« Quoi de neuf à Bruxelles ? », c’est le nom que porte la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe sur euradio. Les étudiants du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux se sont donnés pour mission de décoder pour vous, chers auditeurs, l’actualité institutionnelle européenne.
Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Thomas Vieuille. Thomas, dites-moi : Quoi de neuf à Bruxelles ?
Ce qui a occupé une grande partie du personnel diplomatique de l’Union Européenne cette semaine, ce sont les rendez-vous de la Communauté Politique Européenne. Des sommets somme toute informels où se retrouvent les représentants de l’Union et au-delà. Cela a commencé à Kyiv en début de semaine dernière, avec la venue de Joseph Borrell, haut-représentant aux affaires étrangères de l’Union, et les ministres représentants une quarantaine d’Etats Européens.
Et de quoi ont-ils parlé durant ces quelques jours dans la capitale ukrainienne ?
Il s’agissait pour les Etats Européens de montrer une unité autour du conflit ukrainien, de rassurer sur les aides apportées, et surtout de démentir les annonces de « lassitude » vis-à-vis du conflit brandi par Vladimir Poutine, qui compte sur un arrêt progressif du support des Etats européens à l’Ukraine.
Mission accomplie ?
Le résultat est en demi-teinte. En effet, la suspension de l’aide américaine à la suite de dissensions outre-manche sur le budget, a éclipsé pas mal de l’optimisme de Joseph Borrel. Également, la récente élection d’un candidat opposé au soutien à l’Ukraine en Slovaquie, qui s’ajoute à la suspension de livraison d’armes de la part de certains pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne, bat en brèche le discours unitaire porté par le représentant de l’Union Européenne.
Toutefois Vlodomyr Zelensky s’est félicité à l’issue de la réunion d’avoir obtenu de nouveaux accords pour la livraison de systèmes anti-aériens, tout n’est pas perdu donc.
Et ce n’était donc pas le seul événement à l’agenda de cette Communauté Politique Européenne cette semaine ?
Exactement, le 5 octobre ce sont les chefs d’Etats et de gouvernements qui se sont retrouvés à Grenade, en Andalousie, avec un résultat très mitigé là encore et des absences remarquées. Impossible de discuter du conflit en cours dans le Haut-Karabagh, qui aurait pourtant pu être au centre des discussions, puisque le président de l’Azerbaïdjan a choisi d’annuler sa venue, prétextant un sentiment « Anti-Azerbaidjanais ». Son proche allié, le président Erdogan, a également annulé sa venue, laissant peu de marge de manœuvre sur la question. Les représentants des institutions européennes ont toutefois pu discuter avec l’Arménie et quelques chefs d’Etats présents de la question, mais sans la partie adverse donc.
Le président a t-il annulé pour la même raison que son homologue Azerbaidjanais ?
Non, officiellement c’est à cause d’un rhume, toutefois il est peu dire qu’Erdogan exprime une certaine animosité vis-à-vis de l’Union Européenne dernièrement. En effet, déjà en début de semaine face à son parlement, il fustigeait le gel de la procédure d’admission de son pays à l’Union Européenne, dénonçant les fausses promesses de l’organisation vis-à-vis de son intégration. Il s’est également insurgé contre une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a condamné la Turquie pour un jugement jugé non-conforme. En effet, Ankara s’était basé sur la seule existante sur le téléphone d’un accusé d’une messagerie crypté pour le condamner pour terrorisme.
Est-ce que ces affirmations sont justifié ?
Pas vraiment non, d’une part car Erdogan affirme que son pays a répondu aux exigences de l’Union Européenne vis-à-vis de son adhésion, ce qui est loin d’être exact. De plus, on peut se demander pourquoi ressortir le dossier du placard. Ensuite, le jugement pointé est pris par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui n’a rien à voir avec les 27. En effet, la cour est un organe dépendant du Conseil de l’Europe, une organisation internationale dont la Turquie fait partie à part entière, et ne relève donc pas de l’Union Européenne.
Est-ce que cela signifie un changement dans les relations entre la Turquie et l’UE ?
Probablement pas, Erdogan a décrété que mettre fin au processus d’adhésion serait de la responsabilité de Bruxelles, et ne semble pas vouloir faire de pas décisif vers une fin de la coopération ou vers un renforcement de celle-ci. Il pourrait plutôt s’agir pour Erdogan de renforcer sa position à l’échelle nationale en se présentant comme défenseur de la Turquie face à l’occident.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.