Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine Le Brun, vous êtes experte en territoires intelligents au sein du groupe Onepoint et cette semaine, nous allons aller naviguer du coté de Dublin, dont le programme de smart city a adressé un sujet peu commun : les bouées de sauvetage. Racontez-nous un peu de quoi il retourne…
En effet Laurence, depuis 2018, il existe à Dublin une initiative qui s’appelle Smart Docklands. Elle a lancé de nombreux projets avec pour ambition d’explorer et de promouvoir le potentiel des nouvelles technologies et des équipements connectés. Et tout cela se passe dans le quartier des Docklands, sur les bords de la rivière Liffey. Les projets portent aussi bien sur des applications de monitoring de la rivière et de ses abords, d’étude de la biodiversité, mais aussi sur la prévention et la sécurité.
Et il y avait donc un sujet de fond sur les bouées de sauvetage ?
C’est le moins qu’on puisse dire, et les chiffres annoncés à propos du constat de départ donnent à réfléchir : chaque semaine, à Dublin, une quinzaine de bouées de sauvetage disparaissent… ce qui fait 600 unités à remplacer à l’année, pour un cout de 20 000 € environ. Et bien sur il faut aussi prendre en compte le risque potentiel que cela représente si une bouée vient à manquer justement sur le lieu d’un accident. Jusqu’ici le repérage des équipements manquants était très artisanal, car il se faisait à travers des tournées périodiques, au cours desquelles les agents en faisaient un inventaire régulier, en mode papier/crayon.
On fait donc appel à la technologie pour tenter de remédier au problème ?
C’est là que Smart Docklands a souhaité tester comment on pouvait améliorer, en temps réel, le monitoring de ces équipements de secours, grâce à l’IoT et aux technologies de communication de type LPWAN (pour Low Powered Wide Area Network). L’enjeu est de limiter les vérifications manuelles et surtout d’être averti immédiatement d’un vol ou d’une détérioration, de le localiser et de permettre un remplacement plus rapide, là où jusqu’ici il pouvait prendre jusqu’à 4 semaines.
Et pouvez vous nous en dire un peu plus sur les technologies qui ont été choisies pour le projet ?
Les réseaux sans fil LPWAN sont particulièrement adaptés à l’envoi de faibles volumes de données et à bas débit. Concrètement, c’est l’un des 3 opérateurs de téléphonie en Irlande qui est derrière, ce qui permet d’adosser le projet à un réseau fiable et de profiter de son assistance si nécessaire.
Pour récupérer les données, 150 capteurs ont été installés sur les emplacements de bouées le long de la rivière Liffey et des canaux. Plusieurs fois par jour, ils envoient de tout petits messages, enfin si tout se passe bien. De leur coté, les autorités, elles, disposent d’une carte qui repère et affiche l’état des bouées. Si à un moment donné les capteurs n’envoient plus de message, ou si le message indique une anomalie, c’est qu’il y a un problème. Un email est alors envoyé à l’équipe de sécurité, une pastille rouge s’allume sur la carte pour le signaler et elle le restera tant que le problème n’est pas résolu. Ce n’est pas du vrai temps réel, mais par rapport au fait d’attendre que quelqu’un fasse sa tournée de vérification, c’est déjà énorme !
L’autre aspect du projet est que les capteurs choisis devaient avoir un faible coût car les bouées ne sont pas elles-mêmes un équipement couteux. Et qui plus est, à la vitesse à laquelle elles disparaissent, pas question de mettre en place des capteurs de plusieurs dizaines d’euros ! Mais vu la faible quantité d’information utile à transmettre, ce n’était pas si compliqué non plus à trouver.
Et le projet ne se limite pas à Dublin, il est également réplicable à l’échelle du pays entier ?
Tout à fait. Entre ses rivières et toute sa façade maritime, l’Irlande est naturellement un pays où le sujet est présent à peu près partout. Le projet a donc dès le début été pensé pour pouvoir être dupliqué. L’initiative de Dublin a servi un peu de coup d’essai. Elle a été suivie de près par d’autres collectivités, dont 8 avec un vrai projet derrière et elle est en cours d’étude pour un déploiement à une bien plus large échelle, ce qui permettra de mutualiser les expériences, d’accélérer la mise en œuvre, voire même de mutualiser les coûts.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.