Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...
Disons qu’elle aura été fertile en rebondissements.
En Géorgie – commençons par là – les manifestations de masse se succèdent les unes aux autres ; en ce moment, aucune ville n’est épargnée, et le mouvement s’étend désormais aux régions rurales, pourtant réputées plus lentes à prendre parti. La raison est connue : à l’issue d’élections législatives clairement truquées par le gouvernement pro-russe, une vague d’indignation a saisi les Géorgiens, majoritairement pro-européens, descendus dans la rue pour clamer leur protestation. La situation s’est envenimée davantage en raison de l’intervention télévisée du Premier ministre, annonçant la mise au frigo des négociations d’adhésion du pays à l’Union européenne, au moins jusqu’en 2028. La Présidente de la République, Salomé ZOURABICHVILI, soutient courageusement le mouvement par sa parole et par sa présence parmi les manifestants ; tenant le parlement et le gouvernement pour illégitimes, elle fait savoir qu’elle se maintiendra à son poste jusqu’à ce de nouvelles législatives soient organisées – cette fois-ci à la régulière et non-manipulées à distance par le Kremlin.
L’évolution de la situation, notamment compte tenu de la brutalité aveugle de la police, qui n’hésite pas à poursuivre les manifestants jusque dans leurs habitations, laisse entrevoir la perspective d’un soulèvement populaire, à l’image de l’Euromaïdan en Ukraine à l’hiver 2013-2014.
L’inconnue, en pareil cas, c’est la réaction de la Russie, qui pourrait être tentée d’intervenir militairement pour briser l’élan citoyen. Ce serait en tout cas un rappel cruel de l’écrasement des révoltes en Hongrie en 1956 et en Tchécoslovaquie en 1968 par l’arrivée en nombre de chars russes, accompagné d’agents soviétiques, auteurs d’assassinats ciblés parmi les meneurs.
Mais en Roumanie, le pire a été évité, QD...
… en Roumanie où se sont tenues des élections législatives, prises en sandwiche entre les deux tours de l’élection présidentielle ; au premier tour de celle-ci, c’est le candidat populiste pro-russe et anti-ukrainien qui est arrivé en tête, d’où la crainte que cette tendance se manifeste également aux législatives. Or, avec une assez courte majorité de 86 sièges à la chambre basse, c’est le Parti social-démocrate, au pouvoir actuellement, qui l’emporte de 22 sièges sur les populistes d’extrême-droite.
On attend avec impatience le second tour de la présidentielle dimanche pour vérifier cette correction de trajectoire.
Plus près de nous, les électeurs irlandais étaient aussi appelés aux urnes vendredi dernier…
Le système électoral très particulier retarde toujours l’annonce des chiffres définitifs : les candidats sont en effet éliminés individuellement et successivement jusqu’au dernier, qui est proclamé élu.
Actuellement, les trois principaux partis, tous pro-européens, sont à peu près à un tiers chacun – en gros, une situation un peu à la française, sourit-on à DUBLIN.
Enfin, un événement que vous jugez grave est pourtant passé quasi-inaperçu, QD…
Il s’agit d’un attentat à l’explosif qui a éventré le flanc de l’aqueduc des rivières Ibar et Lepenac. Ce vieil ouvrage en béton à ciel ouvert, datant de la Yougoslavie communiste, alimente deux centrales électriques qui desservent la quasi-totalité de la population du Kosovo. Le gouvernement kosovar met en cause des rattachistes serbes et accuse les autorités de BELGRADE d’encourager et d’armer ces groupes. Il faut rappeler que des engins explosifs ont été lancés contre un poste de police et contre une mairie – celui qui a visé l’aqueduc était le troisième en trois jours.
On assiste clairement, à la faveur d’une actualité ailleurs qui capte l’attention des médias et des chancelleries, à la recrudescence de conflits gelés depuis des décennies.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.