La guerre des étoiles

L'exploration spatiale dans le film Seul sur Mars

© ESA L'exploration spatiale dans le film Seul sur Mars
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Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons pour un autre épisode estival, sur la thématique de l’espace dans les œuvres de fiction. Après les bandes-dessinées d’Hergé, nous allons parler aujourd’hui d’un film de 2015, sorti en France sous le titre Seul sur Mars.

C’est le film avec Matt Damon, pour aider à se repérer !

Un acteur connu qui a sans doute contribué au succès critique et commercial du film. On parlait d’à quel point les BD d’Hergé publiées dans les années 50 étaient pertinentes et réalistes, peut-on en dire autant de Seul sur Mars ?

Vraiment pas ! On est diamétralement à l’opposé en termes de réalisme scientifique, même si le scénario se déroule en 2035 et que les technologies employées sont relativement crédibles.

Mais tout est invraisemblable dans le film, la transformation de carburant en eau, l’organisation en secret d’une mission de sauvetage dans le dos de l’administrateur de la NASA, le botaniste qui communique quasiment en temps réel par messages codés et modifie en bricolant un rover, une fusée… C’est très sympa à regarder, mais rien ne tient la route !

Le film est une adaptation d’un livre, parle de la survie sur Mars d’un homme seul et sans ressources suite à une mission scientifique d’exploration de la planète rouge. Est-ce que l’idée-même qu’on mènera des missions d’exploration et de colonisation de Mars en 2035 est réaliste ?

D’exploration, peut-être, de colonisation ça semble ambitieux. Déjà il faut comprendre que si on appelle Mars la planète rouge en opposition à la Terre qui est la planète bleue, c’est parce que Mars a une surface couverte de fer oxydé, c’est comme si la planète avait une carapace rouillée. Et ça montre une chose essentielle, c’est que contrairement à la Terre, Mars n’a pas d’atmosphère respirable, ni filtrante efficace. Et ça, c’est lié au fait que Mars a un champ magnétique, donc émis par le noyau des planètes, qui est devenu inexistant, donc Mars n’est pas protégée des vents solaires, et donc son atmosphère a été détruite.

Ça sous-entend que Mars a eu un champ magnétique et une atmosphère.

Oui, jusqu’à il y a environ 3.8 milliards d’années (et Mars a été formée il y a 4.6 milliards d’années, pour référence), Mars avait un champ magnétique, et donc une atmosphère. Mais le refroidissement de la planète a ralenti et détruit sa protection, c’est un phénomène qui affecte en premier les petites planètes, et qui affecte la Terre, mais beaucoup plus lentement.

Donc Mars n’est plus habitable aujourd’hui, mais l’a été.

C’est une hypothèse explorée par la communauté scientifique, et c’est la question qui justifie une exploration plus poussée de Mars. Des hommes comme Elon Musk rêvent de la coloniser, mais ça semble peu probable qu’on puisse la terraformer, donc y vivre serait d’une complexité énorme parce que les explorateurs ou colons martiens seraient, comme dans le film, dépendants de ravitaillements terrestres. Et contrairement à la Lune, le trajet entre Mars et la Terre est très long : neuf mois pour y aller, trois ans pour en revenir, on pourrait peut-être réduire ça dans les prochaines décennies, mais pas assez pour faire la navette toutes les semaines entre les deux planètes, ça c’est certain.

Est-ce qu’il y a quand même un élément du film qui est réaliste, ou a minima crédible ?

La coopération internationale dans l’adversité. Comme dans les années 2020s que nous vivons, les années 2030s du film opposent deux superpuissances, la Chine et les Etats-Unis. Et face aux difficultés des Américains à aider leur astronaute isolé sur Mars, la Chine propose d’aider la NASA en envoyant un ravitaillement grâce à un lanceur qu’ils développaient en secret. C’est crédible, parce que malgré les horreurs dont l’humanité est capable –il faut le dire, surtout en ce moment–, le grand inconnu et la solitude de l’espace a tendance à transcender l’imaginaire et la perception collectifs ; dont il est tout à fait imaginable que la Chine serait prête à perdre un avantage stratégique pour porter assistance à un astronaute américain. Et c’est sans compter le boost de popularité à l’échelle internationale que ça apporterait de toute façon, ce ne serait pas qu’un geste altruiste.

Au moins un point positif, l’idée d’une coopération entre rivaux !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.