Chaque semaine, Perspective Europe, l'association du master Affaires européennes de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne sur euradio avec Quoi de neuf à Bruxelles ?
Alors Anaëlle, dites-moi : quoi de neuf en Europe ?
Le 14 novembre, les États membres et le Parlement européen se sont réunis afin de discuter de la directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique proposée par la Commission en mars 2022.
Que contient cette directive ?
Les mesures phares de ce texte sont l’interdiction des mariages forcés et des mutilations génitales féminines, ainsi qu’une réglementation plus stricte en rapport avec le harcèlement sexuel et la stérilisation forcée. L’objectif est d’harmoniser les législations européennes afin de mieux lutter contre les violences faites aux femmes.
Cela parait être un beau projet, pourtant il fait polémique, pourquoi ?
Si la directive recueille un avis favorable de la part de la majorité, la définition commune du viol, elle, constitue un point de discorde entre les Etats-membres. Parmi les Etats-membres, la France, la Hongrie et la Pologne affirment que la question du viol relève du droit pénal national et qu’elle est donc hors du champ de compétence de l'Union européenne. Au contraire, la Belgique, l’Italie et l’Espagne se déclarent en valeur d’une définition commune, considérée comme nécessaire et urgente.
Quelle pourrait être cette définition commune ?
La Commission propose une définition basée sur l’absence de consentement dans un rapport sexuel. Une définition stricte qui ne plait pas en France, où est considéré comme un viol un acte sexuel commis sur une personne sous la menace, la contrainte, la surprise et la violence.
Ce n’est pas la seule actualité qui fait polémique cette semaine, n’est-ce pas ?
Tout à fait ! Les Etats-membres n’ont pas réussi à fédérer une majorité qualifiée pour autoriser le glyphosate ou mettre en place son interdiction, ce jeudi 16 novembre. La décision est donc revenue à la Commission européenne, qui a annoncé reconduire l’autorisation du glyphosate pour dix ans de plus.
Le glyphosate est-il un produit dangereux ?
C’est exactement ce qui fait débat. Le rapport scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments paru en juillet, affirme que le niveau de risque sanitaire du glyphosate n’est pas assez haut pour justifier son interdiction. Pourtant, la substance a été classée comme “cancérogène probable” par l’OMS en 2015.
La Commission invite tout de même les Etats-membres à interdire l’utilisation de glyphosate dans les “zones sensibles” comme les espaces publics (parcs, terrains de sport, cours d’école) et les alentours des établissements de santé. En effet, les Etats-membres restent responsables des restrictions ou autorisations nationales des produits phytosanitaires et peuvent juger un encadrement strict de leur utilisation nécessaire.
Y a-t-il de bonnes nouvelles cette semaine en Europe ?
Oui Laurence je vous rassure. Le Parlement européen a pris la décision de lever l’immunité parlementaire de quatre eurodéputés conservateurs polonais. Deux membres du PiS, Beata Mazurek et Tomasz Poreba, et deux partisans de Pologne souveraine, Beata Kempa et Patryk Jaki, sont concernés.
Pourquoi une telle décision ?
En 2021, Rafal Gawel, fondateur de l’ONG polonaise Observatoire des comportements racistes et xénophobes, porte plainte contre ces quatre politiciens pour incitation à la haine. L’affaire concerne le partage sur les réseaux sociaux d’un clip de campagne du parti ultraconservateur, datant de 2018, qui dénonçait la politique migratoire menée à l’époque. Le tribunal de Varsovie, reconnaissant l’accusation comme fondée, a transféré l’affaire à Bruxelles, devant la commission des affaires juridiques du Parlement européen.
Que va-t-il donc se passer maintenant que leur immunité a été levée ?
Les quatre eurodéputés disposent de deux mois pour faire appel de cette décision auprès de la Cour de justice de l’Union européenne avant le retour de l’affaire en Pologne.
En parlant d’immigration, la Commission européenne a lancé une plateforme pour mettre en relation les migrants et les offres d’emploi. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le sujet ?
Oui, la Commission joue les cupidons en créant un véritable « Tinder pour l’emploi » selon les mots de la commissaire européenne aux Affaires intérieures. L’objectif du projet est de mettre en relation des migrants en recherche d'emploi et des opportunités de travail au sein de l'UE. Ylva Johansson a présenté l’initiative comme un moyen de pallier la pénurie de main-d'œuvre dans l'Union européenne.
Comment cela fonctionnera-t-il ?
La plateforme, inspirée du dispositif EURES déjà existant et destiné aux travailleurs européens, permettra aux migrants de trouver des postes vacants correspondant à leurs compétences et qualifications. La participation des États-membres sera facultative, mais la Commission prévoit des mesures incitatives pour encourager leur adhésion à ce nouveau système. Par exemple, des formations professionnelles destinées aux migrants en recherche d’emploi seront entièrement financées par l’Union.
Pourquoi est-ce nécessaire ?
Cette proposition fait écho à une demande spécifique des Etats-membres envers les institutions afin d’empêcher les pénuries de main d'œuvre. L’Union européenne aura besoin de sept millions de travailleurs supplémentaires d'ici la fin du siècle, et tente donc de trouver une réponse à cette problématique croissante.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.