Cette semaine, nous nous intéressons au munichois Florian Kreier, alias Angela Aux !
Flo vit à Munich et est musicien, chanteur, compositeur, parolier, poète, producteur mais aussi chercheur, directeur de festival, écrivain et rédacteur musical.
Un de ces parcours qui nous donne envie d’ouvrir grands les horizons.. Ou de se blottir dans son lit. Heureusement pour nos propres sentiments d’efficacité personnelle, certaines de ces casquettes ne se conjuguent qu’au passé. Ouf !
C’est parti pour une virée shopping au rayon couvre-chef en commençant par le poète.
Chapitre 1 : Ami.es de la poésie, bonsoir
Florian Kreier naît en 1983 dans le sud-ouest de la Haute Bavière.
Il fait des études en philosophie et littérature -qui a dit que cela menait nulle part ?-, qu’il clôture sobrement avec une thèse sur le groupe de rock Ton Steine Scherben, un des porte-drapeaux de la contre-culture berlinoise des années 1970 et 1980.
Un parcours activiste qu’il continue de nourrir en parallèle de la musique ; Il fonde en 2007 le festival Panamas Plus, qui connecte la politique, la musique, la poésie, le cinéma et les arts visuels, participe en 2020 à projet de recherche sur l’héritage des femmes dans la poésie, sort une nouvelle en 2021 ““Nach dem Ende der Zeit”” (après la fin du temps) et publie des poèmes sous le nom d’Heiner Hendrix - on verra que les pseudonymes, c’est plutôt son truc.
De même que l’écriture, vous l’aurez compris. Et comme la musique, c’est aussi de l’écriture, il n’a pas fallu pas longtemps avant que Flo s’y mette aussi. A 17 ans, à la fin des années 90, il chante et rap dans le groupe Sportsfreund ; 6 ans plus tard, il fonde le groupe egojazz. En dépit de multiples recherches, les tréfonds d’internet n’ont rien voulu partager : je n’ai trouvé aucune trace de ces groupes !
Alors accélérons un petit peu jusqu’en 2009, année où Flo devient… Angela Aux, et sort son premier album, le premier d’une longue suite de 8 ! Si Angela Aux est un personnage avec son propre univers, Flo prévient, c’est lui qui réalise la musique.
Un peu comme si Florian Kreier rencontrait réellement un personnage tout droit sorti de sa propre imagination. Fusion de deux univers donc, l’un imaginé, l’autre vécu. Le premier album d’Angela Aux, Common Space Incidents, se fait repérer par la blog Net Label Revue.
Angela surf sur une vague folk sixties et électro lo-fi, avec des paroles sur l’espace, le temps, les humains et les machines, inspirations qui se retrouvent dans ses écrits, toujours en anglais ! Un mélange sobre, efficace, lorsqu’on l’écoute, on se sent à la maison.
Il crée parfois des collages de son, comme c’est le cas dans le titre Walls of green. Derrière le décor forestier, Angela multiplie les échos de sa propre voix qui deviennent autant de compagnons de promenade.
Après la forêt, direction l’espace avec le titre Every kind of things. Un voyage plus électronique en apesanteur où l’on surprend les murmures des étoiles.
Chapitre 2 : Angela My Sister
Au total, Angela Aux sort 8 albums de 2009 à 2023 avec entre autres, Some Thoughts on Confusion en 2010, Whatever you guess it’s not en 2011 ou In love with your demons en 2019 avec le label Trikont.
Derrière une pochette de petites créatures trash mais très colorées, presque mignonnes, un mantra : démons contre démons, montre moi les tiens je te montrerais les miens.
Le titre Killer boy, il l’a écrit pendant une période sans sommeil, où il atteint le cap des 50 heures éveillé. Il se retrouve dans un état laborieux, seul face à ses exigences qui ne font alors plus sens. Angela pense alors aux “things I should have done, the thing I could have been“ et ce qui ressemble à un mauvais rêve, finalement tourne bien : "But instead, I’m ok”.
Le titre Things I should take care of soon, “choses dont je devrais m’occuper rapidement”, invite à lâcher-prise.
Qui n’a pas jamais eu ces listes de choses à faire qui se rallongent, rallongent, rallongent à une vitesse inquiétante ?
Parfois on les maudit.. Et parfois on les célèbre, quelle chance de prendre soin de soi, des gens qui nous entourent. Tant qu’elles ne deviennent pas des prisons ; une fois écrites, vidons nos boîtes crâniennes et laissons de la place au rêve !
Prenons nos vélos à remonter le temps, direction le dernier album d’Angela Aux sorti cette année, qui justement, roule sur la notion du temps : Instinctive travels on the paths of space and time, “voyages instinctifs sur les chemins de l’espace et du temps”, c’est le programme de ce dernier album, produit par le label de Florian Kreier, Inselgruppe.
Programme chargé, qui interroge le futur, la science, le passé, et nous, humains, à l’intérieur.
Une société dirigée par l’intelligence artificielle, ça vous semble d’actualité ? A quoi ressemblerait une conscience virtuelle ? Y-a-t-il dans des univers parallèles des super-intelligences qui vivent une éternelle ritournelle ? L’existence humaine serait-elle devenue… has been ?
Comme Emilie Jolie qui rencontrait en 1979 l'extraterrestre A440 vivant sur la planète FA à un million d'années lumières de notre petite terre, Angela Aux met en avant des personnages d’une galaxie dans laquelle se mêle technologies, robots, et émotions humaines ; le reflet peut-être de.. La nôtre?
Dans le titre Yesterday, Angela Aux reprend les codes d’une balade rock seventies/eighties, cette fois à propos l’histoire d’une petite machine triste, qui se fait rejeter par les humains pour ce qu’elle est : une machine.
Dans l’univers d’Angela Aux, les extra-terrestres mangent, et pas n’importe quoi, du Porridge ; On leur aurait quand même bien partagé nos plateaux de fromages et nos tartes aux pommes. Le titre Alien Porridge raconte ce repas partagé entre voisins intergalactiques.
Chapitre 3 : Un pour toustes et toustes pour un
Flo Kreier fonde Aloa Input en 2012, en prenant la basse et le micro, qu’il partage avec Marcus Grassl, lui à la guitare, et Christophe Beck, à la batterie. “Mélange exotique d’influences”, c’est le sens que donnent les trois musiciens à Aloa Input.
Leur style, un bricolage d’électro pop, les inscrit dans un petit courant musical que artistes concernés et critiques ont vite surnommé “New Weird Bavaria”. il s’agit d’un mélange de folk pop, de krautrock, de psychédélisme et de tropicalia-, et Aloa Input en est l’un des principaux ambassadeurs.
Le magazine Die Zeit est plus factuel, qui les nomme en novembre 2013 “le supergroupe de musique pop alternative munichoise”. Ils sortent 3 albums entre 2013 et 2021 : Anysome, le premier, Mars etc. le second, et Devil’s Diamond Memory Collection, le dernier.
Alors je vous propose qu’on écoute un échantillon équitable : un titre par album.
Qui laisse à voir les différentes ambiances du groupe !
Sous la pochette de forêt tropical de l’album Anysome, on retrouve une bulle de paix, de soleil et de sérénité. Dans le titre This must be the Age, on retrouve d’abord des arpèges légers de guitares en ritournelle, qui attirent au fur et à mesure une batterie douce, des sons style xylophone, et une voix qui fredonne “Oh I got old !”. Une prise d’âge accueillie avec bienveillance et célébration.
Le deuxième album d’Aloa Input, Mars etc., est illustré une pochette psychédélique rouge vive qui donne le ton.
Les mélodies se font et se défont, tissant un monde au dessus du sol.
Le titre Far away sun, nous donne l’impression de planer dans un festival joyeux. Les paroles se perdent dans les échos, comme si elles avaient toujours été en arrière-plan, derrière nous.
Passons à leur troisième album, sur lequel on retrouve l’illustration d’une maison bleue au milieu d’un bayou mystique : c’est la pochette de l’album Devil’s Diamond Memory Collection. Une ambiance moins lumineuse bercée par des sonorités électroniques et des collages sonores : on se croirait sur un monde qui n’existe pas encore.
Sur le titre Mellow the Sun (on reste sur le soleil aujourd’hui, moelleux cette fois-ci) Flo alterne entre paroles chantées et râpées : “I think I need a prison, to keep touch with my self, find a place in the corner, to stair the wall”; “je pense que j’ai besoin d’une prison, pour rester en contact avec moi-même, trouver une place dans un coin pour fixer le mur”. Ce monde qui n’existe pas encore, peut-être celui qu’ils construisent avec eux-mêmes ?
Je vous propose de finir ce chapitre avec un titre qu’Aloa Input a sorti il y a tout juste un mois, cette fois-ci en collaboration avec le groupe Takeshi’s Cashew -noix de cajou de Takeshi-, un groupe de cosmo funk viennois.
Le titre s’appelle 42 something et les deux groupes invitent “to go to another dimension”.
Chapitre 4 : Un pour toustes et toustes pour deux
Florian Kreier apprécie également les duos, dans lesquels il ne manque pas de laisser son empreinte de hippie-extraterrestre-futuriste.
D’abord avec le modeste LeRoy, un DJ et producteur allemand avec lequel il sort l’album Grain In Vain en 2017 et Es Gibt Dinge en 2022.
Puis Sam Irl, un producteur et ingénieur son viennois, avec lequel il forme Midnight Embassy : ils sortiront un EP éponyme en 2019
Commençons avec Leroy !
Leur premier album, Grain In Vain, produit par le label Schamoni en 2017, est à l’image de la pochette -une cassette audio- : une petite capsule temporelle emplie d’une nostalgie anachronique seventies style Beatles. Avec en plus, des guitares et sons parfois… Spatiaux ! Une folk étrange, parfois expérimentale.
Le titre Arbeitstitel est un des seuls titres chantés en allemand. Ma LV2 espagnol ne me permet pas de vous traduire les paroles !
Écoutez, la folk se marie ici à des guitares western 2.0 et… Des bruits de blasters, style Star Wars ?
Le deuxième album Es Gibt Dinge, est dans la même énergie : le premier titre de l’album Hippie Be I wanna, des mots secoués ou parfaitement placés pour les dyslexiques (il m’a fallu du temps pour comprendre que ce n’était pas le cas) annonce la couleur : hippie is the program. Mais pas n’importe quel hippie, un hippie 2.0 venu des Cévennes intergalactiques où l’on se prélasse au soleil, affichant fièrement à l’air nos 25 orteilles verts d’extraterrestres.
Changement de partenaire, allons voir du côté de Sam Irl, avec qui Florian Kreier forme le duo Midnight Embassy. L’ambassade de minuit vous accueille pendant 5 titres parsemés de quelques paroles et qui proposent une balade entre insomniaques sur des mirages qui n’appartiennent qu’à elleux, quelque part entre un reggae lunaire, une radio sur venus et une folk solaire.
Chapitre 5 : Des pièces et des films
Flo Kreier a produit la musique d’une dizaine de projets, allant du théâtre, au documentaire, en passant par des courts et longs métrages, des films grands publics à des films d’auteurices.
Rarement seul sur ces projets, il collabore souvent avec Cico Beck, alias Christoph Beck, ou Marcus Grassl, avec qui Florian forme le groupe Aloa Input.
Au théâtre, il a par exemple réalisé la musique pour la pièce Peter Pan avec Cico en 2015 à Munich et Roméo & Julia 4 fucking ever and ever à Augsburg avec Marcus Grassl en 2018.
Ces musiques ne sont malheureusement pas disponibles !
Pour ce chapitre, je vous propose qu’on se concentre sur deux films : About a girl, réalisé par Mark Monheim en 2014 et Gott, du kannst ein Arsch Sein, en français “Dieu tu peux être un âne”, traduit cependant par l’élégant Reste avec moi, lorsque les anglophones sont restés plus littéral avec le titre God, you’re such a prick!. Un film réalisé par André Erkau en 2021.
About a girl, raconte l’histoire de Charleen, une adolescente de 15 ans fan de Kurt Cobain, qui souffre de cet âge ingrat et décide d’y mettre fin. Heureusement, c’est un échec, ce qui lui laisse du temps pour découvrir le côté fun de la vie.
Pour son premier long, Mark Monheim choisit la comédie et un film grand public. Florian Kreier compose la musique avec Sebastien Pille, un compositeur de musique dont le CV compte à peu près… 80 projets, dont Le Labyrinthe du silence de Giulio Ricciarelli en 2014.
Les deux composent plusieurs titres dénudés, comme des portes d’entrées vers les pensées de Charleen.
Le titre Drop me off -dépose-moi-, est une douce folk sur lequel Flo chante :
“I wake up from a Nightmare, about me having a dream that won’t stop and I don’t wake up” ; “Drop me off, I don’t give a fuck” !. Une balade légère aux paroles qui le sont un peu moins :
“Je vais m'asseoir dans un trou et attendre de vieillir. Je vais juste regarder le ciel, voir les nuages passer, et les ami.es aussi. Mais je ne toucherais pas le sol, je n’irais nulle part” sont les paroles du titre Empire Song. Une approche encore timide de la vie accompagnée par des violons réconfortants. Courage Charleen !
Maintenant direction 2020, avec le film du réalisateur André Erkau Reste avec moi.
Déja connu en Allemagne pour les films Happy Burn-out en 2017 et Arnaque à l’amour en 2018, Erkau se lance avec ce film dans un film drame adolescent.
Le pitch : Steffi, 16 ans, vit une vie dorée et s’apprête à prendre son indépendance. Un bilan médical de routine met fin à son envol ; elle souffre d’un cancer incurable. Suffocant sous les inquiétudes de ses proches, Steffi décide de prendre le large vers Paris, bien décidée à goûter à la vie, accompagnée de… Steve, un total inconnu.
Flo compose la musique avec Michael Regner, qui a déjà travaillé pour plusieurs films, comme 303 de Hans Weingartner en 2019.
L’artiste européen de la semaine dans cette semaine dédié à Florien Kreier, c’est terminé pour aujourd’hui et pour cette semaine ! Une balade dans la galaxie, toujours un plaisir, alors celle dans l’univers cosmique made by Flo, encore plus !
Pour les chanceux.ses de passage en Allemagne, Angela Aux y est en tournée jusqu’au 18 décembre avec une date au Fat Cat à Munich, et quant à nous, on attend ses prochaines sorties anti-gravité !
On se retrouve la semaine prochaine dans l’Artiste Européen.ne de la semaine, à la découverte d’une ou un artiste ! Bonne journée et bon week-end sur Euradio !
Une émission proposée par Hannah Tesson.
