Artiste européen·ne de la semaine

Melenas (Pampelune) - Artiste européen.ne de la semaine

Melenas (Pampelune) - Artiste européen.ne de la semaine

Cette semaine, nous nous intéressons à Melenas !


Chapitre 1 : Nebula donne le LA


Tout commence dans les rues festives de Pampelune, réputées pour être un lieu de brassage du rock’n’roll ! Dans ces rues joyeuses, un bar : le Nébula, qui se veut le catalyseur de la scène locale. Mais également internationale : Pampelune étant à la frontière entre la France et l’Espagne, il est une halte fréquente des groupes allant jouer jusqu’au pays des conquistadors. Là-bas, au premier rang, plusieurs têtes et souvent les mêmes. C’est comme ça que se rencontrent en 2014 Oihana Herrera, Leire Zabala, Maria Zubiaur et Laura Torres. Les 4 femmes deviennent amies, unies par le premier rang de la fosse, l’amour du rock, mais aussi des chansons tristes.

Parmi leurs groupes préférés, on retrouve le groupe londonien Stereolab, les Pastels de Glasgow, les suisses du duo Grauzone et les espagnoles de Hinds. 

 Il ne leur a pas fallu longtemps avant de décider de passer ensemble de l’autre côté de la scène. Oihana prend la guitare et le micro, Leire la basse, Maria les claviers et synthétiseurs et Laura la batterie. Pour certaines, c’est une première, pour d’autres, c’est une continuité : 

Laura a joué dans le groupe rock Panty Pantera qui a sorti deux albums en 2013 et 2015.


Qu’elles aient déjà eu des expériences de scène ou non ne compte pas tant pour elles, au contraire ! En 2015, les femmes dans le milieu de la musique sont encore trop peu nombreuses ; attendre la permission pour jouer ? Un non franc pour Melenas ! Elles se saisissent de leurs instruments avec un message pour les autres musiciennes : “you can do it”! Elles écrivent, composent, puis envahissent les scènes locales et les festivals comme Primavera Sound en 2016. La scène, c’est leur milieu naturel : c’est de là qu’elles tirent l’énergie et l’inspiration. Le public bouge la tête au gré de la batterie et de leur univers… Il y a quelque chose dans l’air. 

Leur premier album éponyme autoproduit en 2017 sera très vite écoulé dans la région ! C’est un plaisir du rock indépendant : les synthés grondent, les guitares s’entrechoquent, la batterie tape comme l’adrénaline de la voix de Oihana.



Chapitre 2 : Melenas, c’est classe 


 Le groupe de rock se fait repérer dans l’année par plusieurs labels qui décident de le rééditer aussitôt et conjointement. L’album Melenas est reproduit par 3 labels:

 les basques de Elsa Records, les Catalans de Snap Clap Recs et les états-uniens de Trouble In Mind. Melenas, c’est la fusion entre la poésie de l’indie pop et une énergie garage. Les textes oscillent entre histoires personnelles et regard sur le monde.  Les voix légères chantent une mélancolie entraînante qu’on se surprend à fredonner c’est le cas avec le titre Una tras otra, “les unes après les autres”.



Parfois, cette mélancolie entraînante vire presque en une douce frénésie quand l’accompagnement rugit avec un punch libératoire. L’orgue garage ouvre le titre Tu me haces lo mismo, et nous embarque dans une danse décomplexée, le genre que l’on faisait dans nos chambres en revenant du lycée après une journée.. qu’on aurait préféré éviter : Oihana chante “ Dis-moi que tout va bien,que tu n'es plus en colère je sais j’ai mal agi mais dis-moi que tu as oublié.”



Des femmes dans le rock, et non du “rock de filles”, cette sous-catégorie misogyne qui laisse aux femmes dans le rock et la pop très peu de place, si ce n’est celle des chansons aux chagrins d’amours stéréotypés. Une image négative contre laquelle s’est battue Melenas à coup de guitares ; pari réussi pour ce premier album ! Un mot : la classe

On se quitte aujourd’hui sur le quai de la gare, duquel Oiaha chante le dernier titre de l’album Una Voz. Prendra-t-elle un train ou non ? Le suspens est total. 

Il fait l’effet d’un générique de fin clôturant l’happy-end d’un film feelgood. De quoi bien positiver dans la journée ! 



Chapitre 3 : Dias raros, l'électro pop c'est choc ! 


Après avoir abordé leurs débuts et leur premier album éponyme en 2017, je vous emmène aujourd’hui sur les pas de leur deuxième album, Dias raros. 

Mais avant ça, petit arrêt sur un single sorti en 2019 avec lequel elles nous ont fait patienter : “Ya no me Importa”, “je m’en fiche” en français. 

Melenas scande sur un rock garage :“Ya no me importa si vienes o te vas, Quieres volver a ganar, Ya no hay batalla, te concedo la paz”. En Français : “Je m’en fiche si tu viens ou si tu t’en vas, tu essayes de gagner mais je te le dis, il n’y a pas de bataille, je te souhaite la paix”. Des textes qui donnent le ton du prochain album : douceur, empouvoirement et voyage en intérieur ! 

Un petit rappel salvateur pour commencer sa journée du bon pied : vivez pour vous !



Leur deuxième album, Dias raros, ouvre leurs paysages sonores ; il est produit par le label de Chicago Trouble In the Mind, le label qui a fait de la curiosité à l’internationale sa signature. Si la deuxième sortie est souvent périlleuse pour les artistes, Melenas s’affirme et grandit. 

Énergie rock garage toujours au rendez-vous, cette fois avec des virages vers la dream électro pop plus marqués, se rapprochant d’univers comme celui du groupe Stereolab. Mélodie lumineuse, un vrai bain de soleil : La légèreté presque désabusée des accords se marie avec leur densité énergétique. Essayez de ne pas battre du pied sur le titre Primer Tiempo, aux rythmes d’orgue presque motorik ! La chanteuse, elle, tourne en rond, et se demande quoi faire, si elle va le regretter, si elle doit essayer ou non, ce que tu attends ou pas. On partage son énergie saccadée sur la musique de Primer Tiempo. 



Chapitre 4 : Dias raros, c’est aussi confiné 


Le deuxième album de Melenas, Dias Raros, Jours étranges en français, est sorti en 2020.

2020, ça vous dit quelque chose ? L’album sort en plein confinement. Ce qui pourrait être un hic pour certaines et certains, tombe finalement à pic pour d’autres ! Dias Raros interroge justement ces journées étranges, que l’on passe seul.e chez soi, à arpenter nos intérieurs d’habitats mais aussi d’émotions. A faire le point, à tourner en rond, à regarder par la fenêtre, ou juste dormir, si possible au soleil. 

Rien de tel alors que le confinement pour une écoute immersive!

Les retours sont nombreux, les auditrices et auditeurs leur écrivent pour les remercier ;  Dias Raros les a aidé à surmonter cette bulle. Dans le titre El tiempo ha pasado, “Le temps a passé”, fait l’effet d’une lente et mélancolique introspection énoncée à voix haute, dans laquelle la chanteuse se demande depuis son lit “allons-nous nous reparler ?



Parfois ces voyages avec soi créent l’ébullition ; il faut que ça sorte et avec énergie s’il vous plait ! Dans le titre No puedo pensar, la chanteuse lance une bouteille à la mer : “je pense tellement à toi et à rien d’autre, donne-moi quelque chose qui puisse me guérir!” 

S.O.S d’une terrienne en détresse sur une guitare quasi motorik, cette rythmique en 4/4 très énergique utilisée au début des années 2000 dans le Krautrock, un genre de rock allemand qui comprend les groupes Neu!Faust ou encore Can. On comprend pourquoi les auditrices et auditeurs s’y sont retrouvés.



Inspirations motorik que l’on retrouve un an plus tard, lorsque le groupe sort un nouveau single : il s’agit en fait d’une reprise du groupe suisse des années 1980 Grauzone, formé par Martin et Stephan Eicher.  Les 4 musiciennes reprennent en espagnol leur tube Eisbär, l’ours blanc, qu’elle traduise Osa Polar en espagnol, celui qui vivrait toujours en paix. Elles s'imprègnent du style krautrock allemand, en y ajoutant leur indie pop de fabrique. 



Ces sorties successives les font gratter non plus le premier rang de la fosse, mais le devant de la scène: elles prennent les routes européenne avec des festivals comme Primavera Sound à Madrid, Eurosonic ou la route du rock à Saint-Malo ; et s’autorisent de petits écarts comme.. New York, pour animer le show d’Ulla Jonhson à la fashion week. La même année, elles remportent les Music Moves Europe Talent Awards, un prix en 5 mots qui a vu passer avant elles Dua Lipa ou encore Rosalia

Des aventures et des rencontres qui laissent deviner ou espérer leur 3ème album, heureusement pour nous, sorti il y a tout juste quelques jours.


Chapitre 5 : Motorik, c’est chic 


Leur dernier album, Ahora, sorti il y a quelques jours et produit par le label Mushroom pillow, qui scande en slogan “In pop We trust”! 

Après avoir évité les pièges du 2ème album, Melenas reproduit la prouesse : Ahora est très inspiré, avec un paysage sonore toujours plus élargi. 

On y retrouve des sonorités Motorik -cette rythmique très énergique qui caractérise le krautrock, un genre de rock allemand dans lequel s’inscrit entre autre le groupe Neu!. Les titres s’installent alors dans la durée, ce que l’on retrouve dans Ahora, avec des titres entre 4 et 6 minutes. Les 4 musiciennes avaient pris ce tournant motorik avec le titre Osa Polar, une reprise  du tube de Grauzone  Eisbär sorti en 2021 qui fait avec le recul l’effet de bande-annonce de cet élargissement dans lesquels elles assument leurs différentes inspirations : Le rock-pop de Hinds et l’électro pop de Stereolab rencontrent le krautrock du groupe allemand Neu! Autrement dit, le garage rock et la dream pop des deux premiers albums se fusionnent avec des mélodies de synthé vintages et guitares Kraut, le tout en espagnol ! 

Plus que des mots, des paroles : Écoutons le titre “Bang”, dans lequel les musiciennes invitent à ne perdre aucun instant, El tiempo es nuestro !



Ne perdre aucun instant, c’est le message de cet album. 

Que faites-vous de votre présent ? Avec qui et comment le partagez-vous ? Par quoi sont guidées les micro décisions que vous faites  à chaque instant ? L’espoir, la peur, le courage ? Aimeriez-vous laisser plus de choses dans le passé ? Larguons les amarres et prenons un temps pour regarder nos vies depuis un espace-autre, celui des 10 titres de cet album. 

Cette invitation au recul, c’est aussi une invitation féministe ; en tant que groupe de femmes, elles dénoncent le fait de toujours devoir prouver plus, de résister à ces personnes qui cherchent à t’éloigner de ton chemin. 

Et si le question en chemin ne passe pas par la case travail, ce n’est pas forcément un mal : “Y si de trabajar lo mejor es no trabajar, paremos ya!” , “Et si dans le fait de travailler, le mieux est de ne pas travailler, arrêtons tout maintenant!”.



Un sacré programme ! Mais comme toute bonne chose s’équilibre, après le punch je vous propose de nous reposer sur un dernier extrait, celui du titre 1,000 canciones, à la rythmique PLUS douce et mélancolique. 



L’Artiste Européen.ne de la semaine dans cette semaine dédiée au groupe Melenas, c’est fini pour aujourd’hui, et pour cette semaine ! 

J’ai adoré vous parler depuis lundi de ce groupe de rock venu tout droit de l’Espagne. On espère que leur troisième album sorti il y a quelques jours annonce une longue route de production toujours plus percutante et affirmée. En tout cas, nous on les attendra à leur prochaine aventure, suivant la direction de leurs inspirations et de leurs virages ! 

Une émission proposée par Hannah Tesson.