art et la manière de nous conter les déboirs de notre société, mais surtout, de créer de véritables cinématiques musicales. Elle le fait très bien dans son 1er EP, Lighting, le début de son travail musical, qui a eu lieu en 2016. On le découvre au son du titre Landscape Escape.
La cinématique que Daniela Weinmann nous invite à imaginer au son de cet EP est la suivante comme en indique sa description : “Tu es assis sur une caisse de bières, et tu regardes graviter les étoiles. Le monde est peut être en train de merder lentement mais ce constat ne t’amènera pas bien loin. Tu es un étudiant en échange pour la vie, tu te saoules au vin de serpent, hier encore tu marchais à pas lourds le long de la muraille de Chine sous le clair de lune.” Ce travail cinématique s’est vu complété d’un clip conceptuel pour le morceau Landscape Escape, qui a d’ailleurs reçu le prix “Best Swiss video clip”.
La plupart des chansons d'Odd Beholder possèdent la même esthétique, ce qui rend ses albums homogènes et permettent de s’y plonger pleinement, comme dans un film. On poursuit notre découverte de l’EP Lighting avec le morceau Out of office reply.
Chapitre 4 : L’état d’esprit créatif et collaboratif
Percussions minimalistes, synthé analogique et la voix angélique de Daniela Weinmann sont les ingrédients principaux de la recette Odd Beholder. En voici la preuve dans son morceau Lighting issu de l’EP du même nom.
Dans son processus créatif, Daniela Weinmann / Odd beholder ne perd pas de vue les sujets qui lui tiennent à cœur ; notamment, l’aliénation liée à la digitalisation de notre quotidien.
Et justement l’implication du virtuel dans la création de ses albums dérange la musicienne, elle a donc délaissé Ableton, son logiciel de mixage pour retourner à sa guitare. Ironiquement, elle a rencontré un producteur de musique, Martin Schenker, qui lui a présenté son travail, virtuel celui-ci, ils ont longtemps collaboré.
D'ailleurs, dans plusieurs interviews, Daniela Weinmann, mentionne l’importance de la collaboration dans son travail. C’est justement son goût pour la collaboration avec d’autres artistes qui l'a poussée à faire remixer l'entièreté de son 1er EP par plusieurs autres artistes. En a résulté un EP, Remixes, plein de chansons dancefloor friendly, assez loin de l’atmosphère habituellement rêveuse de ses albums. En voici un exemple :
Chapitre 5 : Portrait de femme privilégiée
Nous terminons la semaine là où nous l’avons commencée, à l’écoute du tout dernier album d'Odd Beholder, Sunny Bay, et plus précisément le morceau Transatlantic Flight.
Daniela Weinmann ne fait pas que constater les déboires du monde qui nous entoure, elle propose aussi des moyens de lutter. Elle choisi notamment de narrer Sunny Bay du point de vue qu’elle considère comme celui de la féminité toxique, la sienne, en tant que femme blanche privilégiée. Face à cette réalisation, Daniela considère devoir agir pour aider à libérer les personnes oppressées : elle le fait en ouvrant sa curiosité, en combattant les préjugés, et en donnant l’exemple d’une attitude d’écoute et d’apprentissage de l’autre empathique.
De ce point de vue, les paroles de son morceau Transatlantic Flight évoquent le voyage en avion d’un passager qui se rend compte de ses privilèges en cours de vol, mais aussi de l’impact de son trajet sur la nature.
Ainsi s'achève notre semaine consacrée à Odd Beholder, artiste suissesse sensible et engagée.
Pour écouter l’ensemble des chapitres de la semaine :
Rendez-vous la semaine prochaine pour vous présenter un·e nouvel·le artiste européen·ne émergent·e…
Suzanne Gerles