Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Le remplacement de Sanna Marin, ancienne première ministre de la Finlande. Suite aux élections, son parti, le parti social-démocrate finlandais, est arrivé en troisième position après le parti d’extrême droite et le centre droit, malgré l’amélioration de son score lors des élections de 2019. Rien n’est encore joué, car Petteri Orpo, le futur premier ministre, pourrait s’allier encore au SDP plutôt qu’à l’extrême droite.
Il s’agit d’une véritable série de revers électoraux pour les Socialistes et Démocrates du Parlement européen. Il y a eu le cas de l’Estonie et de la Suède, n’est ce pas ?
Tout à fait. Le parti social-démocrate d’Estonie est arrivé en 5 position en mars. Quant à la Suède profondément socialiste, elle a vu son poste de premier ministre au bras du parti libéral-conservateur modéré. D’ailleurs, il ne faut pas oublier le cas de l’Italie, puisqu’à présent, elle s’est lié d’amitié avec la coalition tripartite de droite et d’extrême droite. Sans omettre la France, avec la défaite historique du Parti socialiste.
Que signifie ce glissement progressif vers la droite et l’extrême droite pour l’Union européenne ?
Cela signifie que l’orientation politique de l’Union européenne va changer puisque sur les 27 états membres, les socialistes ne possèdent que 5 chefs de gouvernement. Ainsi, le Conseil européen se penchera davantage sur les questions économiques, sociales et environnementales, et sur les questions de sécurité, dont notamment la réponse à la guerre en Ukraine.
Donc, Sanna Marin ne verra pas son mandat prolongé à cause de la montée de la droite et de l’extrême droite ?
Parfaitement. D’ailleurs, Iratxe Garcia, leader du groupe Socialiste et Démocrate au Parlement européen, évalue positivement le mandat de Sanna Marin par les citoyens et ajoute que : « la montée de la droite et de l'extrême droite est un sujet de préoccupation ».
Vous parlez des citoyens, mais Sanna Marin était également très controversée.
C’est tout à fait vrai. Cette femme de 37 ans, très moderne, appelée parfois « première ministre rock star », divise la Finlande. L’origine des nombreuses attaques sexistes fut une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, où l'on aperçoit la dirigeante danser et boire avec ses amis, lors d’une soirée privée. Rien de choquant ou d’illégal, pourtant, ses opposants de droite ont réagi tout de suite, et ont réclamés un test antidrogue. Sanna Marin, s’est prêtée à ce test qui s’est révélé négatif, et ajouté ces mots : "Je suis un être humain. J’aspire aussi parfois à la joie, à la lumière et au plaisir au milieu de ces nuages sombres."
Il me semble que la polémique s’est renforcée cet été là, non ?
Exactement. La publication d’une photo de deux femmes qui ont soulevé leur haut lors d’une fête organisée à la résidence officielle de la première ministre, a déclenché des excuses publiques. Néanmoins, les sondages ont été sans appel, puisque 42% des Finlandais disent que : « leur opinion s'est détériorée sur leur Première ministre à la suite de l’affaire ». Toutefois, elle va recevoir un soutien énorme. Le hashtag #SolidarityWithSanna vit le jour, et avec lui, le soutien des femmes qui dansent pour dénoncer ces critiques jugées sexistes.
Comme l’ex-première dame des États-Unis Hillary Clinton ?
Le soutien apporté a dépassé les frontières de la Finlande, et Hillary Clinton, a également publié une photo de sa personne, en train de danser dans un café en Colombie. Elle a écrit ce petit message adressé à Sanna Marin : "Me voici à Carthagène lorsque j'y étais pour une réunion en tant que secrétaire d’État, continue à danser Sanna Marin". Une autre photo déclenchera une nouvelle polémique, celle où la première ministre a fait la couverture d’un magazine de mode, avec un costume sans rien en dessous, mis à part un collier. Là également, de multiples soutiens d’hommes et de femmes ont surgi des réseaux sociaux pour contester le sexisme.
Pourtant, Sanna Marin a beaucoup apporté à la Finance et l’a dirigé dignement.
Et oui, mais son surnom « Sanna la fête » efface malheureusement sa réputation de « première ministre compétente et sérieuse ». Alors, qu’il ne faut pas oublier, qu’elle a mené la Finlande sur les chemins de l’OTAN, qu’elle était âgée de 34 ans, faisant d’elle la plus jeune cheffe du gouvernement mais également du monde. Sans omettre que chacun des 5 partis représentés au gouvernement est dirigé par une femme, dont 4 ont moins de 35 ans.
Et que va-t-elle faire maintenant ?
Elle a annoncé qu’elle allait quitter la tête du parti pour redevenir une simple députée. Mais j’aimerais mettre en exergue les mots qu’elle a prononcés durant son discours. Elle a confié "avoir vécu des moments exceptionnellement difficiles", et que sa propre endurance a été mise à l’épreuve durant ces années . Et j’ai trouvé cela incroyablement puissant de révéler sa vulnérabilité, et la difficulté d’allier vie privé et professionnelle, également en tant que femme. Et je me suis posée de nombreuses questions. Quel est le rôle des réseaux sociaux dans cette difficulté, et dans le sexisme en général ? Les femmes ayant du pouvoir parviennent t-elles à dénoncer davantage ces faits, étant donné qu’elles sont de plus en plus nombreuses ? Et la dernière question : comment les citoyens et les citoyennes auraient réagi si cela avait été un homme ? Lui aurait on demander d’effectuer un dépistage ?
Un mot pour la fin ?
Il n’y a pas de différence entre le pronom personnel féminin et masculin en finnois. Mais ne pensez pas que si la langue de fait pas la différence, il en va de même pour les mentalités, y compris pour les personnes au pouvoir.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.