Artiste européen·ne de la semaine

Célia Wa (PARIS) - Artiste européenne de la semaine

Célia Wa (PARIS) - Artiste européenne de la semaine

Cette semaine, nous nous intéressons à la guadeloupéenne Célia Wa.

  

Chapitre 1. Une artiste aux horizons musicaux variés

Célia Wa grandit à Paris jusqu'à ses 6 ans, âge auquel elle part vivre en Guadeloupe, d'où vient son père. Elle débute la musique là-bas, notamment le Ka - percussions guadeloupéennes - et la flûte traversière, son instrument de prédilection qui l’accompagne aujourd'hui sur toutes ses scènes. Elle est très vite initiée aux musiques traditionnelles afro-caribéennes comme le gwo ka et le kaladja, en intégrant l’École de musique Marcel Lollia du célèbre professeur Georges Troupé, saxophoniste et figure emblématique de la musique en Guadeloupe, notamment du gwoka moderne. A l'obtention de son bac, elle repart vivre à Paris. Là bas, elle délaisse un peu la musique et passionnée par la culture hip hop elle se dirige vers la danse, rejoint la compagnie Deepside et pousse la discipline jusqu'à en faire son métier. Entre 2007 et 2009 elle participe à la Comédie musicale "Kirikou et Karaba". A la suite de ce projet, elle retourne vers la musique, et intègre la réputée American Schooll of Moderne Music, une école de musique de haut niveau qui forme des professionnels dans tous les métiers de la musiques. 

C'est à Paris qu'elle élargi son horizon musical. Le hip hop bien sûr, puis le jazz, la salsa et le reggae, qu'elle ajoute à ses origines musicales guadeloupéennes et à sa flûte traversière. Elle s'inspire beaucoup des artistes comme Guy Conquête dans le milieu du gwo ka, Coltrane, Miles Davis et Billie Holiday dans le monde de jazz, Hiatus Kaiyote avec leur nu-soul australienne, et la chanteuse américaine Erykah Badu. Au fur et à mesures des années de pratiques artistiques, à explorer les traditions guadeloupéennes et la diversité musicale de la capitale, elle façonne une musique éclectique et riche. Une électro-soul teintée de jazz et de hip-hop, aux racines rythmiques caribéennes et à la voix créole.

Voici Pa Ka Lagué de Célia Wa, paru dans son EP Wastral en 2021. Cet EP marque un tournant dans la musique de la musicienne, qui donne une nouvelle place à l'électro dans sa musique. Elle le doit à Victor Vagh, qui avec sa production électro moderne et futuriste, sublime son travail artistique.

  

  

Chapitre 2. Des collaborations musicales aux résonnances antillaises

Durant sa carrière, Célia Wa a collaboré avec beaucoup d'artistes, qui se retrouvent sur la même scène musicale aux racines ou aux influences caribéennes. Elle travaille par exemple avec Erik Pedurand, un chanteur guadeloupéen qui propose une musique entre soul, gwo ka, jazz et reggae. Puis avec Freepon qui fait de la nu-soul créole, ou encore avec Tricia Evy une guadeloupéenne qui fait du jazz vocal. En 2012, elle monte Wa Electro Quartet, avec qui elle partage son univers « wacoustique » sur scène, aux côtés de Nicky Lars à la machine MPC, Livio Kancel à la basse et à la guitare et Yassin Kramdi au clavier. Ensemble ils présentent une musique électro-acoustique teintée d'influences hip hop, jazz, reggae et gwo ka. Elle poursuit le chemin du groove antillais avec Expéka Trio, toujours aux influences soul, jazz, hip hop et gwo ka. On retrouve Célia Wa à la voix et à la flûte, en compagnie du guadeloupéen Sonny Troupé aux percussion et à la batterie, et de la rappeuse martiniquaise Casey. En 2018 Célia Wa invite la DJ et beatmakeuse Karami sur son EP Adan on dot Soley, une expression guadeloupéenne signifiant « au revoir ». Cet EP réuni trois morceaux mêlant électro, rythmes gwo ka, voix créole et flûte jazz. Ensembles, elle créent un nouveau genre musical : le « karibfutusound », une électro au groove caribéen.

  

  

En 2020 elle collabore avec le DJ et multi-instrumentiste David Walters pour son album Soleil Kréyol sur le titre Lady. Et en janvier dernier, Célia Wa se retrouve aux côté du claviériste et saxophoniste français Laurent Bardaine et son quartet Tigre d'Eau Douce pour le single Jou en nou rivé.

 

  

Chapitre 3. Célia Wa, une voix aux origines musicales guadeloupéennes

Quoique née à Paris, Célia Wa a baigné dans la culture guadeloupéenne. Aujourd'hui, elle affirme beaucoup cette appartenance identitaire dans sa musique : elle prend comme base les rythmes traditionnels guadeloupéens et chante principalement en créole. Car pour Célia Wa, la musique lui a permis de s'assumer et d'affirmer son identité. 

Elle débute la musique en Guadeloupe, à 8 ans, et c'est à travers elle qu'elle se découvre. Elle débute la pratique musicale par le Ka, un des tambours principaux du Gwo Ka, un genre artistique traditionnel de Guadeloupe. Né durant la période de l'esclavage, il désigne un ensemble de rythmes, de chants et de danses. Le Gwo Ka est principalement joué avec des percussions, et accompagné de chants généralement gutturaux, et d'harmonies et de mélodies complexes. Célia Wa est donc très vite initié à cette musique, et fait sa première scène à 12 ans au sein du big band guadeloupéen « Kimbol ». Célia Wa préserve la pratique musicale du Gwo Ka, et s'en sert aujourd'hui comme base de son énergie musicale. 

Lorsqu'elle est en Guadeloupe, elle va souvent dans les Lewoz, des manifestations traditionnelles guadeloupéennes où se retrouvent musiciens, chanteurs et danseurs autour du Gwo Ka. De retour à Paris, elle découvre d'autres genres musicaux qui la façonneront, mais n'oublie pas pour autant son identité musicale guadeloupéenne. Elle fait aujourd'hui partie de cette nouvelle scène caribéenne, parfois appelée « groove caribéen », « néo-soul-carib » ou encore « néo-groove caribéen ».

  

  

Chapitre 4. Célia Wa, une parole musicale engagée pour la mémoire antillaise

Célia Wa affirme son identité guadeloupéenne à travers sa musique sa langue qu'est le créole, et ses textes. La musicienne hérite son militantisme de ses parents : son père était membre du parti communiste et sa mère de Lutte ouvrière. Enfant, il n'est pas rare qu'elle aille à des manifestations à Paris et en Guadeloupe. Que ce soit en créole ou en anglais, elle raconte un présent qui n'oublie pas le passé, elle porte la mémoire de ses origines. Elle souhaite corriger les clichés sur les cultures caribéennes, souvent très éxotisée et éloignée de la réalité. Son but est de conscientiser, ce qu'elle fait avec ses textes parfois revendicatifs, anticolonialistes et indépendantistes. Dans la chanson Pa Ka Lagué par exemple, paru dans son EP Wastral en 2021, elle parle d'Histoire, cette Histoire guadeloupéenne souvent tue mais pas oubliée, aux sons de luttes et de chaînes. « On lâche rien malgré l'histoire, malgré ce qui s'est passé » chante Célia Wa dans Pa Ka Lagué.

  

  

Célia Wa anime aussi l'émission "High Di Yo" sur la radio Fanfan Mizik en Seine-Saint-Denis, qui depuis 2009 diffuse de la musique avec beaucoup de diversité. Au sein de cette radio, Célia Wa fait découvrir les artistes afro-caribéens et partage sa culture qu'elle défend avec beaucoup de ferveur.

  

Chapitre 5. Le groove antillais, de retour sur les scènes actuelles

Longtemps, les musiques antillaises ont été méconnues. Mais grâce à diverses compilations récemment parues et à une nouvelle génération de musiciens, elles sont aujourd’hui au centre des attentions. On remarque en effet un mouvement d’intérêt pour ces musiques, et l'émergence d'une scène au groove caribéen, où le créole est la langue principale et les rythmes traditionnels antillais servent de base. Depuis quelques années, des compilations comme Disque La Rayé publiée chez Born Bad Records, Oté Maloya chez Strut Records vont sublimer le zouk, le boogaloo, le malooya, le gwoka et toute les musiques issues des Antilles. Le label parisien Heavenly Sweetness, sur lequel Célia Wa publie sa musique, s'inscrit également dans ce mouvement avec sonAntille Series, une série de compilations et best-of de grooves caribéens du second XXe siècle. On peut entre autre écouter le guadeloupéen Edmony Krater, le rock des Vikings de la Guadeloupe et Digital Zandoli, une compilation dédiée au funk et à la période pré-zouk. 

Ce regain d’intérêt donné aux scènes musicales antillaises, amène une nouvelle génération de musiciens et musiciennes à s'inscrire dans cette lignée, à affirmer leur héritage sonore en le mêlant aux sonorités plus mainstream. Célia Wa fait témoigne de ce nouvel élan, ainsi que le label Heavenly Sweetness, sur lequel elle est depuis 2020. Créé en 2007 par Antoine Rajone et Franck Descollonges, il est dabord spécialisé dans le jazz, puis s'ouvre à d'autres styles comme le funk et la soul, aisni qu'aux musiques afro-tropicales et antillaises. Un label aux grooves éclectiques, qui accompagne cette scène émergente appelée « néo-soul-caraib » ou « néo-groove caribéen ». Célia Wa s’épanouit sur ce label avec son électro-soul-jazz guadeloupéen, entourée de musiciens et musiciennes de talent qui rejoignent cette même scène. En effet, le label travail avec d'autres artistes du même univers musical que Célia Wa, comme Bonbon Vaudou, duo dansant au groove de la musique réunionnaise, le DJ et multi-instrumentiste David Walters avec qui elle a travaillé, le guadeloupéen percussionniste et trompettiste Edmony Krater et le maître des percussions guadeloupéennes Roger Raspail

Enfin, au sein de ce label la musicienne fera une rencontre déterminante pour sa carrière musicale, celle de Victor Vagh, qui avec sa production électro moderne et futuriste, sublime son travail acoustique.

 

  

Une émission proposée par Mari le Diraison.