La semainière de Quentin Dickinson

OTAN-Union européenne : Un front commun ?

OTAN-Union européenne : Un front commun ?

Avez-vous passé une bonne semaine ?

Oui, car, au centre d’une actualité dense, on constate une bien utile réappropriation par les gouvernements des questions de de dissuasion et de défense de notre continent, de la démocratie parlementaire, et de notre quotidien.

À quoi faites-vous allusion, au juste ?

Entre le Rond-point Schuman, cœur du quartier européen, et le Boulevard Leopold III, siège de l’OTAN, il n’y a guère, à vol d’oiseau, que quatre kilomètres – mais, pendant une soixantaine d’années, ces deux mondes se tournaient le dos, mieux dit : se méfiaient l’un de l’autre. C’est Vladimir POUTINE qui aura réussi cet exploit, sur lequel des générations successives de dirigeants européens bien intentionnés s’étaient cassé les dents, à savoir faire travailler ensemble les militaires de l’un et les civils de l’autre. En 2014, l’annexion russe (officielle) de la Crimée et (de fait) d’une grande partie du Donbass aura servi d’alerte ; en 2022, l’invasion russe de l’Ukraine aura soudé et très fortement accéléré le front commun OTAN-Union européenne. Les premiers maîtrisent les moyens et les méthodes de la planification militaire, les seconds ont l’habitude de la levée de fonds et de la mutualisation de l’effort.

Or, mercredi dernier, le Comité militaire de l’OTAN en a apporté une démonstration supplémentaire. Cet organe regroupe les chefs d’état-major des 31 pays de l’Alliance atlantique. Ces patrons des armées ont validé un paquet d’investissements lourds dans le matériel, les infrastructures, et surtout la logistique, de façon ‘à défendre avec une grande agilité chaque pouce du territoire des pays de l’OTAN’, selon la formule du commandant-en-chef des forces alliées en Europe.

L’ensemble devra être adopté lors du Sommet de l’OTAN en Lituanie les 11 et 12 juillet. Les chefs d’État et de gouvernement devraient y donner le feu vert à une redéfinition fondamentale de la notion de sécurité collective et des impératifs de défense en Europe.

Ici, on se félicite de ce coup d’arrêt porté à vingt-cinq années de naïveté, d’indécision, et de frilosité, face à un adversaire qui n’a cessé de s’enhardir dans l’agression de ses voisins.

Mais contrer la Russie, c’est aussi une affaire de sanctions économiques et financières ?

En effet. Et la semaine dernière aura vu émerger les éléments d’un onzième paquet de mesures de rétorsion contre MOSCOU. Les sanctions actuelles produisent leurs effets de façon graduellement croissante – personne n’a jamais imaginé qu’elles paralyseraient le Kremlin en quinze jours – mais la Commission européenne constate la grande ingéniosité de tiers pour les contourner. D’où l’idée de s’en prendre aux entreprises et aux États qui s’enrichissent en fournissant aux Russes les équipements occidentaux qu’ils ne peuvent plus importer directement. Montrés du doigt en particulier : le Kazakhstan, l’Ouzbekistan, et l’Arménie. Les mêmes reproches peuvent s’adresser à la Turquie, mais la proximité des élections présidentielle et législatives dans ce pays a incité les Européens à une prudente discrétion à son égard – pour l’instant. Et pour la Chine, il y a bien des soupçons, mais pas de preuves formelles (toujours, pour l’instant).

Et toujours s’agissant de la guerre en Ukraine, la Présidente de la Commission européenne s’est rendue à KIEV

Ce n’est pas la première fois qu’Ursula von der LEYEN se rend en Ukraine depuis le début de l’invasion russe, mais ce déplacement-ci aura été particulièrement symbolique, puisqu’il s’est effectué le 9 mai, jour de la Fête de l’Europe, et alors qu’au même moment, au pied de la muraille du Kremlin, M. POUTINE assistait à l’habituel défilé militaire, plus modeste d’ailleurs que les années précédentes.

Lors de ses échanges avec le Président ZELENSKY, Mme von der LEYEN a clairement évoqué la perspective de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne à l’issue d’une période d’adaptation aux normes et principes de l’UE.

Le processus sera d’ailleurs loin d’être neutre pour les pays de l’UE eux-mêmes, étant donné que l’arrivée dans l’Union du très grand producteur céréalier qu’est l’Ukraine imposera préalablement une réforme de fond en comble de la politique agricole commune.

Cela faisait quelques semaines que vous n’avez plus évoqué le scandale du Qatargate au Parlement européen – alors, où en est-on ?

Les trois eurodéputés initialement emprisonnés, une Grecque, un Italien, un Belge, tous socialistes, sont depuis peu assignés à résidence chez eux, où leurs téléphones sont sous écoute. Ne faisant pas (ou pas encore) l’objet d’une condamnation définitive, tous trois demeurent députés au Parlement européen et entendent y siéger, même si leur groupe parlementaire fait semblant de ne pas les connaître depuis leur exclusion de ses rangs. Ils pourraient en toute hypothèse siéger parmi les non-inscrits.

Pour information – mais rien à voir avec le Qatargate – il y a bien un élu européen qui croupit actuellement sur la paille humide de son ergastule, c’est le nommé Ioannis LAGOS, du parti d’extrême-droite Aube dorée, condamné en Grèce pour appartenance à une organisation criminelle.

Il faut décidément de tout pour faire un parlement.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.